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(1882-1967)
Réaliste

Edward Hopper déclarait en 1964, en préambule pour une interview sur NBC : "Je sais bien que des peintres contemporains vont manifester le plus grand mépris pour cette citation. Mais je la lirai quand même. Goethe a dit : "La fin première et dernière de toute activité littéraire, c'est la reproduction du monde qui m'entoure via le monde qui est en moi ; toute chose devant être saisie, reprise et recrée, assimilée et reconstruite sous une forme personnelle et originale". Pour moi, c'est le principe fondateur de la peinture. Et, je sais qu'il existe mille opinions différentes sur la peinture et que beaucoup objecteront que c'est dépassé et désuet. Mais, pour moi, c'est une vérité première."

Ainsi, même si par facilité, et pour le distinguer des courants abstraits et expressionnistes, on rattache Hopper au réalisme américain, il convient de ne pas oublier la dimension abstraite et symbolique de son oeuvre. Celle-ci propose un constant va et vient entre l'extérieur et l'intérieur, entre un espace sans limites qui a toujours fasciné les artistes américains et sa rétractation sur l'individu isolé dans un monde clos. La maison près de la voie ferrée (1925) propose une version diurne de ce dialogue, Fenêtres, la nuit (1928) ou Un bureau, la nuit (1940) en sont les versions nocturnes.

