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On applique ainsi le terme de "Maniérisme" (de l'italien maniera qui signifie style) à l'art italien de la période comprise entre 1520 et 1580, aux artistes flamands spécialisés dans les scènes de genre, aux artistes praguois de 1576 à 1612 sous le règne de Rodolph II et aux artistes de l'école de Fontainebleau.

Si on est rigoureux, on doit dire que le maniérisme c'est pratiquement la Renaissance elle-même, c'est à dire le XVIème siècle. Si on arrête la renaissance à son âge classique, c'est à dire Raphaël à Rome, Léonard de Vinci, Michel Ange, on va dire que la renaissance a duré dix ans, de 1505 environ à 1515, où, déjà, à Rome, Raphaël montre des traits de l'art di maniera. En quelques années, Raphaël fait vraiment l'oeuvre classique par excellence avec la chambre de la signature vers 1512-1513 (L'école d'Athènes et La dispute du saint sacrement) puis réalise quatre ans plus tard un chef-d'œuvre maniériste avec L'incendie du Bourg, dans la chambre de l'incendie, à coté de celle de la signature.

Même la grande oeuvre de Michel-Ange, la voûte de la chapelle Sixtine, faite entre 1508 et 1511, est un répertoire d'art in maniera qui deviendra l'une des bibles et un des relais essentiels du maniérisme. Les couleurs très acides, telles que l'on peut les voir depuis la restauration inspireront nombre d'artistes (voir : La déposition de Pontormo).

I - Le maniérisme italien

Le mot maniérisme est utilisé pour la première fois en 1792 par un historien d'art italien Luigi Lanzi dans son Histoire de la peinture italienne et c'est évidemment un terme péjoratif qui condamne la tendance des artistes, après Raphaël à s'éloigner de la nature et à choisir l'affectation des formes par la manière, l'artifice, la convention, plutôt que la vérité de l'imitation. Il dénonce, l'imitation de l'imitation de la nature, une décadence et une dégénérescence en contradiction avec les idéaux d'harmonie des générations antérieures.

Des critiques avaient déjà utilisé le terme maniériste de manière péjorative : Fréar de Chambey en 1662 puis Bellori 1672, Molvasia 1678, Baldovicini 1681. Ils critiquaient l'imitation et la répétition des œuvres de Vinci, Raphaël et Michel-Ange par les maniéristes.

Maniérisme vient de Maniera terme employé depuis la fin du XIVéme et notamment par Vasari dans Les vies (1520-40) pour décrire la peinture de Giotto, sa grâce et son imagination, et plus généralement la manière moderne. Vasari est lui-même un artiste maniériste lorsqu'il passe de ce qu'il appelle "la bella maniera", la belle manière ou le beau style, apogée de la renaissance classique avec Raphaël par exemple à "l'arte di maniera", l'art de manière, l'art de style.

Bien sur il n'y a pas du tout l'idée d'une critique. Vasari sait qu'il y a un apogée avec Raphaël Michel-Ange et Léonard mais les artistes "di maniera" se situent dans la ligne directe et dans l'imitation, la citation des grands artistes. Si bien qu'au bout du compte, le maniérisme est un art du second degré. Montaigne, à la fin du siècle, commentant les formes du d'art du XVIeme siècle dit : "Ils artialisent la nature, nous devrions naturaliser l'art". Montaigne grand écrivain maniériste faisait le bilan du maniérisme tout en appelant à autre chose

A partir des années 1527-1530, l'esprit triomphant de la Renaissance connaît une crise brutale qui détruit l'optimisme serein du début du siècle. Le sac de Rome en 1527, synonyme d'effondrement de la politique papale, la mainmise croissante des Espagnols sur l'Italie et la nécessité pour l'Eglise d'opposer un obstacle aux progrès alarmants de la Réforme. Si le maniérisme reflète la crise, il lui répond aussi et traduit le sentiment d'instabilité universelle du monde. Cette instabilité, l'art est là pour la manifester et très souvent pour en jouer.

