L'école de la sensualité de Noboru Tanaka (1972)
Fièvre au lycée de Robert McCallum (1978)
cinéma érotique ou pornographique : la même force du désir.

L'histoire du cinéma érotique ne peut se résumer à l'histoire du passage de la suggestion de l'acte sexuel à sa représentation non simulée. En pointant le désir plus que l'acte, les surréalistes donnent son vrai sens au cinéma érotique. Pour eux, le désir sexuel comme réalité subversive est au coeur même du cinéma. "Ce qu'il y a de plus spécifique dans les moyens du cinéma, écrit André Breton, c'est de toute évidence le pouvoir de concrétiser les puissances de l'amour". Pour lui, le cinéma est amour, force du désir. Le mouvement de la passion érotique est dans "l'égarement et la démesure" au sens où Nietzsche l'entend. "Ce que nous voulons, écrit Bataille, est ce qui épuise nos forces et ressources et qui met, s'il le faut, notre vie en danger". C'est ce que Sade affirme lorsqu'il dit que l'essence de la volupté est à l'image du crime.

En 1896, la projection du premier baiser cinématographique entre John C. Rice et May Irvin déchaîne les fureurs de la presse et des ligues bien pensantes.

Dans Un chien andalou (Bunuel, 1928), Pierre Batcheff malaxe les seins nus de Simone Mareuil. L'âge d'or (1930), interdit pendant un demi-siècle, est traversé par l'irrésistible pulsion du désir, la volonté de s'accoupler dans la boue malgré la présence des ecclésiastiques et autres notables ; la femme y est non seulement consentante, mais désirante, donc scandaleuse. Lya Lys suce avec frénésie le doigt de pied d'une statue. C'est là "l'exaltation de l'amour total" affirme André Breton. Dans La coquille et le Clergyman (Germaine Dulac, 1928) Antonin Artaud identifie l'érotisme à la cruauté ; "il se jette sur elle, écrit-il dans le scénario, et lui arrache son corsage comme s'il voulait lacérer ses seins. Mais ses seins sont remplacés par une carapace de coquillages."

L'extase des anges de Koji Wakamatsu (1972)

Seul, dans les années 70, Koji Wakamatsu saura retrouver cette alliance entre la violence sexuelle et l'appel à la révolution politique.

L'érotisme, empêché par la censure et notamment par le code Hays, surgit presque toujours par effraction. Comme cette jeune fille hésitant à toucher le pis d'une vache dans Los Olvidados (1951) ou le lait s'écoulant sur ses cuisses, ou encore les vieillards fétichistes, adorateurs des chaussures de femmes chers à Luis Bunuel: El (1953), La vie criminelle d'Archibald de la Cruz (1955), Susana la perverse (1950) et surtout le personnage de Don Jaime dans Viridiana (161).

Aux Etats-Unis, l'érotisme n'est moins refoulé que sublimé. D'où l'apparition des stars : Greta Garbo, Marlène Dietrich, Rita Hayworth, Ava Gardner, Marilyn Monroe. Pour Hollywood, la star s'élève au dessus des vivants. Elle est la femme inaccessible, incarnation de l'amour fou cher à André Breton. Adou Kyrou est allé jusqu'à parler de la "Femme cinématographique" en songeant à Marlène dans Shanghai Express (1932), à Mae West, à Louise Brooks. Le strip-tease le plus sublimé d'Hollywood fut celui de Rita Hayworth dans Gilda de Charles Vidor (1946) lorsqu'elle retire ses longs gants noirs en chantant "Put the blame on mamie".

En 1930 le code Hays est adopté aux U.S.A. Il sera libéralisé dans son application à partir de 1961 mais sévira jusqu'en 1966 avant que la grande révolution des moeurs des années 60 ne trouve un écho dans les productions hollywoodiennes.

