Les nuits de la pleine lune

1984

Avec : Pascale Ogier (Louise), Tchéky Karyo (Rémi), Fabrice Luchini (Octave), Virginie Thévenet (Camille), Christian Vadim (Bastien), Laszlo Szabo (le peintre au café), Anne-Séverine Liotard (Marianne), Lisa Garneri (Tina). 1h42

Novembre. Vendredi matin, Louise organise sa soirée au téléphone avec Octave. Rémi, son compagnon qui fait de la musculation sur son balcon, aimerait l'accompagner s'ils décident de ne pas rentrer trop tard. Mais Louise n'en a aucune envie et préfère sortir seule, laissant Rémi de mauvaise humeur. Louise rejoint à pied la station de RER toute proche de Lognes, créée pour accompagner le développement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée.

Le soir, Octave vient la chercher à son travail et elle lui montre la chambre qu'elle louait jusqu'alors et dont elle a décidé de faire un pied à terre. Elle va la repeindre elle-même ou avec des amis. Louise n'a jamais été seule. Elle a toujours rompu la première, après s'être assurée de connaître une nouvelle aventure. Elle dit vouloir éprouver la solitude. Il lui manque d'en avoir souffert. On l'aime trop. Octave objecte que si elle ne peut aimer que des hommes qui l'aiment, c'est peut être qu'elle cherche à se rassurer en aimant des hommes qui ne la valent pas. Elle a tort car elle plairait encore plus a des gens très bien conclut Octave. Mais Louise refuse sa théorie et dit tenir à Rémi : "la seule chose qui m'empêche de l'aimer comme je voudrais c'est qu'il m'aime trop. Et moi automatiquement quand on m'aime top, j'aime moins."

Octave est marié à Agathe. Ils vont chez lui, où Tina, la baby-sitter a couché sa petite fille. Elle dit aimer sortir, rencontrer des amis, des gens nouveaux, danser. Lui dit aimer le jeu de la séduction, même si cela n'aboutit pas physiquement. Louise dit que les relations physiques ne l'intéressent pas. Elle n'a jamais eu de relations purement physiques avec un homme. Octave essaie vainement de la séduire. Elle le repousse.

Ils vont ensuite ensemble dans l'appartement où se tient la fête. Louise y retrouve son amie Camille qui habite Emerainville, tout prêt de Lognes. Louise voit sans joie arriver Remi qui la surveille. Camille lui présente Marianne qui joue au tennis comme lui. Remi veut repartir de suite avec Louise. Elle refuse; il se fâche. Louis pleure un moment mais reste dans la fête. Camille la ramène en voiture à Lognes. Là Remi lui fait une scène, se tape la tête contre les murs et manque de la frapper. Durant la nuit cependant, ils se réconcilient même si Remi dit détester Octave. Louise lui annonce qu'elle veut garder son studio comme pied à terre. Rémi ne peut que céder.

Décembre. Louise a tout juste fini de repeindre son studio. Elle voudrait sortir mais celui qui devait l'inviter se décommande au téléphone. Louise appelle alors octave puis deux garçons qui sont tous pris. Elle se met à la lecture (L'incal noir). Le lendemain matin alors qu'elle prend son café elle déclare à Octave avoir passé eu excellente soirée

Janvier. Un vendredi vers 22 heures dans un café place saint Michel, Louise et Octave discutent. En sortant des toilettes, Louise aperçoit Rémi et se cache. De son côté, Octave voit une fille rencontrée dans la fête de janvier qu'il ne sait nommer. Serait-ce Camille? En rentrant à Marne La vallée, le lendemain, Louise achète une théière pour Remi. Justement Camille passe à la maison. Elle explique qu'elle ne pouvait être au café de la place saint Michel car elle vient juste de rentrer d'un voyage en Italie avec celui qui va être son nouveau compagnon. Le lundi matin dans la gare du RER, Louise s 'en dit rassurée auprès d'Octave.

Février. Dans une fête, Louise danse avec Bastien qui l'attire. Ils s'embrassent dans la cuisine et s'apprêtent à partir ensemble lorsque surgit Octave, étonné de la trouver là un jeudi mais qui remarque immédiatement Bastien et inquiet tient à la voir le lendemain. Louise refuse se disant prise le lendemain. Elle donne rendez-vous à Bastien pour le lendemain soir.

Le vendredi soir alors qu'elle s'apprête à rejoindre Bastien, Louise reçoit un appel d'Octave qui tient à la voir. Il tente de l'empêcher de sortir et se propose pour être son amant. Il tente de l'embrasser elle el gifle et éclate en sanglots devant sa jalousie inquisitrice. Elle el met néanmoins dehors et rejoint Bastien, ils font le tour des boites en moto. Elle le ramène chez elle.

Au cœur de la nuit, elle se lève comme perturbée, sort dans la rue et entre dans un café où elle rencontre un dessinateur qui lui raconte que lors des nuits de la pleine lune, personne ne peut trouver le sommeil. Louise lui avoue que "d'avoir eu deux maisons" mais elle sait désormais laquelle choisir... Elle rentre par le premier train à Lognes pour retrouver Rémi. Mais celui-ci n'est pas chez lui. Au petit matin il rentre et lui annonce qu'il a rencontré une autre femme qui l'aime et qu'il aime; c'est Marianne à laquelle le fameux soir de la place saint Michel, Camille avait prêté sa toque en fourrure.

