L'homme invisible, comme la créature de Frankenstein ou le Mister Hyde du docteur Jekyll, est un monstre créé par l'homme et appartient ainsi au genre fantastique, comme les films de fantômes, de vampires ou les créatures aux pouvoirs fantastiques, non créées par l'homme : les super héros.
Les casques ou capes rendant invisibles font partie de la mythologe et du folklore des contes de fées. Le thème a également éte abordé par Jules Verne dans Le secret de Wilhelm Storitz.
Dans L'homme invisible de H.G. Wells, roman publié en 1897, il ne s'agit plus de magie mais de découvertes scientifiques en phase avec la découverte des rayons X deux ans plus tôt. Avec ce roman, H.G. Wells devient le père de la science fiction moderne.
Dans les années 30, James Whale et la Universal transforment le thème de science fiction en mythe cinématographique fantastique en explorant la magalomanie produite par l'invisibilité lorsqu'elle est utilisée pour acquérir du pouvoir.
Les précurseurs
Avant l'adaptation référence de James Whale, une douzaine de titres avaient déjà relevé la gageure : montrer l'inobservable ! En 1903, Méliès, poète des effets spéciaux, effleura le sujet dans Siva l'invisible, puis Gaston Velle et Gabriel Moreau réalisèrent Les invisibles en 1905. L'anglais Dave Aylott réalise The invisible button (1908), racontant les aventures d'un combattant capable de devenir invisible à la simple pression d'un bouton ! En 1909, Cecil Hepworth et Lewin Fitzamon réalisent Invisibility où une poudre magique offre le pouvoir de rendre invisible.
Dès les origine le thème donne lieu à des comédies : Méliès dans son Cycliste invisible en 1912 rend invisible un homme pourchassé en vélo par la police. Dans The invisible dog de Walter R.Booth, c'est un chien qui dérobe des chapelets de saucisses à la barbe des commerçants. Dans The invisible fluid de Wallace Mc Cutcheon, un savant a inventé un sérum dont chaque giclée fait disparaître divers objets. Le produit miracle est volé par un garnement qui l'utilise pour diverses farces. Arrêter par la police, il utilise le produit sur lui-même et échappe aux forces de l'ordre. Dans Her invisible Husband, (Matt Moore, 1916), un mari, rendu invisible par un magicien, assiste au mariage de sa veuve, car ayant disparu tout le monde le croit mort. Furieux, le mari invisible s'aperçevra tardivement qu'il faisait un rêve dû à un coma éthylique !
Plus proche du livre initial, L'homme invisible (An invisible Thief) de Fernand Zecca, utilise également ses pouvoirs pour commettre divers petits délits. Dans Der Yogi de l'allemand Paul Wegener, l'acteur-réalisateur se sert de ses pouvoirs à des fins plus nobles : arrêter un autre savant ayant commis des crimes. Retour aux sources mythologique dans Die Niebelungen (Fritz lang, 1923) où Siegfried dérobe au gardien du trésor une cape qui offre l'invisibilité à celui qui s'en revêt.
L'invisibilité semble donc être le suprême pouvoir, comme dans The Unknow Purple (Roland West, 1923), où un savant se sert de son invention, un rayon de lumière violette le rendant invisible, pour se venger d'un confrère et de son épouse devenu infidèle qui l'ont fait incarcérer.
En 1933, les studios Universal sont à leur apogée. Dopés par les succès récents de La Momie et de Dracula, ils déçident de confier la réalisation de L'homme invisible à James Whale.
Ce n'est que sept ans plus tard que L'homme invisible connait une suite au titre attendu : Le retour de l'homme invisible écrit par Curt Siodmak et réalisé par Joe May. Un condamné à mort (Vincent Price), accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis, se fait inoculer le sérum d'invisibilité détenu par le frère du défunt Jack Griffin. Ce sérum va permettre à Vincent Price de mener sa propre enquête et à confondre le vrai meurtrier. La séquelle manque d'inventivité malgré un casting prestigieux réunissant Price, John Sutton et Cedric Hardwick, et des effets spéciaux toujours signé par John P. Fulton.
L'année d'après, le thème est décliné au féminin et de façon comique avec La femme invisible, signé par Edward Sutherland, avec Virginia Bruce et John Barrymore. Dans ce troisième épisode, le professeur Gibbs est un checheur fou empoté. La potion a disparue, remplacée par des gadgets electroniques inspirés du Frankeinstein de Whale. Il decide de recruter un cobaye par petites annonce mais surprise, c'est une femme qui se présente, Kitty Carroll, mannequin au chomage. Forte de ses nouveaux pouvoirs, elle va se venger de son ancien employeur, et après de multiples péripéties elle finit par épouser un riche homme d'affaires qui lui donnera un fils... doté des mêmes pouvoirs que sa mère.