1 - Les 100 tableaux les plus célèbres d'Edward Hopper

 
Autoportrait 1903 New York, Whitney Museum
Autoportrait 1903 Boston, Museum of Fine Arts
Portrait de Hettie Duryea Meade 1905 Washinghton, Hirshhorn Museum
Autoportrait 1906 New York, Whitney Museum
Autoportrait 1906 New York, Whitney Museum
Le pont des arts 1907 New York, Whitney Museum
Louvre et ponton d'amarrage 1907 New York, Whitney Museum
Le pavillon de Flore 1909 New York, Whitney Museum
Le bistro 1909 New York, Whitney Museum
Intérieur en été 1909 New York, Whitney Museum
Sailing 1911 Pittsburgh, Museum of Art,
Coin de rue à New York 1913 Collection privée
Soir bleu 1914 New York, Whitney Museum
Jeune fille à la machine à coudre 1921 Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza
Intérieur new-yorkais 1921 New York, Whitney Museum
Appartement résidentiel 1923 Philadelphie, Pennsylvania Acad.
Passage à niveau 1923 New York, Whitney Museum
Scène de rue à New York 1925 Norfolk, Chrysler museum of art
Maison près de la voie ferrée 1925 New York, MOMA
Dimanche 1926 Washington, The Phillips Collection
Onze heures du matin 1926 Washinghton, Hirshhorn Museum
La ville 1927 Tucson, University of Arizona museum
Automat 1927 Iowa, Des Moines art center
Le phare sur la colline 1927 Dallas, Museum of Art
Pharmacie 1927 Boston, Museum of Art
Deux personnages au parterre 1927 Toledo Museum of Art
La maison des Hodgkin 1928 Collection particulière
Ile de Blackwell 1928 Bentonville, Arkansas, C.B.M.
Manhattan bridge loop 1928 New York, The Metropolitan
Wagons de marchandises 1928 Andover, Addison gallery
Du pont de Williamsburg 1928 New York, The Metropolitan
Fenêtres la nuit 1928 New York, MOMA
Chop Suey 1929 Collection privée
Coucher de soleil sur la voie ferrée 1929 New York, Whitney Museum
Autoportrait 1930 New York, Whitney Museum
Tôt un dimanche matin 1930 New York, Whitney Museum
Tables pour dames 1930 New York, The Metropolitan
Appartements houses, East river 1930 New York, Whitney Museum
New York, New Haven et Hartford 1931 Indianapolis museum of art
Chambre d'hôtel 1931 Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza
Chez le coiffeur 1931 New York, Neuberger Museum
Appartement à Brooklyn 1932 Boston, Museum of Fine Arts
Appartement à New York 1932 Lincoln, University of Nebraska
Maison des Ryder 1933 Washinghton, Smithsonian Am. A. M.
Route et maisons, Truro sud 1933 New York, Whitney museum
A l'aube avant la bataille de Gettysburg 1934 Tuscaloosa, The Warner collection
Vent d'est sur Weehawken 1934 Philadelphie, Pennsylvania academy
Coucher de soleil à Cape Cod 1934 New York, Whitney Museum
Pont du barrage de Macomb 1935 New York, Brooklyn Museum
The long leg 1935 San Marino, Huntington Art Gallery
Maison au crépuscule 1935 Richmond, Virginia Museum
Cap Code l'après-midi 1936 Pittsburgh, Carnegie Institute
Coureur français des six jours 1937 Collection particulière
Le théâtre Sheridan 1937 Newark, The Newark museum
Compartiment C, voiture 293 1938 IBM collection, Armonk
Soir au cap Cod 1939 Washington, National gallery of art
Cinéma à New York 1939 New York, MOMA
Lame de fond 1939 Washington, Corcoran gallery of art
Piste cavalière 1939 Collection particulière
Batterie légère à Gettysburg 1940 Tucaloosa, The Warner collection
Essence 1940 New York, MOMA
La nuit au bureau 1940 Minneapolis, Collection Walker
Strip-tease 1941 Collection Fayez Sarofim
The Lee Shore 1941 Collection particulière
Nighthawks 1942 Chicago, The Art Insitute
Aube en Pennsylvanie 1942 Chicago, Terra fondation
Eté 1943 Wilmington, Delaware Art Museum
Hall d'hôtel 1943 Indianapolis Museum of Art
Solitude 1944 Collection particulière
Matin dans une grande ville 1944 Boston, Museum of Art
Le "Martha McKeen" de Wellfleet 1944 Musée Thyssen-Bornemisza
Août dans la ville 1945 Norton museum, West Palm beach
Chambres pour touristes 1945 New Haven, Yale University Art Gallery
Deux puritaines 1945 Collection particulière
Approche de la ville 1946 Washington, Phillips Collection
Ville minière de Pennsylvanie 1947 Youngstown, Ohio, Butler inst.
Soir d'été 1947 Washington, Collection privée
Sept heures du matin 1948 New York, Whithney Museum
Eté dans la ville 1949 Collection particulière
Conférence nocturne 1949 Kansas, Wichita Art Museum
Midi 1949 Ohio, The Dayton art institute
Escalier 1949 New York, Whithney Museum
Matin au cap Cod 1950 Washington, Nat. mus. of Am. Art
Vue de la ville d'Orléans 1950 San Francisco, Leg. of Honor museum
Premier rang d'orchestre 1951 Washinghton, Hirshhorn Museum
Chambres au bord de la mer 1951 New Haven, Yale University Art Gallery
Hotel près de la voie ferrée 1952 Washinghton, Hirshhorn Museum
Soleil du matin 1952 Columbus, Ohio, Museum of art
Touristes du bord de mer 1952 Collection privée
Bureau dans une petite ville 1953 New York, The Metropolitan Museum
City sunlight 1954 Washinghton, Hirshhorn Museum
A la fenêtre de l'hôtel 1955 Collection privée
Matin en Caroline du Sud 1955 New York, Whitney Museum
Route à quatre voies 1956 Collection privée
Soleil sur les pierres brunes 1956 Wichita Art Museum.
Motel à l'Ouest 1957 New Haven, Yale University Art Gallery
Soleil dans une cafétaria 1958 New Haven, Yale University Art Gallery
Excursion into philosophy 1959 Collection privée
Soleil au balcon 1960 New York, Whitney Museum
Gens au soleil 1960 Washinghton, Smithsonian Am. A. M.
Une femme au soleil 1961 New York, Whithney Museum
Route et arbres 1962 Collection privée
Bureau à New York 1962 Montgomery, Alabama
Soleil dans une chambre vide 1963 Collection privée
Entracte 1963 San Francisco, Museum of Modern Art
Chair car 1965 Collection privée
Deux comédiens 1965 Collection privée
     

Gravures : Paysage américain (Washington, National Gallery of Art, 1920) ; Ombres nocturnes (New York, Whitney Museum, 1921), Vent du soir (New York, Whitney Museum, 1921), Intérieur à East Side (Washington, National Gallery of Art, 1922)

Aquarelles : Le toit mansardé (New York, Brooklyn Museum, 1923), La maison des Haskell (Washington, National Gallery of Art, 1924), Nu allongé (New York, Whitney Museum, 1927), Maison des Marshall (Hartford, Wadsworth Atheneum, 1932).