 

Le cinéma érotique au Japon, aux Etats-Unis et en France

C'est au Japon que va naitre, en premier, le cinéma érotique. Ses débuts correspondent à une phase difficile de l'histoire du cinéma japonais. Lorsqu'au milieu des années 60 les foyers commencent à être largement équipés de téléviseurs (mouvement fortement accéléré par la tenue des Jeux olympiques d'été de 1964 à Tokyo), les grandes sociétés de production subissent un déclin d'audience inquiétant. Elles réagissent en produisant des films aux thèmes plus racoleurs, au centre desquels le sexe (avec le pink eiga) et la violence (les yakuza eiga). Dans ce contexte économique, le pink eiga devient inévitablement un genre majeur du cinéma commercial à petit budget.

Le Pinku eiga à la japonaise

Le terme est composé du mot anglais pink, signifiant rose, et du mot japonais eiga, signifiant cinéma. Le genre pinku eiga regroupe des films à teneur plus ou moins érotique, sans que l'érotisme soit nécessairement l'objet central du film : les premiers pinku eiga furent souvent des films jugés obscènes pour quelques scènes anecdotiques de nus, et la censure, qui interdisait notamment de montrer pilosités ou des organes génitaux, contraignait les réalisateurs à entretenir l'intérêt du spectateur au moyen de procédés cinématographiques conventionnels.

Le scénario reste relativement important, le sexe n'est pas montré crûment, les diverses formes de perversions et surtout de sadisme à l'égard des femmes constituent souvent la principale ressource érotique, et les films pink eiga sont généralement tournés avec de très petit budget mais sur pelliculle 35 mm. Koji Wakamatsu tournera ainsi en 1963, ses trois premiers films pour le cinéma, Doux piège (Amai Wana), Les Femmes sauvages (Hageshii Onnatachi) et Stratégie érotique (Oiroke Sakusen) qui l’imposent comme l’un des maîtres du genre.

Les Jeux olympiques de 1964 furent l'occasion, pour le gouvernement, de nettoyer les milieux interlopes dans l'objectif affiché de donner une image plus présentable du Japon : les strip-teases et les films pornographiques furent interdits, ce qui contribua certainement à l'essor du pink eiga, et à pousser le genre vers les grands studios et une plus forte visibilité.

Ainsi en 1964, Jour de rêve est le premier pink eiga à gros budget et grand public sorti au Japon. Réalisé par le très respecté Tetsuji Takechi, réalisateur mais aussi metteur en scène de théâtre, critique et auteur, il embarrasse les autorités japonaises qui ne voulaientt pas que ce film donne l'image d'un Japon décadent. Après la sortie de son film suivant Neige noire, Tetsuji Takechi est arrêté pour indécence. Soutenu par des personnalités d’horizons politiques divers (dont Yukiô Mishima, Nagisa Ôshima et Kôbô Abe), le réalisateur avança pour sa défense des raisons esthétiques et artistiques. A l'issue d'un procès hautement médiatisé et controversé, il est déclaré non coupable et acquitté en 1967. Tetsuji Takechi ouvrit ainsi la voie à plus de franchise dans les films pour adultes au Japon mais aussi à toute la vague rose du Pink-eiga qui s'engagea à sa suite.

D'anecdotiquement érotique (quelques scènes de nus, ou de rapports sexuels plus suggérés que montrés) aux alentours de 1965, le pink eiga devint plus mordant vers la fin des années 60 et durant les années 70, en particulier à travers son prolongement dans les productions de la Nikkatsu appelées "Roman porno" et des films de Koji Wakamatsu.

En 1970, la Nikkatsu est en cessation de paiement. La production est arrêtée, les actifs liquidés et le personnel réduit au tiers. Il lui reste néanmoins son studio de Chôfû (ses créanciers lui en accordent encore la jouissance pour deux ans) et un réseau de cent salles (il était de mille avant la faillite). Il lui reste un personnel d'une loyauté indéfectible, malgré des salaires réduits de moitié, et qui croit encore à la renaissance du studio historique qui est sa fierté.