Durant la seconde guerre mondiale, l'homme invisible participe également à l'effort de guerre avec L'homme invisible contre la gestapo. Le héros (John Hall) combat les nazis et les japonais. Il profite de ses capacités pour voler la liste des agents ennemis infiltrés sur le territoire des Etats-Unis puis sauve New-York d'une attaque aérienne allemande. Les effets spéciaux sont toujours signés de John Fulton (nominé aux oscars pour le film). Il remplace les bandages par un pot de creme.
Dans La revanche de l'homme invisible (Ford Beebe, 1944) l'homme invisible, toujours pourchassé par la police compte sur l'appui d'un de ses confrères, notamment John Caradine en vétérinaire pour se sortir de ce mauvais pas. Les transfusions sanguines annulent momentanement l'invisibilité et pour la première fois a lieu une transformation de l'homme invisible en mouvement.
Deux comiques de la firme Universal s'emparent alors du personnage pour le tourner en parodie dans Bud Abbott et Lou Costello contre l'Homme Invisible en 1950, dans une réalisation de Charles Lamont. Titre erroné puisqu'en fait, les deux compères aidaient l'homme invisible dans une enquête abracadabrante, l'invisibilité étant le plus souvent prétexte à de nombreux gags : l'homme invisible mangeant un plat de spaghettis ou Lou recevant un coup de main de l'homme invisble durant un combat de boxe.
En 1987, dans une anthologie de courts métrages pardodiques, la Universal proposera Le fils de l'homme invisible, où seul l'homme invisible, fou à interner, croit qu'il est invisible.
L'homme invisible sort de la Universal
En 1937 Norman Z.McLeod s'inspire du roman Topper de Thorne Smith pour Le couple invisible. Dans celui-ci deux amoureux sont devenus des fantômes après un accident de la route. Devenus invisible, les deux amoureux décident de changer la vie de Topper, un ami banquier, prisonnier de son épouse tyrannique. Basé sur un scénario aux premiers abords peu captivant, le réalisateur va bénéficier de l'interprétation de Cary Grant et des effets spéciaux de Roy Seawright pour tisser une trame burlesque multipliant les rebondissements, se rapprochant de La vie est belle de Capra. Le succès du film entraînera deux séquelles : Fantômes en croisière (Norman Z.McLeod, 1938) et Le retour de Topper (Roy Del Ruth, 1941). Ce dernier volet clôt la trilogie en alliant le thème de l'invisibilité à celui de la maison hantée.
Les futures apparitions de l'homme invisible s'éloignent peu à peu de l'uvre de Wells. L'invisibilité conduit souvent à la farce mais pose des questions étranges sur le subconscient, sur ce que l'on perçoit mais que l'on ne voit pas. Au risque pour celui qui possède ses dons de perception, de se faire passer pour un fou auprès de son entourage.
En 1950, Harvey, mis en scène par Henry Koster, raconte l'histoire de Elwood P.Dowd (James Stewart), qui entretient une étrange amitié avec un lapin géant et invisible de plus de deux mètres (!) Cette relation extra-ordinaire irrite peu à peu la sur du héros qui se décide à le faire interner. Mais au fil des jours, le pooka (esprit fantôme enfermé dans un corps d'animal géant), fa finir par se faire adopter par toute la famille, amenant chacun des membres à ouvrir son esprit sur une réalité souvent trop rigide et dénuée d'imagination. Le film, tiré d'une pièce de Mary Chase, reste un petit chef d'uvre d'humour et de tolérance.