 

2 - Biographie

En 1899-1900, après la High-School, Edward Hopper fréquente la Correspondence School of Illustrating à New-York, une illustre académie de publicité. De 1900 à 1906, il fait des études à la New York School of Art, d'abord d'illustration, puis de peinture; il est l'élève de Robert Henri et de Kenneth Hayes Miller.

En 1906, Hopper se rend pour environ neuf mois en Europe. Il visite l'Angleterre, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Belgique, mais séjourne la plupart du temps à Paris. Il est surtout marqué par les grands peintres européens, Diego Vélasquez, Francisco de Goya, Honoré Daumier, Edouard Manet dont les œuvres lui avaient été d'abord présentées par ses professeurs de New York

En 1908, il s'installe définitivement à New York, il travaille d'abord comme dessinateur publicitaire et comme illustrateur; il ne peint qu'occasionnellement et seulement en été. Il réalise sa première exposition en collaboration avec d'autres élèves de Henri à l'Harmonie Club de New York.

Edward Hopper fait deux autres voyages en Europe en 1909 et 1910 mais ne subit pas l'influence du cubisme. Ses premières peintures, telles que Le pavillon de flore (1909) sont marquées par le réalisme et comportent ses caractéristiques de base sur les formes simples et les aplats de couleurs qu'il devait maintenir dans toute sa carrière.

Si l'on devait lui chercher des influences, peut-être pourrait-on rapprocher La jeune fille à la machine à coudre (1921) de La dentelière et Chambre d'Hôtel (1931) du Baptême du Christ de Piero della Francesca. De ce dernier, Hopper aurait pu retenir la poésie étrange et envoûtante qui se dégage du contraste entre un dessin et une composition savante et géométrique et une douce et subtile lumière qui nimbe les corps. Sa conception subjective du point de vue et le cadre photographique rappellent Edgar Degas.

Son modèle de composition repose sur des formes géométriques grandes et simples à base d'éléments architecturaux mettant en valeur les verticales, horizontales et diagonales et des grands à-plats de couleurs. En simplifiant les formes des personnages mais surtout des ensembles architecturaux, il permet aux objets inanimés d'évoquer des sentiments humains. Pour Hopper, l'élément américain se trouve dans son sujet principal : la grande ville, ses rues et ses bars, ses théâtres et ses hôtels. Cependant, pour lui, la ville n'est pas synonyme de compagnie, en dépit de la foule. Ses peintures incarnent une sensibilité particulière de l'Américain du vingtième siècle aux prises avec l'isolement, la mélancolie, l'attente, le silence, la solitude et un érotisme latent.

En 1912, il peint à Gloucester dans le Massachusetts et plus tard à Ogunquit dans le Maine. Bien qu'une de ses peintures, Sailing, ait été présentée à la célèbre exposition de l'Armory show de 1913 à New York, son travail suscite peu d'intérêt. Il est obligé de travailler comme illustrateur commercial toute la décennie suivante. De 1915, premières gravures à l'eau-forte, il en réalisera une cinquantaine jusqu'en 1926. À cette époque, New York s'était imposée comme le centre de la publicité et de l'édition des États-Unis et, dans les années 1910 et 1920, Hopper reçoit un flux constant de commandes, qui l'aident à gagner sa vie et soutiennet sa pratique des beaux-arts. Ses illustrations présentent souvent des motifs urbains inspirés de New York – théâtres, restaurants, bureaux et citadins – qui allaient devenir fondamentaux dans son art. Intrigué par les possibilités créatives de la gravure, Hopper passe une grande partie de son temps libre entre 1915 et le début des années 1920 à perfectionner ses techniques de gravure. Il acquiert une presse pour son atelier en 1916 et commence à exposer et à vendre ses tirages, dont beaucoup s'inspirent également de sujets urbains. Pour Hopper, le support imprimé offre une opportunité cruciale d’affiner ses compétences en composition et d’expérimenter la lumière et l’ombre en noir et blanc.