La Nikkatsu qui a deux ans pour se relever sait qu'elle ne pourra plus faire concurrence à l'empire Toei dans le créneau du film d'action. Il faut trouver autre chose : se sera le film érotique à petit budget tourné en deux semaines mais de qualité. Parce que l'honneur de ce studio historique est en jeu, les équipes de la Nikkatsu s'efforceront toujours de produire des films de qualité même sous le label "Roman porno". Et c'est là que réside la grande différence avec les petites productions indépendantes. Les réalisateurs restés fidèles à la Nikkatsu moribonde acceptent de tourner des films érotiques pour des cachets dérisoires car "cela reste après tout du cinéma" et qu'il n'est pas question pour eux de se vendre à la télévision. Ils reprennent aussi courage quand on leur explique que la seule contrainte pour eux est de tourner une scène érotique toutes les dix minutes et que, pour le reste, ils ont carte blanche sur le fond comme sur la forme. Pour ces réalisateurs qui au cours des années soixante, avaient été sans cesse sous pression (ils tournaient huit à dix films par ans) à qui l'on imposait scénaristes et acteurs, le roman porno va leur offrir une marge de manœuvre et de liberté créatrice inédite : d'un jour à l'autre ils sont passé du statut de faiseur à celui d'auteur. Et ce sentiment de grande liberté a contribué pour beaucoup dans la qualité et l'inventivité du roman porno. Noboru Tanaka réalise ainsi L'école de la sensualité (1972), Osen la maudite (1973) et La véritable histoire d'Abe Sada (1975) Akira Kato, Prisonnière du vice (1975) et Kiriro Urayama La chambre noire (1983).

Puisqu'il lui était impossible de faire jouer des scènes de sexe a ses actrices prestigieuses, sauf les plus jeunes arrivées à la fin des années soixante, la Nikkatsu fut obligée de recruter des actrices dans le Pink Eiga qui voyait déjà d'un mauvais œil ce nouveau concurrent. Car bien qu'elle fut en faillite la Nikkatsu disposait dans son studio de Chôfû de ses décorateurs, ses maquilleurs, ses costumiers, ses grands directeurs de la photographie. Et pour les actrices venues du Pink Eiga qui tournaient à la sauvette, sans scénario, sans costume et même sans maquillage, victimes aussi parfois de violences sur les lieux de tournage, la Nikkatsu leur parut un vrai studio hollywoodien, respectueux de la personne humaine et du métier d'acteur

Ainsi la Nikkatsu n'aura-t-elle aucun mal à recruter son nouveau personnel dans le Pink Eiga. Il ne lui restait plus qu'à trouver des idées de scénarios. La première viendra d'un réalisateur maison, Shôgorô Nishimura. C'est en regardant à la télévision une émission, qui fit grand bruit à l'époque, dans laquelle des ménagères de 25 à 35 ans dont les maris avaient des revenus modestes, avouaient s'être prostituées pour acheter des bijoux, fourrures et autres produits de luxe, qu'il eut l'idée de faire un film. Ces confessions dérangeantes -car elles reflétaient un phénomène de société contribua à populariser le terme de danchizuma (les femmes aux foyers qui vivent dans les HLM de banlieue) avec toutes les connotations sexuelles qu'il impliquait. C'est ainsi que le premier Roman porno de la Nikkatsu Le jardin secret des ménagères perverses (Shôgorô Nishimura, 1971) avait pour titre original Danchizuma hirusagari no jojidont. Parce qu'il brisait des tabous le film connu un succès considérable. Il fut suivi d'une trentaine d'épisodes qui permit à la Nikkatsu de se renflouer, de racheter ses studios à ses créanciers et de croire à nouveau en l'avenir avec le genre roman porno. La série danchizuma évolua avec le temps, s'enrichit de nouveaux thèmes : ces cités entières de femmes au foyer abandonnées par les hommes douze heures par jour, et donc transformées en immenses gynécées étaient propice aux fantasmes masculins les plus fous.

Le second sous-genre qui plut au public juste après le danchizuma fut celui des drames adultères grâce à la capacité des scénaristes à décrire une réalité sociale : celle du paradoxe d'une société de consommation qui procure le bien-être en même temps qu'elle produit l'ennui, du fait de maris toujours absents car trop dévoués à leur entreprise. Ce seront Hong kong requiem (Masaru Konuma, 1973). L'épouse, l'amante et la secrétaire (Katsuhiko Fuji, 1982), Cinq secondes avant l'extase (Yojiro Takita, 1986).

