Les misérables

2019

Thème : La banlieue

Festival de Cannes 2019 Avec : Damien Bonnard (Stéphane dit "Pento"), Alexis Manenti (Chris dit "Cochon rose"), Djebril Didier Zonga (Gwada), Issa Perica (Issa), Al-Hassan Ly (Buzz), Steve Tientcheu (Le Maire), Almany Kanoute (Salah), Nizar Ben Fatma (La Pince), Ryamond Lopez (Zorro), Jeanne Balibar (La Comissaire). 1h42.

Finale de Coupe du monde 2018 de football. Les jeunes des cités franchissent le périphérique, se poser sur le parvis des Droits de l’Homme, au Trocadéro, pour célébrer la victoire et l’unité de la nation retrouvée. Parmi eux, Issa, un enfant à l’air farouche, qui se drape dans un drapeau tricolore.

Stéphane Ruiz, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il fait la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris dit "Cochon rose", et Gwada, deux "Bacqueux" d’expérience qui ont tôt fait de l'affubler d'un surnom, Pento, et de lui faire rencontrer "Le maire" qui réglemente le quartier. Stéphane rencontre aussi Salah, un frère musulman, qui, selon l'aveu même de Chris a contribué avec d'autres "muzz" à faire baisser d’intensité du trafic de stupéfiants, même s'il ne fait rien contre la montée en puissance de la prostitution.

Au commissariat de Montfermeil, le père d'Issa père refuse de ramener son fils à la maison tant le garçon accumule les bêtises, la dernière en date étant d’avoir volé des poulets à un Roumain qui avait transformé son garage en poulailler. La Commissaire, accueille aussi Stéphane, lui rappelant qu'elle ne tolérera aucun dérapage et qu'il se doit de se montrer solidaire avec son équipe.

C'est l'été à Montfermeil et Buzz conduit son drone près des fenêtres des grands ensembles où il sait trouver les jeunes filles de sa classe dans leur chambre ou à leur toilette. Mais son manège a été repéré par l'une d'entre elles qui, avec deux de ses copines, lui ordonne de cesser ce jeu vicieux pour aller les filmer sur le terrain de basket dans l'après-midi.

Stéphane, Chris et Gwada sont en patrouille dans la ville. Stéphane n'apprécie pas beaucoup que Chris salue comme un ami un ex-taulard et, pire encore, harcelle un groupe de jeunes filles. Le Maire quant à lui est soudainement pris à parti par des gitans dont le chef exige qu'on lui rende "son Johnny". Le Maire finit par comprendre qu'il se plaint du vol d’un lionceau de la ménagerie de son petit cirque par un jeune gamin noir. Le gitan exige du Maire qu'il lui rende immédiatement l'animal. La confrontation dégénérerait si n'arrivait opportunément la BAC. Chris et Gwada s'interposent et promettent au propriétaire du lionceau de lui rendre au plus vite l'animal, avant le lendemain pour ne pas envenimer la chose.

Le trio a peu d'indices et la visite à Salah ne donne rien; c'est une photo postée sur Snapchat qui renseigne Chris : le coupable est Issa. Il a enlevé l’animal et a volé les poulets pour le nourrir. Le trio patrouille dans le quartier et repère Issa jouant au foot sur l'air de jeu de Montfermeil. Chris tente de le ceinturer mais l'enfant s'échappe, profitant de l'attitude agressive des autres jeunes vis à vis de la police qu'ils accusent d'arrestation arbitraire ; Gwada est victime de son propre gaz lacrymogène et se lance en voiture, à la suite de Chris et Stéphane, sur les traces d'Issa. Quand ils le rejoignent, les jeunes surgissent aussi et les menacent de jets de pierres et de canettes. Affolé, à bout de nerfs, Gwada tire une balle de flash-bal et atteint Issa au visage. Le garçon s'écroule.