En 1920, le Whitney Studio Club lui permet de réaliser sa première exposition particulière d'huile sur toile de Paris, qui ne tarde pas à être suivie par une deuxième dès 1922. En 1923, il commence à peindre à l'aquarelle, il reçoit le "Logen Prize" de la Chicago Society of Etchers. L'année suivante, il expose toutes ses nouvelles aquarelles à la Franck K. Rehn Gallery. Cette même année il se marie avec Josephine Verstille Nivison.

En 1925, il peint La maison près de la voie ferrée, une date pour l'art américain car elle marque son arrivée dans son style de la maturité. L'emphase des formes, les angles émoussés et le jeu strict de la lumière et de l'ombre étaient déjà présents dans ses premiers travaux, mais le ton, une atmosphère de solitude apaisée presque féerique, est nouveau et devient le vrai sujet de sa peinture.

Hopper continuera sur ce modèle pour le reste de sa vie, le raffinant et l'épurant sans en jamais abandonner les principes de base. La plupart de ses peintures dépeignent des scènes à New York ou de la Nouvelle Angleterre, des scènes de campagne et de ville, rues abandonnées, théâtres à moitié vides, stations- services, voies de chemin de fer, pièces de maisons. Un de ses travaux les plus connus, Nighthawks (1942, institut d'art de Chicago), montre un café ouvert toute la nuit, ses quelques clients solitaires dans la lueur sans pitié des lumières électriques.

De 1926 à 1933, exposition d'imprimés et d'aquarelles au saint Botolph Club de Boston, puis au Morgan Memorial à Hartford, capitale de l’État du Connecticut, et enfin lors de la "Painting by Nineteen Living America" au Museum of Modern Art de New York.

Depuis 1930, il passe ses étés à Cape Cod, dans le South Truro, Massachusetts. En 1933, il s'y fait construire une maison d'été où il retournera régulièrement jusqu'à un âge très avancé. De cette année jusqu'au milieu des années cinquante, il réalise de longs voyages en voiture lui font traverser le Maine, le Canada, le Nevada, la Californie, l'Oregon, le Wyoming, la côte ouest des Etats-Unis. Il voyagera également plusieurs fois, 1943, 1946, 1951, 1952, au Mexique jusqu'à Saltillo, et Santa Fe. Presque toutes ses aquarelles réalisées après 1940 voient le jour pendant ses voyages. En 1935, Hopper reçoit la "Temple Gold Medal" de l'Academy de Fine Arts de Pennsylvanie, et le "Fisrt Purchase Prize in watercolour" du Worcester Art Museum, Massachusetts. En 1937, il reçoit le premier "W.A.Clark Prize"" et la "Corcoran Gold Madal" de la Corcoran Gallery or Art, Washington D.C. En 1942, il reçoit l'"Ada S. Gaerette Prize" de l'Art Institute de Chicago. En 1945, il est élu membre du National Institute of Arts and Letters. Les succès et les honneurs ne modifient ni la façon de travailler de Hopper, ni son mode de vie. En compagnie de sa femme Josephine, également peintre, il vit modestement dans un appartement situé au Washington Square à New York.

Jusqu'à la fin des années 40, les personnages semblent saisis avant ou après un drame possible, offrant une grande liberté d'interprétation au spectateur. Il se fait ensuite plus abstrait et métaphysique. La lumière est un objet de fascination continu pour Hopper durant les quinze dernières années de cette vie. De Matin à Cape Cod (1950), Soleil du matin (1952), Soleil dans la cafétéria (1958), Excursion en philosophie (1959), Soleil au balcon (1960), Gens au soleil (1960), Une femme au soleil (1961), et enfin Soleil dans une chambre vide (1963), Hopper montre des gens assis ou debout, attendant le soleil dans une pièce où des formes abstraites de lumière jouent sur les murs et sur les planchers.

La lumière devient la forme prosaïque de la spiritualité. Hopper s'intéresse davantage aux classes moyennes de l'Amérique profonde qui ont alors surmonté la crise des années 20, plus qu'aux prolétaires décrits avec compassion sociale par l'Ashcan school. C'est l'appauvrissement spirituel de l'homme moderne, sa vacuité irrémédiable que ce pessimiste de formation évangéliste va désormais dénoncer en nimbant ses personnages d'une illumination qu'ils semblent attendre ou ne pas voir quand la lumière est sur eux.