Les rituels sado-maso constituent bien évidemment un sous-genre classique dans lequel s'illustrera encore une fois Shogoro Nishimura avec La femme aux seins percés (1986).

Dans un premier temps le caractère inédit et provocateur du label Roman Porno va assurer son succès tout autant que les descentes de police dans les salles de la Nikkatsu pour interdire la projection de certains films dont les scènes d'amour son jugées trop obscènes. Pourtant tous ces films ont obtenu un visa de censure. Ces incohérences juridiques qui font que la Nikkatsu finit toujours par gagner ses procès sont relayés par la presse progressiste. Après Neige noire, quatre autres films pink eiga produits par la Nikkatsu durant la période roman porno des années soixante-dix, ont été l’objet d’accusations similaires : Koi No Kariudo : Love Hunter de Yamaguchi Seiichirô, OL Nikki : Mesuneko no Nioi de Fuji Katsuhiko, Jokôsei Geisha de Umezawa Kaoru, et Ai No Nukumori de Kondô Yukihiko. Ils ont été acquittés en Juillet 1980 par la Tokyo High District Court.

Un débat passionné sur la liberté d'expression se fait jour. C'est ainsi que la Nikkatsu élargit de plus en plus son public en s'attirant la sympathie des étudiants et des intellectuels qui voient dans le roman porno une nouvelle forme de contestation dans un contexte de désintérêt total des japonais pour la politique résignés à suivre la voie américaine de la société de consommation à outrance.

La prestigieuse Toei sait aussi décliner l'érotisme à partir du créneau du film d'action où elle est leader. Le studio détourne ses films de yakusas en y intégrant tout d'abord des héros adolescents pour attirer le jeune public. Ces héros deviennent bientôt des héroïnes dans une vague de films connus sous le label Pinky Violence qui cède autant au penchant du film de gangsters avec une aura de féminisme où de farouches délinquantes s'opposent à la tyrannie masculine. La trilogie de Shunya Ito : La femme scorpion (1972), Elle s'appelait Scorpion (1972), La tanière de la bête (1973) ainsi que Le couvent de la bête sacrée (Noribumi Suzuki, 1973) en sont les meilleurs exemples Eiga prétexte à des élans de sadisme et d'érotisme,.

La popularité de Pink Eiga décline ensuite rapidement dans les années 80, lorsque le marché de la vidéo lui impose la concurrence des films purement érotiques ou pornographiques. Kamu Onna de Tatsumi Kumashiro tourné en juin 1988 est le dernier film du label Roman Porno. Lui succède Le label "Ropponica". Les films sont réalisés avec moins d'argent encore (3 à 3,5 millions de yens) avec peu d'acteurs et des décors en extérieurs. Ces films moins chers sont produits par une filiale, "Excess films", qui devient indépendante après la faillite de la Nikkatsu. Sachi Hamano réalise ainsi près de 300 pink eiga.

La violente contestation sexuelle de Koji Wakamatsu et Nagisa Oshima

Après avoir réalisé plus d’une vingtaine de films pour diverses sociétés, Wakamatsu décide, en 1965, de fonder sa propre compagnie de production, Wakamatsu Pro. La sélection des Secrets derrière le mur au festival de Berlin provoquait un incident diplomatique entre l’Allemagne et le Japon qui considérait que le film donnait une mauvaise image du pays. Le film est précurseur du sous genre érotique des danchizuma (les femmes aux foyers qui vivent dans les HLM de banlieue) initié par Le jardin secret des ménagères perverses (Shôgorô Nishimura, 1971). En 1966, Quand l'embryon part braconner, est un magistral exemple de théâtre de la Cruauté. L’année suivante, il met en scène Les anges violés, huis clos autour d’un meurtrier schizophrène tiré d’un fait divers survenu à Chicago, qui sera longtemps son film le plus connu en France et dans le monde. A partir de 1968, Wakamatsu devient un militant d’extrême gauche actif et réalise de véritables brûlots contre le pouvoir en place et la police. Va va vierge pour la deuxième fois (1969), La saison de la terreur (1969), Running in madness, dying in love (1969)