La tarversée dans les séries Z
Dans les années 60, Edward L.Cahn réalise Invisible Invaders, dans lequel des extra-terrestres invisibles déterrent des cadavres pour contrôler les terriens. Harald Reinl dans L'invisible Docteur Mabuse, concocte un énième docteur Mabuse qui s'approprie l'invention du professeur Hyrasmus, un sérum d'invisibilité devenu un instrument, pour dominer le monde. Dans Flashman contre les hommes invisibles du célèbre réalisateur italien J.Lee Donan (pseudo), Flashman tente de déjouer les plans d'une bandes de malfrats cambriolant des banques grâce au sérum d'invisibilité dérobé chez un savant. Dans La vie amoureuse de l'homme invisible (ou Orloff et l'homme invisible) de Pierre Chevalier, voguant en pleine libération des murs, le Dr Orloff a créé un humanoïde invisible chargé, selon lui, de remplacer la race humaine. Le film s'étend largement sur les tribulations cocasses et les joyeuses galipettes de servantes assaillies par l'homme invisible au prix de zooms nauséeux. Et même Edgar G. Ulmer réalisera The Amazing Transparent Man (1960) où il est aussi question de savant utilisant Joe Faust, un cobaye interprété par Douglas Kennedy, pour cambrioler les banques à la barbe des agents de police
S'éloignant encore plus du thème du paria tel que Wells l'avait pensé, l'homme invisible a souvent profité de son état pour jouer de multiples farces d'étudiants. Dans Pas vu, pas pris (1971), réjouissante comédie américaine, Robert Butler narre les aventures d'un jeune étudiant mettant au point un sérum dont les effets disparaissent au contact de l'eau. Prétexte à une succession de gags (notamment la partie de golf), le film marquait les débuts de Kurt Russel. Autres pochades collégiennes avec The Man who wasn't there (1983) de Bruce Malamuth, où Steve Guttenberg concocte une formule capable de rendre invisible et de s'infiltrer incognito dans les douches de filles, et The Invisible Kid d'Avery Crounse (1987) dans lequel Jay Underwood découvre que la fiente de pigeon mélangée à quelques autres improbables ingrédients, permet de disparaître durant vingt minutes dans des lieux hautement fréquentables !
Le retour de l'homme invisible
Le meilleur revient avec Beetlejuice (Tim, Burton, 1988), variante macabre de la comédie Le retour de Topper (Roy Del Ruth, 1941) et Les aventures d'un homme invisible (John Carpenter,1992). Dans cette fable sur la quête d'identité, John Carpenter allie la comédie, aux gags naturels et non excessifs, à une brillante salve contre la société américaine. Halloway (Chevy Chase), écarté d'un système qui ne lui convient pas, profite de son état, non pas pour abuser de son pouvoir, mais pour accentuer sa perte d'identité et s'isoler encore plus du monde. En fait, il se reconstitue une personnalité qu'il avait perdu dans la masse uniforme de la société américaine. Sans jamais s'inspirer du roman original, Carpenter réalise une belle parabole que Wells n'aurait sans doute pas renié.
Principaux films :
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Invisible man | Leigh Whannell | U.S.A. | 2020 |
L'angle mort | P.M. Bernard, P. Trividic | France | 2019 |
L'homme sans ombre | Paul Verhoeven | U.S.A. | 2000 |
Escape from Atlantis | Strathford | U.S.A. | 1997 |
Les aventures d'un homme invisible | John Carpenter | U.S.A. | 1992 |
Beetlejuice | Tim Burton | U.S.A. | 1988 |
Tchevolek Nevidimka | Alexandre Zakharov | Russie | 1984 |
Now you see him, Now you don't | Robert Butler | U.S.A. | 1972 |
La vie amoureuse de l'homme invisible | Pierre Chevalier | France | 1970 |
Le secret de Wilhelm Storitz | Claude Santelli | France | 1967 |
L'invisible docteur Mabuse | Harald Reinl | Allemagne | 1962 |
Los invisibles | Jaime Salvador | Mexique | 1961 |
El hombre que Logro Ser Invisible | Alfredo B.Crevenna | Mexique | 1958 |
Deux nigauds contre l'homme invisible | Charles Lamont | U.S.A. | 1951 |
La revanche de l'homme invisible | Ford Beebe | U.S.A. | 1944 |
L'homme invisible contre la Gestapo | Edwin L. Marin | U.S.A. | 1942 |
Invisible Ghost | Joseph H. Lewis | U.S.A. | 1941 |
Dick Tracy vs Crime Inc. | William Whitney | U.S.A. | 1941 |
Le retour de Topper | Roy Del Ruth | U.S.A. | 1941 |
La femme invisible | Edward Sutherland | U.S.A. | 1941 |
Le retour de l'homme invisible | Joe May | U.S.A. | 1940 |
Fantômes en croisière | Norman Z.McLeod | U.S.A. | 1939 |
Le couple invisible | Norman Z.McLeod | U.S.A. | 1937 |
L'homme invisible | James Whale | U.S.A. | 1933 |
Die Niebelungen | Fritz Lang | Allemagne | 1923 |
Her invisible husband | Matt Moore | U.S.A. | 1916 |
The black box | Otis Turner | U.S.A. | 1915 |
L'homme invisible | Ferdinand Zecca | France | 1912 |
The invisible Dog | Walter R.Booth | G.-B. | 1909 |
Invisibility | L. Fitzamon et C. Hepworth | G.-B. | 1909 |
The invisible fluid | Wallace Mc Cutcheon | U.S.A. | 1908 |
The invisible button | Dave Aylott | G. -B. | 1908 |
Les invisibles | G. Velle et G. Moreau | France | 1905 |
Siva l'invisible | George Méliès | France | 1903 |
Sources :