Telle est la toile de fond sur laquelle se détachent les interrogations des artistes. Ecrasés par l'exemple des géants du début du siècle - Raphaël, Michel-Ange et Léonard de Vinci - ces derniers cèdent à deux tentations : l'imitation outrée des grandes formules stylistiques dès lors vidées de leur contenu, l'exacerbation du "moi", de la singularité du créateur à travers son expression spécifique : "la maniera". En ce sens, le maniérisme recouvrira toute tendance à la transformation arbitraire et à la déformation du réel, au service de "l'expressivité" et de la recherche du "grand style". Les caractéristiques de ce style : la perte de clarté et de cohérence de l'image, la multiplication des éléments et des plans, une symbolique complexe qui se réfère à des domaines méconnus aujourd'hui (alchimie, art du blason, langage des fleurs, ...), le goût prononcé pour un érotisme esthétisant, la déformation et la torsion des corps, le goût des schémas sinueux, dont la "figure serpentine" (en S), la recherche du mouvement, la modification des proportions des parties du corps, les contrastes de tons acides et crus, l'allongement des formes.

Les œuvres maniéristes sont raffinées, sophistiquées, elles laissent une grande place au subjectivisme, à l'expressionnisme, à l'art dramatique, à l'action dans la peinture. Il est fait de fantaisie et d'imagination et préfigure l'art pour l'art. Il recueille l'héritage des classiques. Celui de Michel-Ange qui traite les figures dans la peinture comme des corps dans la sculpture. Autour de la figure se fait la mise en page. Celui de Léonard de Vinci avec la captation de l'intériorité mystique et le sens du détail. Celui de Raphaël avec la recherche du mouvement dans la composition et l'utilisation de l'architecture réelle. Utilisation fréquente du "contraposto" poses croisées ou contrepoint, couleurs sensuelles, figures en balancement sans équilibre. Panofsky dira que le maniérisme est caractérisé par la disjonction entre les sujets classiques (religieux, mythologiques, de genre, paysages et portraits) et les formes classiques.

Les artistes florentins sont les précurseurs de cette tendance. Mantoue avec Jules Romain (palais du Thé) et Parme avec le Parmesan adoptent très vite le nouveau style. A Venise,Le Tintoret peint des cycles gigantesques donnant un sentiment fantastique d'espace. Le maniérisme romain s'exprime surtout dans la seconde moitié du siècle lorsque Rome dévastée en 1527 reprend son importance. Le souffle hors mesure du Jugement dernier de Michel-Ange marque les esprits. Réaction de la Contre-Réforme. A Rome, l'esprit de la Contre-Réforme, en réaction à la montée du protestantisme, suscite une forte reprise de l'architecture religieuse. C'est dans ce contexte que Vignole se détache le premier du milieu maniériste par un retour progressif à la retenue et à la franchise des masses architecturales. A Florence : Andréa del Sarto, Pontormo, Bronzino et le Rosso et à Bologne Le Parmesan. Puis et surtout à Venise : Pordenone, Véronèse, le Corege, Le Tintoret et Le Gréco en Espagne.

Les consignes de la contre-réforme qui exigent de l'ordre dans la représentation tentent de mettre fin aux excès du maniérisme. La publication de La Règle des cinq ordres d'architecture en 1562 consacre la restauration de principes classiques qui trouvent leurs premiers maîtres avec la manière des Carache (Annibal, Auguste) vers 1600.


II - Le maniérisme flamand

Au Pays-Bas, l'art surmonte la crise de la réforme qui interdit les sujets religieux en exploitant son extraordinaire habileté à évoquer la matière des objets. Les artistes s'appliquent à développer une tendance particulière de l'art septentrional qui s'était déjà manifesté au XVe siècle par la reproduction de scènes de la vie quotidienne. Ainsi nait la peinture de genre, chaque peintre s'attachant délibérément à un certain genre de sujet, le plus souvent emprunté à la vie de chaque jour.

Pierre Bruegel l'Ancien, est le plus grand de ces peintres de genre du XVIe siècle flamand. Une des satires les plus réussies de Bruegel représente une Noce paysane (1567). Ses vives couleurs sont essentielles à son effet général et surtout sa composition est faite de l'assemblage d'une extraordinaire quantité de détails où chacun a son importance. Mais plus remarquable encore que la richesse de détails, que l'humour et que la justesse de l'observation est l'art avec lequel Bruegel compose son tableau sans rien de chargé ni de confus. La perspective de la table fuit vers l'arrière plan. Les personnages forment comme un courant qui, de la foule massée à la porte conduit le regard vers els porteurs du premier plan, puis se retourne, grâce au geste du distributeur d'assiettes, vers le foyer constitué par la figure minuscule de la mariée hilare.