Les discours métaphoriques puissants, réels sujets des films, sont servis par une mise en scène d’une splendeur formelle de tous les instants. Les très faibles budgets et l’aspect guérilla des tournages –délais très courts, le plus souvent sur les lieux de vie du réalisateur : son appartement ou le toit de sa maison de production- se font totalement oublier derrière l’extrême inventivité du filmage. Narration éclatée, cadres au cordeau, lumières tranchées savamment travaillées, bandes son hallucinantes.

La première reconnaissance internationale de son oeuvre a lieu à Cannes en 1971 avec les projections des Anges violés et de Sex Jack à la Quinzaine des réalisateurs. Puis en 1972, il filme L'extase des anges, véritable grenade dégoupillée anti-système, qui connaît du coup de graves démêlés avec les autorités nippones, ces dernières lui prêtant des intentions terroristes. En 1976, Nagisa Oshima lui demande d’assurer la production exécutive de L'empire des sens qui est montré à la quinzaine des réalisateurs à Cannes en 1976. Le film est saisi à la douane à Tokyo, dès son retour sur le sol japonais. Il sortira dans une version censurée avec des caches noirs. Le film sera attaqué par la censure lorsque sera publié, un peu plus tard, le scénario accompagné de quelques photos. Oshima sera finalement acquitté de l'accusation d'obscénité mais le film est toujours montré au Japon avec les organes génitaux floutés. Le pénis coupé de la fin est toutefois montré en totalité.

La contestation sexuelle aux Etats-Unis

Le code Hays est appliqué strictement de 1934 à 1948, s'effrite jusqu'en 1954 et disparaît en 1966, remplacé dès 1968 par le système de classement de la MPAA (Motion Picture Association of America). Les cinéastes se jouent de la censure par des allusions sexuelles facilement repérables.

Ecrit sur du vent (Douglas Sirk, 1956)
Propriété privée (Leslie Stevens, 1960)

Gorge profonde (1972) sort six ans après la fin définitive du code Hays, deux ans après Woodstock (Michael Wadleigh, 1970) et alors que le gouvernement Nixon vacille face à la contestation contre le Vietnam. A l'ombre de la contestation politique, monte la contestation contre les mœurs traditionnelles.

Gerard Damiano a d'abord tourné quatre petits films sexy à l'ombre de Russ Meyer (qui a toujours frôlé la représentation de l'acte sexuel) puis explose avec deux films : un film phénomène et un film fondateur. Gorge profonde est le film phénomène qui repose sur un gimmick : l'héroïne a le clitoris situé au fond de la gorge et ne peut éprouver du plaisir qu'en pratiquant des fellations extraordinairement profondes. Le film est tourné en six jours pour 20 000 à 22 000 dollars et va rapporter "dit-on" environ 600 millions de dollars.

C'est le premier film pornographique qui sort dans les salles américaines avec une diffusion nationale puis internationale par la suite. Cela suscite descentes de police, fermeture de salles, batailles dans les rues et même un procès contre Harry Reems, l'acteur masculin principal qui écope de cinq ans d'emprisonnement mais qui, heureusement, gagnera en appel.

Ironie de l'histoire qui contribuera à la gloire du film, le mystérieux informateur qui déclenche le Watergate sera surnommé "Gorge profonde".

L'enfer pour miss Jones (1973) est le film fondateur. Au lieu de l'actrice de dix-neuf ans qu'il avait prévu d'employer, Damiano choisit la cantinière du studio, un ex-mannequin, ex-danseuse. Elle débute dans le cinéma, qui plus est pornographique, à trente-sept ans. Dans sa longue carrière, Damiano privilégira toujours les héroïnes du commun, femmes esseulées, victimes de la société, bien loin des jeunes modèles sexy, serviles et décomplexées des années 90.

