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Dans la salle du bassin aux nymphéas avec saules du Musée de l'Orangerie, des jeunes gens munis de téléphones prennent photos sur photos ainsi que des selfies. Face à l'un des pans peint par Monet, Seb photographie une modèle qui se plaint de ne pas assez occuper le champ visuel et de la couleur de sa robe qui s'accorde mal au tableau. Elle le prie d'en changer les couleurs.
Seb rentre chez son grand-père où il habite et a installé son studio de créateur de contenus digitaux. Ils sont bientôt convoqués avec une trentaine de personnes issues de la même famille pour apprendre qu’ils vont recevoir en héritage une maison abandonnée depuis des années. La communauté d'agglomération veut la leur acheter pour construire un gigantesque centre commercial, compensant misérablement l'artificialisation des sols par d'immenses parkings dotés de panneaux solaires.
Quatre membres de cette famille sont désignés pour ouvrir officiellement cette maison perdue au milieu des champs : Seb, Abdel, Céline et Guy, cousins éloignés. Ces lointains "cousins" découvrent tout un tas de vieilles photos parmi lesquelles deux femmes, dont l’une pourrait être la mère de l’autre ainsi qu'un tableau de l'époque impressionniste. Seb qui a très peu dormi, laisse les autres continuer leur recherche et s'endort. Il voit alors Adèle, son aïeule alors jeune fille, quitter cette maison.
Adèle s'éloigne de la maison à pied puis en charrette à foin. Elle interpelle Gaspard, jeune homme blond comme les blés, bouleversé de son départ. Adèle lui explique devoir chercher à retrouver sa mère qui habite Paris, maintenant que sa grand-mère qui l'a élevée est morte. Elle lui fait la promesse de revenir et Gaspard lui tend une fleur puis un cailloux, moins périssable, pour qu'elle continue de penser à lui.
Seb se réveille et accompagne ses trois cousins dans le TGV pour Paris. Grâce à Guy qui aime entretenir la conversation, ils font un peu connaissance : Seb est créateur de contenus digitaux, Céline ingénieur en prospective disruptive pour la SNCF et Abdel, professeur de français dans un collège. Guy les informe qu'il est apiculteur et ardent défenseur de l'écologie. Arrivés gare saint Lazare, ils promettent de rester en contact puisqu'ils sont désormais chargés de faire l'état des lieux de la maison et d'en rendre compte à l'ensemble de leur famille.
Adèle a pris le bateau pour remonter la Seine jusqu'à Paris. Elle rencontre Anatole et Lucien, deux jeunes hommes de son âge, peintre et photographe en devenir, allant chercher gloire et surtout travail à Paris. Elle leur explique rechercher sa mère qu'elle n'a pas vu depuis vingt ans, partie alors qu'elle n'avait qu'un an. La tour Eiffel, terminée six ans avant cette année 1895, est bientôt en vue. Ils se quittent à regret, Anatole et Lucien donnent néanmoins à Adèle l'adresse de leur logement; un estaminet réputé pour ses prix modiques, Le rat mort.
Abdel se rend au musée d'Orsay alors qu'a lieu l'exposition Paris 1874, inventer l'impressionnisme. Il s'attarde devant Réunion de famille (Frédéric Bazille, 1874) puis L'atelier du peintre (Gustave Courbet, 1855). C'est là que le retrouve Calixte de La Ferrière, conservatrice du musée, son ancienne élève auquel il a communiqué jadis sa passion pour l'art. Il est venu lui demander d'examiner le tableau retrouvé en Normandie dont il lui montre une photographie. Calixte lui propose de l'accompagner bientôt au Havre, où son amie depuis l'école du Louvre officie. C'est elle la spécialiste des œuvres impressionnistes.
Adèle rend visite au notaire qui depuis son enfance transmet les 100 francs par mois nécessaire à son entretien de la part d'Odette, sa mère. Le notaire ne connaît que son lieu de travail. Adèle s'y rend et découvre une maison close où sa mère, émue, a à peine le temps de lui parler tant elle est pressée par un client. Décontenancée, Adèle s'enfuit, poursuivie en vain par Odette. Alors que la nuit tombe, Adèle se rend au Rat mort dans le quartier de Montmartre où la tenancière la laisse attendre le retour de Anatole et Lucien.
En région parisienne, Guy est revenu s'occuper de ses abeilles. Céline tente vainement de connaître le prix proposé par la communauté d'agglomération pour leur maison. Seb se dispute avec Leslie, sa copine de Dubaï qui lui a laissé "cœur, cœur, cœur" en guise d'excuse pour un lapin posé. Il se fait charrier par son grand-père à propos de la chanteuse qu'il a reçu récemment et que lui-même aime bien. Seb propose en effet à Fleur une mise en scène de sa chanson, La nuit, qui le subjugue. Lors d'une conversation en zoom, où l'un des interlocuteurs a bien du mal à se défaire d'une grosse tête de chat en guise de filtre, les quatre cousins reçoivent l'assentiment des autres pour poursuivre leur recherche en Normandie. Seb réticent y est poussé par son grand-père. Dans la maison d'Adèle, ils explorent les lettres laissées par Adèle, sa première lettre depuis un mois et la réponse de Gaspard; ignorant quelles furent dictées par les jeunes gens analphabètes, ils trouvent qu'ils expriment des sentiments bien froids.