En 1950, le Whitney Museum of American Art de New York organise une autre rétrospective. D'importantes expositions aux Etats-Unis succèdent à cet événement la même année, comme l'exposition au Museum fine Arts de Boston et celle à l'Institute of Art de Détroit. En 1952, Hopper représente son pays à la biennale à Venise. En 1953, il reçoit le titre de Doctor of Fine Arts de l'Institute of Chicago et celui de Doctor of Letters de la Rutgers University. En 1955, il est membre de l'Academy of Arts and Letters, cet organisme lui décerne la Gold Medal of Painting, plus haute distinction du monde de la peinture aux Etats-Unis.

En 1956, il reçoit une bourse de la Huntington Hartford Foundation. L'année suivante, il reçoit le New York Board of Trade Salute to the Arts Awards et le Fourth International Hallmark art Award. En 1960, il reçoit l'Art in america Annual Awards. En 1964, il reçoit le M.V. Kohnstamm Prize for Painting de l'Art Institute de Chicago.

De 1959 à 1965, il se déroule différentes expositions personnelles et rétrospectives de différents musées, telles que celle de l'œuvre graphique de Philadelphia Museum of Arts, et celle du Worcester Art Museum du Massachusetts. En 1965, il reçoit son Doctorat Honoris causa du Philadelphia College of Art. Il peint alors sa dernière toile, Deux comédiens.

En 1967, il représente les Etats-Unis à la Biennale de Säo Paulo à côté des représentants de l'American Scene et du Pop Art. Après un séjour de plusieurs semaines à l'hôpital, il meurt le 15 mai dans son studio à New York. A peine un an plus tard, il est suivi par Josephine Hopper.

3 - Quatre grandes séries

1- seul

C'est une fenêtre ou une porte qui, dans la plupart de ces tableaux figurent la séparation d'entre le monde réel, où le personnage est seul, et un monde extérieur, souvent hors champ et fantasmé, qui serait plus chaleureux et porteur d'espoir. Le rideau ou le store font souvent un lien discret et fragile entre ces deux mondes.

2- couples

3- vie américaine

 

4- Bâtiments solitaires

4 - Hopper et le cinéma

Cinéphile, l’artiste s’est nourri des films de l’âge d’or hollywoodien des années 1930 et 1940. "Quand je n’arrivais pas à peindre, disait-il, j’allais au cinéma pendant une semaine ou plus". Les deux tableaux qui rendent le mieux compte de son plaisir à fréquenter les cinéma sont The Sheridan theatre (1937) et New York Movie (1939)

Hopper n'a cependant jamais revendiqué la moindre influence particulière du cinéma sur sa peinture. Peut-être Hopper a-t-il utilisé les techniques de la mise en scène et du cadrage des films noirs expressionnistes des années 30 pour concevoir ses toiles. Le jeu des ombres et des contrastes, la construction d’une image fortement géométrisée en seraient les paramètres les plus évidents. Mais, au jeu des correspondances, c'est toujours le peintre qui est en avance sur le cinéma.

A/ Hopper et le film noir expressionniste

Les tableaux de Hopper ne contiennent pas vraiment de narration. Les tableaux vidés de leurs personnages ou n'en laissant subsister qu'un, deux ou trois sont plutôt l'esquisse, la possibilité, du drame ; un avant ou un après qui sont une invite de notre imaginaire à inventer une narration.

Ombres nocturnes (Night shadows, 1921) évoque un décor urbain à la Raymond Chandler, à la Dashiell Hammett, proche, par exemple du Scarface de Howard Hawks (1932).

Ombres nocturnes (Night shadows, 1921)
Scarface (Howard Hawks, 1932)

Pour Nighthawks (1942), Hopper affirmait s’être inspiré d’une nouvelle de Hemingway, Les Tueurs, dans laquelle deux tueurs à gages disent vouloir assassiner un ancien boxeur. Lorsque Robert Siodmak portera la nouvelle à l’écran en 1946 en le gonflant de onze flashes-back, il s'inspirera probablement du tableau de Hopper pour la séquence d'ouverture et peut-être de Gaz (1940) pour la séquence dans la station-service.

Edward Hopper : Nighthawks (1942)
Les frissons de l'angoisse (Dario Argento, 1975)

Alfred Hitchcock reconstituera une maison proche de La maison près de la voie ferrée (1925) en studio pour Psychose (1960).

