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Mon crime

2019

Avec : Nadia Tereszkiewicz (Madeleine Verdier), Rebecca Marder (Pauline Mauléon), Isabelle Huppert (Odette Chaumette), Dany Boon (Fernand Palmarède), Fabrice Luchini (le juge Gustave Rabusset), André Dussollier (M. Bonnard), Félix Lefebvre(Gilbert Raton), Édouard Sulpice (André Bonnard), Régis Laspalès (l’inspecteur Brun), Olivier Broche (Léon Trapu), Michel Fau (L'avocat général), Daniel Prévost (Président des Assises), Evelyne Buyle(l’actrice Simone Bernard), Myriam Boyer (la concierge Mme Jus), Franck de Lapersonne (Pistole). 1h43.

Le rideau de théâtre s’ouvre sur une belle villa avec piscine de Neuilly. Bruit de bagarre, cris ; une jeune femme sort précipitamment et déambule dans le Paris de 1935. Générique.

On frappe à la porte de Pauline Mauléon, jeune avocate qui court après le client et habite une mansarde sans eau courante. C’est Pistole, le logeur qui vient réclamer trois mois de loyer en retard et que Pauline tente d’amadouer en affirmant que sa colocataire Madeleine Verdier, jeune et jolie actrice vient d'obtenir un rendez-vous avec le célèbre producteur de théâtre Montferrand. Quand Madeleine arrive manifestement déçue, Pistole leur laisse 48 heures pour régler leurs dettes avant de les expulser.

Madeleine explique à Pauline que Montferrand lui a offert un petit rôle dans une pièce, à condition qu'elle devienne sa maîtresse. Elle a refusé. Il a alors tenté de la violer. Elle s’est débattu et a réussi à s'enfuir. Survient son amoureux André Bonnard, fils du propriétaire d'une grande manufacture de pneus qui ne reçoit que peu de subsides de son père. Il vient lui expliquer que pour résoudre leurs difficultés financières, il compte épouser une riche héritière et faire d'elle sa maîtresse. Madeleine, qui espérait qu'André l'épouse et accepte de travailler, est désespérée et songe à se suicider mais heureusement Pauline lui apporte deux délicieux sandwich au jambon.

Brun, inspecteur de la sûreté, sonne à l’appartement des deux amies : Montferrand a été assassiné et Madeleine est soupçonnée puisque Montferrand avait consigné son rendez-vous avec elle dans son agenda . Les deux amies rient de ces soupçons qui pourraient leur apporter 12 francs par jour ce que l'on paie aux témoins pour leur déplacement. C’est ainsi que, heureuses, elles décident d’aller au cinéma qui passe Mauvaise graine (Billy Wilder, 1934) avec Danielle Darrieux. Pendant ce temps, Brun frappe à la porte de Mme Jus la concierge afin d'avoir des renseignements sur les deux jeunes femmes.

Brun, qui a ramené le pistolet perquisitionné chez Madeleine, fait part de ses soupçons au juge d'instruction, Gustave Rabusset, qui est rapidement convaincu de la culpabilité de Madeleine en dépit de rappels à la prudence de son greffier, Léon Trapu. Il doit toutefois interroger au préalable l’architecte marseillais Fernand Palmarède qui avait conclu un viager avec Montferrand et a de ce fait gagné beaucoup d'argent grâce à la mort prématurée de celui-ci. Palmarède est un ami de Rabusset qu'il a invité la veille et dont il est ainsi l’alibi mais Rabusset semble un temps ne pas en être convaincu. Il finit toutefois par innocenter son ami qui promet d’aider celle que soupçonne Rabusset puisqu'elle lui a fait gagner 7,5 millions de francs.

C’est au tour de Madeleine d'être entendue. A la vue du revolver découvert chez elle, Madeleine comprend que des charges pèsent sur elle. D’autant que Rabusset lui fait visualiser le crime crapuleux dont elle aurait tiré 300 000 francs et aurait donc été tout de suite au cinéma voir Mauvaise graine avec son amie. Mais Madeleine le confond : le journal L'intransigeant a révélé que les 300 000 francs ont été retrouvés dans une boîte à cigares. Néanmoins inquiète, Madeleine fait entrer Pauline, qui l'attendait dans le couloir : elle sera son avocate. Rabusset leur fait alors visualiser ce qui aurait pu être un crime passionnel d’une femme éconduite. La peine encourue n’est plus vingt ans mais cinq ; ce qui ets encore beaucoup estime Madeleine. Rabusset ne peut excuser la préméditation mais Pauline réfute que le revolver soit celui de son amie ; elle visualise comment Madeleine s’est emparée du revolver de Montferrand et l'a tué quand il s'attaquait à son honneur. Rabusset admet la possibilité de la légitime défense et donc d' acquittement. Madeleine saisit l'occasion : "J’avoue mon crime dit-elle", approuvée par Pauline et à la grande joie de Rabusset, convaincu d'avoir résolu l'affaire en un rien de temps.