Adèle est retrouvée endormie par Anatole et Lucien sur la table de l'auberge. Ils lui proposent de la loger dans leur petite chambre. La tenancière accepte et leur commande d'aller faire quelques courses. Le drap tendu entre la partie de la chambre occupée par les garçons et celle d’Adèle, n'empêche pas Louis d'admirer le corps d'Adèle en ombre chinoise. Il lui propose à demi-mots de poser nue pour lui. Elle accepte s'il veut bien lui apprendre à lire et à écrire.
Les quatre cousins sont au Havre en compagnie de Calixte pour rencontrer Klaï Dounia, l'experte en peinture du MuMa, le musée d'art moderne André Malraux. Celle-ci propose des investigations supplémentaires mais a la certitude qu'il s'agit d'un original impressionniste. Seb propose aussi d'examiner un morceau de toile de la même époque où sont tracés au pinceau des lignes oranges. Calixte fait visiter à ses amis le lieu d'où Monet peignit Impression soleil levant.
Adèle est retournée voir Odette et celle-ci lui a proposé une tenue plus parisienne pour discuter du passé dans les jardins des tuileries. Adèle aimerait connaître qui est son père. Odette lui répond qu'elle avait deux amants au début des années 1870, un photographe et un peintre. Adèle en discute avec Anatole et Lucien, le premier heureux d'avoir sa première commande, une fresque à réaliser pour la devanture d'une boulangerie alors que le second a séduit deux jeunes blanchisseuses, Rose et Violette. Rose peut ainsi procurer à Adèle une robe de haute couture pour une soirée au Train Bleu, le restaurant gastronomique de la gare de Lyon, où elle accompagne Anatole et Lucien pour rencontrer Théophraste, l'oncle de ce dernier. Celui-ci, grand bourgeois, connaît aussi bien Sarah Bernhardt que Nadar qui propose ainsi à Lucien de venir lui rendre visite.
Dans la maison d'Adèle, Guy propose de boire une préparation à base d'ayahuasca qui favorise les transes psychédéliques. Si la boisson semble d'abord ne pas faire effet, voici bientôt les protagonistes transportés lors de la première exposition impressionniste. Céline se fait draguer par Victor Hugo, Calixte est émerveillée de voir réunis Paul Cézanne, Berthe Morisot, Pierre-Auguste Renoir, Claude Monet, Edouard Manet, Camille Pissarro, Alfred Sisley et Edgar Degas. Elle ne tarde cependant pas à s'en prendre violemment au critique Louis Leroy qui dénigre l'impressionnisme. De son côté, Seb se voit une ressemblance frappante avec Claude Monet. La nuit, il se rêve en Monet peignant le 13 novembre 1872 à 7h35, l'instant où le soleil éclaire le port du Havre de ses premiers rayons. Odette, enceinte, se réveille alors et vient tendrement l'enlacer trouvant aux traces oranges d'Impression soleil levant un air mélodique. Claude Monet, reprenant son phrasé, en fait de nouveau le tracé en rythme sur un bout de toile qu'elle conserve.
Adèle rend visite à Nadar avec Lucien qui se voit proposer de travailler avec lui. Nadar se souvient bien d'Odette dont il a fait le portrait et il propose à Adèle de faire le sien. Néanmoins, Adèle ne ressent pas de sentiment filial pour Nadar.
Alors que Calixte dort encore après son trip, les quatre cousins retournent voir Dounia qui leur affirme que le tableau est un Monet d'une valeur inestimable. Seb en profite pour montrer que le bout de toile récupéré dessinant les mêmes traits que sur Impression soleil levant.
Adèle reçoit la visite d'Odette qui lui précise que si son père n'est pas Nadar alors il s'agit de Claude Monet. Remarquant que sa fille est en compagnie de Anatole et Lucien, elle lui conseille de ne pas résister à son penchant pour Anatole : mieux vaut regretter les choses que l'on a faites que celles qu'on n'a pas faites. Ainsi le soir où Anatole, Lucien, Adèle, Rose et Violette vont depuis les hauteurs de Montmartre regarder au loin de l’avenue de l’Opéra, la première à être électrifiée, Adèle se laisse reprendre la main par Anatole et l'embrasse. Le matin dans la chambre où ils ont fait l'amour, elle voit aussi Rose et Violette dans le lit de Lucien. Se libérant tendrement des bras d'Anatole, elle prend sa valise et part pour la Normandie.
Adèle vient voir Claude Monet à Giverny où il s'apprête à ne plus peindre que son jardin japonais. Il reconnaît le morceau de toile qu'il fit devant Odette en 1874 tout aussi bien qu'Adèle comme sa fille. Il la retient quelques jours le temps de faire son portrait. Adèle rejoint ensuite sa Normandie et son Gaspard, tellement heureux de son retour.