Il est aussi possible que Nuit au bureau (1940) inspire quelques décors de Marnie (1964). En revanche la saisie fugitive de Fenêtres la nuit (1928) n'a vraisemblablement rien à voir avec les cadres fixes de Fenêtre sur cour.

 

B/ Hopper et les cinéastes du cadre mobile et raréfié

L'œuvre de Hopper propose en effet un constant va et vient entre l'extérieur et l'intérieur, entre un espace sans limites et sa rétractation sur l'individu isolé dans un monde clos. C'est cette dernière caractéristique à laquelle sont attentifs les cinéastes expressionnistes du film noir. Leurs cadres serrés tirent parti des effets condensés dans le cadre pictural. D'autres cinéastes, ceux du cache mobile promené sur le réel vont être davantage sensibles aux possibilités de fuite, voire de nostalgie que contiennent les tableaux de Hopper.

Ce seront les cinéastes du cadre raréfié, des temps morts où l'action est hors champ ainsi Michelangelo Antonioni ou Wim Wenders qui dans La fin de la violence, recrée la scène de Nighthawks dans un sens bien différent de celui de Siodmak

C / Hopper et le cinéma métaphysique

Edward Hopper décrit des personnages immobiles assis ou debout attendant ou ne semblant pas voir la lumière. On serait là assez proche de David Lynch dans son esthétique de l'immobilisme, de la tension immobile, avant le déchaînement des éclats de violence. Lynch disait d'ailleurs que, avec Pollock et Francis Bacon, Edward Hopper était son peintre préféré, qu'il pouvait passer des heures devant une toile afin d'en capter les mystères et les secrets. Ils partagent surtout le même fond d'images, celle de la "Small town america" que l'on voit au début de Blue Velvet, dans Twin Peaks ou Une histoire vraie.

Hopper et Lynch ont tous deux une dimension théâtrale. Ils ne peignent pas tant l'Amérique que ses lieux communs, ses dimensions carnavalesque et symbolique. Ils ont conscience du pouvoir des stéréotypes sur l'imaginaire du spectateur. Il s'agit d'un processus visant à sortir de l'aliénation pour rénover notre regard par ses clichés et non d'un réalisme mimétique. C'est une théâtralisation carnavalesque de l'ordinaire.

Diagonales et perspectives, opposition intérieur / désert, dedans / dehors et surtout la figure du voyeur (Blue velvet, Lost highway) avec ce que cela suppose de violation de l'intimité par le dehors sont des figures communes à Lynch et Hopper.

D / Un hommage d'une précision factice

Shirley, un voyage dans la peinture d'Edward Hopper (Gustav Deutsch, 2013) souhaite rendre hommage à la peinture d’Edward Hopper en fournissant à treize de ses tableaux un hors champ social et politique. Ainsi tous les tableaux, des années 1930 aux années 1960, sont-ils datés du 28 août, date du discours prononcé en 1963 par Martin Luther King.

Chair car, 1965

Si le hors champ des tableaux, politique ou sonore, présente peu d'intérêt, les tableaux eux-mêmes ne sont guère explorés. La date de réalisation est réduite à l'année de sa réalisation et l'heure choisie est tout juste un peu plus plausible que le répétitif 28 août. Chaque séquence reprend, un instant, la pose d'un tableau de Hopper mais sans se confronter au modèle. C'est comme en catimini et sans aucune pédagogie que le tableau est approximativement reproduit, sans qu'un non-spécialiste puisse l'identifier. On est bien loin d'une vraie confrontation avec l'œuvre. Le format du film, 1.85, ne convient souvent que très approximativement au cadre des tableaux de Hopper. Ainsi des parties latérales, monochromes ou architectures (fenêtres, murs ou piliers) complète-t-ils sur la largeur, le cadre choisi par Hopper. Même chose côté lumière. "Dans les rêves, on ne voit jamais le soleil mais les couleurs sont toujours plus vives que dans la réalité" dit Shirley comme en guise d'excuse. Les tableaux sont en effet surexposés, bien loin même de l'état initial où Hopper les avait peints.

Jean-Luc Lacuve, le 15 janvier 2016

Bibliographie :