III Le maniérisme praguois

Le maniérisme praguois est contemporain de l'Ecole de Fontainebleau en France (Gabriel Destré). Il nait à la cour de Rodolph II, empereur du Saint Empire Romain Germanique, en 1576 et s'éteint à la mort de celui-ci en 1612. Rodolph est un collectionneur qui privilégie l'extension des arts libéraux. Il constitue une collection proche d'un musée, double du monde encyclopédie et harmonie universelle, avec jardins et animaux. Préparation du baroque avec le mélange des genres Jean de Bologne le représente avec une statue équestre. Arcimboldo en vertume, allégorie, humour distance représentation méticuleuse, sans valeur scientifique car réintégrée dans un discours plus global d'inspiration calviniste : la nature est philosophe. Chez les artistes suivants expressivité maximum des visages, des doigts : Ravensteen Bartholoméus Spranger (la sagesse vainqueur de l'ignorance) Gundelach (allégorie de l'industrie minière) Jacob Heintz (autoportrait de l'artiste avec frère et sœur) Von Aachen, hollandais (portrait de jeune fille, les jeunes mariés) Vrieman de Vries (perspectives) Roland Savery, (l'ange endormi), cascade dans le tyrol Le maniérisme praguois est de conception platonicienne : il invente un idéal de la nature. L'observation n'est qu'une partie du travail, c'est par l'imagination que se forme l'idéal (dessin mental).

 


III Le maniérisme français

1ère école de Fontainebleau

Le nom de François Ier reste attaché à l'introduction de l'italianisme en France. Avec son règne, les cadres de la civilisation médiévale déjà bien ébranlés, s'effondrent définitivement.

Dans les arts, son action est décisive, mais elle n'est pas moins importante dans le domaine de la pensée, puisque c'est à lui que l'on doit la fondation du Collège de France destiné à permettre le développement de la pensée libre, en dehors du corset de la Sorbonne. Ses ambitions étaient des plus hautes puisqu'il n'hésite pas à s'attacher l'homme le plus éminent de son temps par la largeur de ses vues et la variété de ses intérêts, Léonard de Vinci.

Quelle que soit la multiplicité de ses entreprises, son oeuvre dans les arts se résume dans un nom, Fontainebleau. Choisi pour demeure favorite, le petit château médiéval deviendra en quelques années un palais grandiose où s'affaireront sous son règne architectes, maçons, peintres et sculpteurs. Son fils Henri II (1547-1559) continuera son oeuvre. La renommé artistique de cette demeure royale est si grande qu'elle est un lieu de pèlerinage des artistes du nord de l'Europe avant le voyage vers l'Italie. De cette demeure chérie, François Ier confie la décoration à des maîtres italiens afin sans doute, de mieux rompre avec la tradition dans laquelle s'enfermaient les peintres français. Rosso, le Primatice, Niccolo dell'Abbate dominent le chantier et imposent leur style leur vie durant. Le renouvellement est total. L'art de Fontainebleau condamne d'abord le primat de l'iconographie religieuse et introduit dans la peinture les thèmes du paganisme. Il rejette la sujétion du réalisme, pour faire place aux sortilèges d'un art de l'imaginaire, des charmes des rythmes graphiques et des raffinements d'une couleur éthérée.

Voir : Rosso, Le Primatice, Abatte

 

2ème école de Fontainebleau

Les guerres de religion pas plus que la disparition des maîtres italiens qui avaient créé les grands ensembles de fresques de Fontainebleau sous François Ier et Henri II ne devaient marquer l'arrêt des décorations du château. Aux Italiens succèdent alors les Français (Antoine Caron) et des Flamands (Jérôme Francken). La rupture entre les deux équipes est d'autant moins sensible que la seconde s'inscrit également dans le courant international du maniérisme. Mais à l'inspiration parmesane qui dominait avec le Primatice font place des influences italiennes plus mêlées. De leur côté les Flamands apportent leur interprétation personnelle, qui associe aux formules maniéristes des éléments d'un réalisme souvent proche de la caricature.

La seconde Ecole de Fontainebleau démarre vraiment avec l'arrivée d'Henri IV sur le trône et la direction de chantiers confiés à Toussaint Dubreuil, Ambroise Dubois et Martin Fréminet. Les chantiers ne se limitent plus au château de Fontainebleau. Les travaux du Louvre et du Chateau-Neuf de Saint-germain en Laye sont poussés activement par Henri IV et Marie de Médicis ; ils tentent de ramener les artistes à Paris. La capitale reconquiert progressivement sa primauté dans le domaine artistique.

Voir : Dubreuil, Dubois, Fréminet

 

 

Sources :