A la fin des années 70, ces deux succès et celui de Derrière la porte verte (Behind The Green Door), incitent des cinéastes américains à réaliser en 35 mm des longs-métrages sophistiqués afin d'attirer dans les salles un plus large public. Aux Etats-Unis, c'est l'avènement du "Porno Chic", actrices cultes, scénarios astucieux, ton libertaire : c'est l'âge d'or du X américain avec Debbie does Dallas (Jim Clark, 1978) ou Fièvre au lycée (Robert McCallum, 1978).

 

L'offensive du sexe en France

C'est Mai 68 et ses effets libérateurs sur les moeurs qui cassent le tabou et imposent le sexe. Le libéralisme, la pilule, la psychanalyse lacanienne et les confessions radiophoniques de Ménie Grégoire se donnent la main. L'érotisme aseptisé, ayant perdu sa charge subversive, peut s'afficher au grand jour et devenir marchandise à usage domestique ; ce dont ne se privera pas le cinéma publicitaire.

Le phénomène du film X dure 12 ans, de 1973 à 1984. La phase ascensionnelle dure cinq ans : de 1973 (19 films produits sur 200) à 1977 (58 films sur 214). L'apogée se situe en 1978 (142 films sur 302) et 1979 (66 films sur 240).

Un peu par surprise, c'est L'enfer pour miss Jones qui est le premier film pornographique montré en France devant un vrai public. Projeté au premier festival d'Avoriaz en 1973 car fantastique par son sujet, il est aussi présenté au premier festival du film fantastique de Paris (qui n'est pas encore le festival du Rex) dans une petite salle de cinéma de la rue Monge.

1973-1974 marque la grande offensive du sexe. En un peu plus de douze mois sortent sur les écrans Les valseuses de Bertrand Blier, Glissements progressifs du plaisir de Alain Robbe-Grillet, La femme aux bottes rouges de Juan Bunuel dans lequel Catherine Deneuve se dénude entièrement, Les contes immoraux de Valérian Borowczyk où les masturbations à l'aide de concombres sont filmées dans l'esthétique des estampes cochonnes du début du siècle. Le succès mondial d'Emmanuelle (Just Jaeckin, 1974) avec Sylvia Kristel et Alain Cuny en initiateur pornocrate, clamant avec Arthur Rimbaud qu'il faut changer la vie, consacre le triomphe du porno soft à l'usage des familles endimanchées.

Mais il faut attendre le 23 avril 1975 pour que le passage à l'acte, le premier film hardcore (en argot : "du vrai") montrant explicitement l'acte sexuel soit autorisé en France. C'est Anthologie du plaisir (A history of the blue movie, 1970) film américain d'Alex de Renzy, compilation de 11 courts-métrages érotico-pornographiques de 1915 à 1970. Il faut donc attendre le milieu des années 70 en France pour que l'on ose transgresser l'interdit et passer de la suggestion métaphorique à la représentation non simulée de l'acte sexuel. L'enfer pour Miss Jones sort officiellement en France en septembre 1975 alors que Gorge profonde sort une semaine après et Derrière la porte verte une semaine encore après.

"Des siècles et des siècles, écrit Annie Ernaux, des centaines de générations et c'est maintenant seulement que l'on peut voir cela, un sexe de femme et un sexe d'homme s'unissant, le sperme - ce qu'on ne pouvait regarder sans presque mourir - devenu aussi facile à voir qu'un serrement de main".

Et cependant, le 30 décembre, 1975 le Parlement prétextant que l'engouement populaire pour le X ferait ombrage au cinéma "normal", adopte une loi permettant à la commission de censure de classer un film dans la catégorie X ce qui canalise le public dans des salles spécialisées, pénalise financièrement le producteur avec augmentation de la TVA. L'importation est surtaxée, ce qui incite à une surproduction nationale. En 1980, le porno ne draine plus que 2,6 % des entrées. De 1980 à 1984, il se produit en France 50, 40, 30, 20 puis 10 films pornographiques. Censuré économiquement et culturellement, le cinéma érotique prend une nouvelle fois la voie de la sublimation.