Lors du procès, Madeleine et Pauline font de l'affaire un symbole de l'oppression des femmes par les hommes, et Madeleine donne une interprétation très émouvante du rôle de jeune femme outragée écrit par Pauline. Elle est acquittée par un jury entièrement masculin, sous les applaudissements des nombreuses femmes venues assister au procès.

Après son acquittement, Madeleine devient une actrice célèbre, et Pauline une avocate recherchée. Elles quittent leur misérable logement et emménagent dans un hôtel particulier à Boulogne. André veut renoncer à son mariage avec la riche héritière pour épouser Madeleine, mais son père s'y oppose. C'est alors qu'elles reçoivent la visite d'Odette Chaumette, ancienne actrice du cinéma muet dont la carrière est sur une voie de garage depuis l'arrivée du parlant. Elle leur explique qu'elle a tué Montferrand et que Madeleine lui a volé son crime avec la gloire qu'il lui a apportée. Elle réclame de l'argent aux deux jeunes femmes, qui refusent. Elle va donc se dénoncer, mais Rabusset, qui, grâce à l'affaire Montferrand, a été promu et est devenu premier juge d'instruction, refuse de rouvrir ce dossier déjà jugé et lui enjoint de revenir le voir lorsqu'elle pourra s'accuser d'un crime disponible.

Comme Odette Chaumette continue à harceler les deux amies, Madeleine va voir l'architecte Palmarède, qui avait conclu un viager avec Montferrand et a de ce fait gagné beaucoup d'argent grâce à la mort prématurée de celui-ci. Elle le convainc d'investir une partie de cet argent dans l'entreprise du père d'André, qui bat de l'aile. Madeleine et Pauline expliquent à ce dernier que Madeleine n'est pas la meurtrière, mais surtout lui font miroiter le renflouement de son entreprise par Palmarède : il accepte le mariage, et verse à Odette l'argent qu'elle réclame pour éviter de compromettre l'apport de Palmarède. Odette obtient en outre un rôle important dans la pièce à succès dans laquelle se produit Madeleine ; toutes deux y jouent une scène qui réinterprète le meurtre de Montferrand et dans laquelle Odette le tue pour sauver Madeleine, victime d'une tentative de viol.

François Ozon excelle dans cet exercice de style où les acteurs, des "caractères" sont tous excellents, des premiers aux seconds rôles. Le jeu avec le cinéma est parfaitement assumé ainsi le filmage en studio dans la mansarde avec une caméra qui traverse le mur ou les escaliers.

En 1935, le cinéma muet est déjà dépassé, seul le serveur (Dominique Besnehard) se souvient d'Odette Chaumette et les séances muettes visualisent le passé. Une même séquence de film en noir et blanc visualisée quatre fois, différentes à chaque fois car prises en charge deux fois par Rabusset, une fois par Pauline et enfin une fois par Madeleine au procès. Il y a par ailleurs trois séances de cinéma : la première qui conduit au cinéma avec l'affiche géante de mauvaise graine, ensuite des séquences de ce film car vues dans la première visualisation du film et enfin une troisième fois quand Pauline assiste aux  actualités où le crime de Madeleine est mis en perspective avec celui des sœurs Papin ou de Violette Nozière.

Même s'il est fait usage du procédé cinématographique de la fermeture à l'iris, c'est un artifice pour mieux  marquer que tout cela n'est que du théâtre. D'ailleurs Ozon commence par un lever de rideau et termine (presque) par le rideau qui se ferme sur la pièce où triomphent Madeleine et Odette - Les unes des journaux sur les malheurs des protagonistes servant de générique final. Ainsi, puisque rien de tout cela n'est sérieux et que le discours féministe qui va de soi aujourd'hui est décalé dans le contexte des années 30, on qualifera volontiers ce film de comédie burlesque.

Jean-Luc Lacuve le 10 novembre 2025

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