Bien qu'en larmes, Louise finit par se résigner. Elle téléphone à Octave pour qu'ils se voient le soir. Elle prend ses affaires et quitte Lognes.

Quatrième film de la série Comédies et proverbes, celui-ci s'ouvre par un improbable proverbe champenois. "Qui a deux femmes perd son âme, Qui a deux maisons perd sa raison". Mais comme l'analyse Antoine de Baecque, sans doute davantage que le thème du choix, c'est celui de la révêrie qui domine. La rêverie est la réponse de l'adolescence à cette angoisse du choix qu'implique l'âge adulte.

Les trois stades de la rêverie

Le rêverie se développe selon trois stades qui se complètent. Rêver à une autre vie que la sienne : c'est l'état où cherche à se maintenir le personnage féminin en se créant un jardin secret parisien ou elle peut songer à des rencontres encore possibles, au son d'une douce rengaine de Lucienne Boyer (L'étoile d'amour). Et en revenant à la conjugalité délaissée, pour peu que la garçonnière se referme sur un banal adultère (c'était déjà la conclusion de L'amour l'après-midi).

Rêver également, aux images de l'autre qui émergent dans le lointain. Louise se fait tout un cinéma à partir d'une silhouette entrevue, celle de son compagnon croisé possiblement avec sa meilleure amie au hasard d'un bistrot. Dans cette seconde étape de la rêverie, elle est assistée d'un confident, dont les hypothèses tendancieuses achèvent d'orchestrer le délire d'interprétation.

La troisième étape est la plus passionnante : c'est celle qui consiste à mettre en scène la vie d'autrui, toute en ayant l'air de s'inscrire en retrait. "Tu peux trouver mieux : une personne, par exemple, qui ait envie d'être ave toi tout le temps. Et, si tu la trouves, si tu l'aimes, je te jure, je saurai m'effacer. Mais j'aurai beaucoup de chagrin beaucoup." Pour que cette prédiction s'accomplisse à la lettre, il faudra que son auteur elle-même puisse l'oublier. Et qu'elle vive comme un coup du sort ce qui n'est qu'un effet de sa volonté.

Le film d'une époque

A Venise, le film est chaleureusement applaudi, y compris en cours de projection. Rohmer reçoit des lettres enthousiastes de Nicolas Seydoux (PDG de Gaumont) de Daniel Toscan du Plantier (directeur général de Gaumont, qui, cinq ans après Perceval, ouvre la porte à un nouveau film en commun) ou du ministre de la culture, Jack Lang, qui le félicite pour l'obtention du prix Méliès.

Pascale Ogier a choisi la décoration dont les Mondrian et la colonne antique ainsi que les costumes (sacs, écharpes, théière...) et également son prénom. Elle s'est totalement identifiée au personnage au point, qu'à la fin, elle pleure naturellement. A la faveur de nombreuses interviews (et d'un prix interprétation à la Mostra de Venise), elle s'impose comme l'archétype absolu de la parisienne de 1984, avide de multiplier les expériences tout en poursuivant un certain romantisme. Virginie Thévenet s'en inspirera dans La nuit porte jarretelles (1985)

Après deux mois sur un nuage d'euphorie, Pascale Ogier meurt le 25 octobre 1984. La veille, lors d'une fête au Palace, elle aurait consommé des stupéfiants alors qu'elle avait décroché depuis quelques temps. Dans la nuit, elle fait un malaise cardiaque et son partenaire tarde à appeler le Samu. Rohmer est dévasté par cette disparition. Il conduit les obsèques comme s'il était le veuf et le père de Pascale. Avec la mort de Paul Gégauff, assassiné à coups de couteau par sa femme, et la mort de François Truffaut, c'est une période qui se ferme pour Rohmer qui recrute alors une équipe rajeunie

Des éléments de la biographie de Fabrice Luchini sont repris : sa vie d'avant de turbo-prof et son amour hautement proclamé des belles phrases et des jolies femmes. Sa lancinante frustration de n'être perçu par elles que comme un bel esprit. Avec ce film Lucchini passe de l'ombre à la lumière. D'une image d'intello ennuyeux qui lui collait aux basques depuis Perceval à une image d'intello brillant et drôle, qui assurera sa durable popularité. Il disserte sur "l'animalité pathétiquement bestiale" de son rival Rémi, sur la séduction, l'importance d'être au coeur de Paris. La seule indication de jeu que Fabrice Luchini a reçu d'Eric Rohmer pour les cinq films qu'ils ont fait ensemble, c'est "Plus Fernandel !" lors de prise dans le café de la place saint Michel.

Jean-Luc Lacuve, le 20 juin 2019

Test du DVD

Editeurs : Potemkine et Agnès B. Novembre 2013. 30 DVD et leur déclinaison blu-ray pour les 22 films restaurés HD. 200 €.

Digipack 14

Test du DVD

Editeur : Les films de ma vie, février 2009. Son mono d'origine. Format : 1,37. 10 €.

Test du DVD

Supplément :

  • Le film annonce
  • Eric Rohmer parle de "Les nuits de la pleine lune"