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l'extravagant Mr. Ruggles

1935

Voir : photogrammes

(Ruggles of Red Gap). Avec : Charles Laughton (colonel Marmaduke Ruggles), Mary Boland (Effie Floud), Charles Ruggles (Egbert Floud), Zasu Pitts (Prunella Judson), Roland Young (George, le Duc de Burnstead). 1h26.

dvd chez Carlotta Films

Marmaduke Ruggles, l'aristocratique majordome de sir George Vane-Bassingwell, a été gagné au poker par un couple de bourgeois américains récemment enrichis, Effie et Egbert Floud. Egbert est un paysan farouchement attaché à ses origines et à ses coutumes de vie; Effie, une snob enchantée de pouvoir ramener dans son pays cet exemple raffiné et brillant de la haute société européenne.

Ruggles fait une entrée remarquée dans la petite bourgade de Red Gap : pour la population inculte de cette région désertique de l'Ouest américain, tous les Anglais se ressemblent : Ruggles ne peut donc être qu'un colonel de l'armée des Indes. Dés lors, le valet est traité avec une déférence toute singulière...

Petit à petit, l'infortuné Ruggles s'habitue à son nouveau cadre de vie, prend goût à la considération d'autrui, entrevoit les possibilités offertes par les mœurs de son pays d'adoption. En Angleterre, il serait resté un valet toute sa vie; ici, conformément aux déclarations de Lincoln dans son discours de Gettysburg, il pourra s'affranchir de sa condition. Associé à Prunella Judson, une entraîneuse qui l'a séduit, il ouvrira un restaurant, " l'Anglo-américain Grill ", qui deviendra bien vite l'endroit le plus fréquenté de la région...

Troisième adaptation de après celle de Lawrence C. Windom en 1918 et celle de James Cruze en 1923 où Edward Everett Horton jouait le rôle de Ruggles, c'est pour Jacques Lourcelles : "Chronologiquement le premier chef-d'œuvre complet de McCarey en long métrage. C'est aussi le premier rôle intégralement comique de Charles Laughton. De cette histoire célèbre et plusieurs fois filmée, McCarey tire le parti le plus sérieux qui soit, puisqu'il y trouve l'occasion de livrer un vibrant hommage à la démocratie américaine, à son égalitarisme moral par lequel tout citoyen, quels que soient son rôle et son emploi dans la société, est considéré, sur le plan social et civique, comme l'égal de ses voisins".

Cette leçon est énnoncée ainsi par Egbert Floud : "Nous sommes tous égaux. Je ne suis pas meilleur que toi, tu n'es pas meilleur que moi". C'est évidemment choquant pour Ruggles pour qui il paraît normal d'être perdu au poker mais pas de s'asseoir à la même table que son patron. Il se l'approprie dans le premier garnd moment d'émotion du film, lorsqu'il est la seule personne à se souvenir du discours de Lincoln à Gettysburg. Et Ruggles finira par trouver l'équilibre avec Prunella Judson dans le donnant- donnant : elle lui apprend à faire un (mauvais) café. Il lui apprend à faire un (bon) thé.

Dans cette première œuvre importante, poursuit Jacques Lourcelles "le rire est déjà chez McCarey un chemin tout tracé vers la connaissance intime des personnages, de ce qui les sépare et surtout de ce qui les unit. McCarey y exprime sa vision idéaliste du monde, selon laquelle la justice rendue aux qualités de chacun crée un état de béatitude universelle que le spectateur est invité à partager avec les personnages. Le bonheur de Charles Laughton, de plus en plus intense à mesure que l'histoire avance, est communicatif et contient à lui seul le message du film. Et si le snobisme est tant attaqué dans l'intrigue, c'est qu'il recrée entre les êtres ces barrières artificielles si contraires à la reconnaissance de leur vrai mérite et à leur épanouissement individuel."

Opposition de la vie parisienne et de la vie à Red Gap, de la culture anglaise et de la culture "américaine". L'Américain est cette fois plus caricatural que dans Six of a kind. Il ne supporte pas le style de Boston, pousse de grands cris, aime les vestes à carreaux et les moustaches en guidon mais sait aussi être émouvant.

On retrouve dans le film ce goût de l'embarras à voir quelqu'un que l'on aime bien se rendre ridicule. C'est l'aspect Jekill et Hyde de Laughton. "J'ai laissé parler la brute en moi" ou "Vous ne pouvez avoir autant honte de moi que j'ai moi-même honte de moi". C'est aussi le ridicule de Floud et son goût de la démocratie autour de verres de bière et de whisky.

 

Sources :

Test du DVD

Editeur : Bac Films. Juin 2008. Version remasterisée - VOSTF mono 1h30. 20€.

Suppléments:

  • Présentation du film par Bernard Eisenschitz
  • Bandes-annonces originales (vostf), galerie photos.
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