Dans le train qui les ramène à Paris, Abdel lit une lettre d'Anatole adressée à Adèle où il se dit content qu' elle soit devenue institutrice alors que lui en cette année 1916 est mobilisé pour partir à Verdun. Les quatre en déduisent qu'il est sans doute mort comme Adèle est peut-être morte sous les bombes déversées par les alliés en 1944 sur la ville du Havre. A la gare, les quatre promettent de se revoir dès le vendredi pour la mise en retraite d'Abdel.
En attendant a lieu la rencontre zoom où la famille se dispute sur la vente ou non du tableau de Monet que Guy a proposé de donner au musée d'Orsay. Seb remercie son grand-père pour l'avoir fait revenir sur son passé ce qui lui permet de mieux comprendre son avenir. Il invite Fleur dans la salle du bassin aux nymphéas sans saules du Musée de l'Orangerie. Celle-ci en devine la cause et pose sa tête contre son épaule.
Le jour de la mise en retraite d'Abdel, tous les élèves du collège lui font une haie d'honneur et c'est les larmes aux yeux qu'il est filmé par Seb et repart ému avec ses deux grandes filles. Céline et Guy vont rentrer chacun chez eux quand Guy propose à Céline de prendre un café avec lui. Elle accepte volontiers.
Le film ne développe que des valeurs éminemment consensuelles : la liberté, le goût des autres, la curiosité, l'amour d'art et de l'écologie. Mais Klapisch sait si bien enjamber les clichés qui y sont associés que ces valeurs trouvent une incarnation nouvelle portée par des acteurs en tout point remarquables parce que complémentaires où chaque destin est travaillé avec soin durant deux heures réjouissantes.
Le cliché et son enjambement
La fin du XIXe siècle, sa campagne et ses fleuves en partie préservés, sublimée par l’avènement de la photographie et l’essor de l’impressionnisme, se prête facilement aux chromos. Quand Fleur demande à Seb si le cadre de pointe de l'île saint Louis ne fait pas trop cliché pour elle et sa guitare, Seb affirme que Paris est un cliché par-lui-même mais que sa présence suffit à "dé-clichisiser" l'endroit ; ce qu'il lui répétera au téléphone alors que la moitié de l'écran est alors occupé par le Sacré-cœur illuminé.
Le cliché est peut être ainsi théorisé par Klapisch : ce serait quand les personnages sont sans surprise ou réflexion par rapport à leur cadre. Ce sont les jeunes gens du prologue qui se selfisent pour s'ancrer dans le décor. Il s'agit toutefois moins ici de critiquer la jeunesse que de lui offrir une seconde chance. A la fin du film, Seb et Fleur se retrouvent dans l'autre salle du musée de l'orangerie mais seuls cette fois face aux Deux nuages.
Ce jeu avec la peinture est constant dans le choix des toiles montrées; d'abord Réunion de famille (Frédéric Bazille, 1874) en écho à celle qui vient d'avoir eu lieu en Normandie puis puis L'atelier du peintre (Gustave Courbet, 1855), car Abdel, professeur de français, est sensible à la représentation de Baudelaire. Monet se taille la part du lion, incarné par l'imposante figure d'Olivier Gourmet : les toiles du bassin au nymphéa dans les deux salles du musée de l'Orangerie; le tableau inventé qui sert de fil rouge à l'intrigue et enfin le plus connu de tous ses tableaux. Calixte l'évoque ainsi parlant du "lieu légendaire" où fut peint Impression soleil levant. Si on peut craindre qu'ensuite sa réalisation ne soit un peu trop cliché avec l'illumination du soleil dans la chambre et la touche orange du soleil suivie de la zébrure de ses rayons sur l'eau, le témoignage amoureux de la petite pièce de toile confiée à Odette, fera que sans doute jamais plus nous ne verrons cette partie du tableau comme avant.
D'une époque à l'autre
Le soin apporté à la mise en scène des tableaux l'est aussi dans l'entrelacement des deux époques. Le XXIe siècle semble d'abord bien terne par rapport à la splendeur impressionniste. Mais la famille des cousins, le grand-père et Fleur prennent rapidement des couleurs tant et si bien que le passage d'une époque à l'autre surprend à chaque fois comme si on quittait l'une à regret avant de se réintéresser à l'autre. La vision initiale du passé par le rêve de Seb est poursuivie par des raccords sur les mêmes lieux de Paris (le joggeur qui descend l'escalier que vient de monter Adèle). Puis toute justification est abandonnée une fois que chacune des périodes a rendu attachants ses personnages, tous traités avec finesse.
L'humour y est constant depuis la grosse tête de chat dans la réunion zoom en passant par le "cœur, cœur cœur" laissé par Lisa sur le portable de Seb jusqu'au trip qui ne semble d'abord par marcher avant de finir en gag burlesque avec la visite de la première exposition des peintres impressionnistes.
Jean-Luc Lacuve le 24 mai 2025.
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