Bibliographie.

 

 

Principaux films érotiques :
       
Emmanuelle Audrey Diwan France 2024
Love Gaspar Noé France 2015
The smell of us Larry Clark France 2014
La chambre bleue Mathieu Amalric France 2014
Nymph()maniac Lars von Trier Danemark 2013
Tournée Mathieu Amalric France 2010
Dirty diaries collectif Suède 2009
A l'aventure Jean-Claude Brisseau France 2008
Anatomie de l'enfer Catherine Breillat France 2004
Ken park Larry Clark France 2003
Ma mère Christophe Honoré France 2003
Choses secrètes Jean-Claude Brisseau France 2002
A snake of june Shinya Tsukamoto Japon 2002
Intimité Patrice Chéreau France 2000
Romance Catherine Breillat France 1999
L'ennui Cédric Kahn France 1998
La comédie de Dieu Joao Cesar Monteiro Portugal 1995
Noce blanche Jean-Claude Brisseau France 1989
Cinq secondes avant l'extase Yojiro Takita Japon 1986
Kandagawa pervert wars Kiyshi Kurosawa Japon 1983
La chambre noire Kiriro Urayama Japon 1983
La femme aux seins percés Shogoro Nishimura Japon 1983
Jour de rêve 2 Tetsuji Takechi Japon 1981
L'été de la dernière étreinte Kichitaro Negishi Japon 1979
Fièvre au lycée Robert McCallum U.S.A. 1978
L'empire de la passion Nagisa Oshima Japon 1978
Debbie does Dallas Jim Clark U.S.A. 1978
L'empire des sens Nagisa Oshima Japon 1976
Prisonnière du vice Akira Kato Japon 1975
La véritable histoire d'Abe Sada Noboru Tanaka Japon 1975
Les valseuses Bertrand Blier France 1974
Emmanuelle Just Jaeckin France 1974
Glissements progressifs du plaisir Alain Robbe-Grillet France 1974
Je, tu, il, elle Chantal Akerman France 1974
Le couvent de la bête sacrée Noribumi Suzuki Japon 1973
Osen la maudite Noboru Tanaka Japon 1973
La tanière de la bête Shunya Ito Japon 1973
L'extase des anges Koji Wakamatsu Japon 1972
Le dernier tango à Paris Bernardo Bertolucci France 1972
L'enfer pour miss Jones Gerard Damiano U.S.A. 1972
L'école de la sensualité Noboru Tanaka Japon 1972
Elle s'appelait Scorpion Shunya Ito Japon 1972
La femme scorpion Shunya Ito Japon 1972
Derrière la porte verte Artie et Jim Mitchell U.S.A. 1972
Gorge profonde Gerard Damiano U.S.A. 1972
Un été 42 Robert Mulligan U.S.A. 1971
Affair in the afternoon Shogoro Nishimura Japon 1971
Sex jack Koji Wakamatsu Japon 1970
Anthologie du plaisir Alex de Renzy U.S.A. 1970
Tristana Luis Bunuel France 1970
Les anges violés Koji Wakamatsu Japon 1967
Belle de jour Luis Bunuel France 1966
Quand l'embryon part braconner Koji Wakamatsu Japon 1967
Les secrets derrière le mur Koji Wakamatsu Japon 1967
Neige noire Tetsuji Takechi Japon 1965
Jour de rêve Tetsuji Takechi Japon 1964
Viridiana Luis Bunuel Espagne 1961
Gilda Charles Vidor U.S.A. 1946
L'âge d'or Luis Bunuel France 1930
L'Ange bleu Joseph von Sternberg Allemagne 1930
La femme au corbeau Frank Borzage U.S.A. 1929
Ce que l’on voit de mon sixième Ferdinand Zecca France 1902
Par le trou de la serrure Ferdinand Zecca France 1901
La baiser dans un tunnel George Albert Smith G.-B. 1899
Après le bal Georges Méliès France 1897
The kiss William Heise U.S.A. 1986
Le coucher de la mariée Albert Kirchner France 1896
Retour