C'est alors que Chris repère le drone de Buzz qui a filmé l'altercation et le tir. Chris refuse de soigner l'enfant d'abord prétextant que la récupération de la vidéo du drone est prioritaire. Par obligation de solidarité, Stéphane obtempère. Chris fonce chez Le Maire pour savoir qui possède un drone et Buzz est bien vite repéré. Stéphane cependant est parti à la pharmacie pour un pansement de fortune sur Issa. Le trio fonce alors vers l'immeuble de Buzz mais celui-ci s'échappe. Le Maire a mobilisé son réseau et l'un de ses comparses repère Buzz chez Salah. Chris s'énerve car il n'a aucun pouvoir sur les frères musulmans et Salah en particulier. Du coup, Chris va voir La pince, le caïd du quartier, auquel il sait qu'il sera redevable. Mais même La pince ne peut rien contre la droiture de Salah. C'est finalement Stéphane qui débloque la situation. Il convainc Salah que personne n'a à gagner à embraser le quartier.

Chris, soulagé, force Issa à l'accompagner chez les gitans. Leur chef, Zorro, met Issa en cage face au lion, ce qui le terrorise au point qu'il mouille son pantalon. Puis Chris le ramène devant chez lui lui enjoignant de déclarer que, s'il s'est blessé au visage, c'est de sa faute.

Stéphane refuse de rendre la vidéo à Chris et la garde pour lui. Gwada rentre chez lui et pleure devant sa mère. Chris rejoint son pavillon de banlieue. Le soir Stéphane interroge Gwada sur son geste et lui remet la vidéo afin qu'il décide quoi en faire.

Le lendemain, après avoir erré seul dans son quartier, Issa rejoint ses jeunes amis. Quand le trio de la BAC débarque dans le quartier ; ils sont accueillis à coups de jets de pierres et de bombes incendiaires. Stéphane, Chris et Gwada les poursuivent mais c'est un guet-append et ils appellent en vain leur collègues. Retranchés dans un couloir, ils subissant coups et jets d'objets. La Pince et deux de ses hommes viennent à leur secours mais les jeunes incendient leur voiture et les forcent à la fuite. Chris est atteint au visage et s'écroule. Issa, un cocktail Molotov enflammé à la main, s'approche de Stéphane qui le tient en joue. L'affrontement peut-il se terminer ?

La banlieue est ici souvent vue de haut, de la hauteur du drone dénonciateur. Il n'est pas indifférant que ce soit Al-Hassan Ly, le fils du réalisateur qui interprète Buzz, le jeune propriétaire du drone et de la caméra qui lui est accrochée. Le père comme le fils raccordent par des plans larges un quartier qui s'est ghettoïsé, où chacun gère son pré carré. La cité ne s'embrase pas car chacun : Le Maire, La BAC, La Pince, tente de maintenir le statu quo. C'est ainsi devenu une zone de non droit, à la merci de l'arbitraire et laissant à l'abandon ceux qui n'ont pas les moyens de profiter des maigres bénéfices de ce système.

Seuls "les muzz" tentent de tisser un lien social respectueux ; sans embrigader les jeunes, ils leur promettent de petites fêtes avec gâteaux et bonbons pour leur apprendre les règles de la civilité. Le politique n'investit jamais la cité; que faire d'autre alors que d'en appeler au dégagisme face à la gestion désastreuse des adultes ?

Ladj Ly semble ainsi, dans un premier temsp s'en tenir à la chronique, d'un quartier où chacun a ses raisons (bonnes ou mauvaises) en évitant la caricature. Cette position d'observateur intègre qui ne prend pas partie est toutefois réservée à Buzz qui ,à la fin, regarde par l'œilleton de la porte sans faire entrer la Bac agressée par les jeunes du quartier

Ladj Ly a lui intercalé dans sa chronique que certains jugeront un peu tiède des séquences d'une grande violence : l'insupportable harcèlement de Chris sur les jeunes filles à l'arrêt de bus le tir sur l'enfant, l'enfant dans la cage au lion et l'attaque finale. Une façon de prévenir que le fragile équilibre est sur le point de rompre.

Jean-Luc Lacuve, le 29 novembre 2019