La dernière tentation du Christ

1988

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Thème : Film biblique

(The Last Temptation of Christ). Scénario : Paul Schrader d'après le roman de Nikos Kazantzakis. Musique : Peter Gabriel. Avec : Willem Defoe (Jésus), Harvey Keitel (Judas), Barbara Hershey (Marie-Madeleine), Verna Bloom (Marie, mère du Christ), Roberts Blossom (vieux maître), Barry Miller (Jeroboam), Gary Basaraba (André l'apôtre), Irvin Kershner (Zebedee), Victor Argo (Pierre l'apôtre), Michael Bean (Jean l'apôtre), Leo Burmeister (Nathanael l'apôtre), André Gregory (Jean le Baptiste), Peggy Gormley (Marthe soeur de Lazare), Randy Danson (Marie, sœur de Lazare), Thomas Arana (Lazare), David Bowie (Ponce Pilate), Harry Dean Stanton (Saul et saint Paul), Juliette Caton (l'Ange). 2h43

Judas vient s'opposer à Jésus qui fabrique des croix pour les condamnés à morts juifs des romains. Il porte la croix. Marie, sa mère, tente d'éviter qu'il ne reçoive trop de pierres de l'assistance. Les zélotes tentent d'empêcher la crucifixion, en vain. Jésus aide les romains à crucifier un prophète. Seul dans sa maison, Jésus est pris de douleur et supplie Dieu de cesser de lui faire tuer tous ses prophètes. Il part et réclame Marie-Madeleine qu'il trouve bientôt dans une pièce, un bordel, où des dizaines d'hommes attendent que vienne leur tour. Quand tous sont partis, Jésus demande à Marie-Madeleine de le pardonner, elle à qui il a fait tant de mal. Elle l'insulte "Tu n'as jamais eu le courage d'être un homme".

Jésus part dans le désert. Il est reçu dans une communauté par un vieillard… mort la veille. Discutant avec Jéroboam, un disciple de cette communauté, Jésus dit que la peur est son seul Dieu et que seul Lucifer lui dit qu'il est Dieu (la tentation est figurée par un seul plan de se jeter en bas de la falaise). "Les deux serpents sont sortis de toi, tu es l'unique" lui dit le disciple. Judas revient le soir pour le tuer par ordre des Zélotes. Jésus lui affirme que Dieu l'a associé à lui pour son projet puis lui affirme sa pitié pour toute chose même une fourmi.

Judas suit Jésus, en est son premier disciple. Jésus évite la lapidation de Marie-Madeleine. Zébédé, de crainte des ouvriers qu'il a volé, n'ose pas lui lancer la pierre. Le sermon qui suit alterne les plans de foule, de groupes et de personnages. Jésus est inspiré pourtant ses auditeurs concluent par un "A mort les riches". Jésus délasse la sandale de Marie-Madeleine. Jean et Jacques, les fils de Zébédé rejoignent le Christ. Puis, près de la rivière Pierre, Jacques et André. Les disciples se multiplient. Un soir, Judas demande la libération d'Israël et l'usage de la force. S'en suit une discussion sur les fondations où Jésus affirme qu'il faut changer par l'amour. Ils décident de s'en remettre à Jean-Baptiste qui baptise dans la Jourdain. Jésus mange une pomme, jette un pépin et miracle du pommier.

Dans une cérémonie presque païenne, extatique, Jean-Baptiste baptise le christ. Jean Baptiste est apocalyptique : rien n'a de valeur, tu dois prendre la hache et abattre le mal. Il lui conseille finalement d'aller à Edom dans le désert. Une voie féminine sort d'un serpent tentateur. Après 10 jour, la faim disparue. Le lion le félicite : Bravo Jésus, tu as résisté aux tentations mineures d'une femme et d'une famille. Entre dans ce cercle, je vais te déchirer la langue ; le lion disparaît dans le plan. Tu peux avoir tous les royaumes ton cœur est vorace. Il disparaît. Le feu au ralenti : Satan lui propose d'être Dieu et de siéger à coté de lui :"Tu rêvais d'être Dieu enfant". Jésus mange la pomme elle est pleine de sang. Il arrache un glaive du sol, un être mystérieux lui commande de prendre la hache et de transmettre le message à toute la terre : Il abat le pommier à coup de hache. Il sort du désert et rencontre Marie et Marthe : "Sachez que vous êtes toutes les deux bénies". Dieu veut que tu fasses des enfants lui répondent-elles. Elle lui annonce la mort de saint Jean-Baptiste.

Les disciples ne savent pas où attendre Jésus après un mois d'attente. Judas décide Pierre à rester. Jésus survient. Il s'arrache le cœur de ventre. Moi je baptiserai dans le feu. Je vous invite à partir en guerre. Voici mon cœur prenez-le. Nous empoignerons une hache et nous abattrons Satan ; je croyais en l'amour maintenant je crois en ça. Au troisième jour, je serai parfais ; guérison de l'aveugle : "Va dans le temple et que les grands prêtres te voient. Les noces de Cana. Nul n'est prophète dans son pays : Jésus ne convainc pas les Nazaréens de venir avec lui : "homme non marié, sa semence lui remonte au cerveau. On tente de le lapider. Marie veut le retenir "je n'ai pas de mère, j'ai un père".

Résurrection de Lazare, expulsion des marchands du temple (les changeurs : tu veux que des pieces païennes pénètrent dans le temple. "Je suis la nouvelle loi qui remplacera l'ancienne. Je ne suis pas venu apporter, la paix je suis venu apporter un glaive ; ce temple sera détruit dans trois jours et il n'en restera rien. Dieu n'est pas un israélite. Saül interpelle Judas pour qu'il libère Israël des romains pas lutte des juifs contre les juifs. Saül et deux zélotes tuent Lazare. Judas comprend qu'on veuille se débarrasser du plus grand miracle de Jésus. Il est troublé par Jésus qui lui dit la prophétie d'Isaïe : un agneau qu'on mène à l'abattoir. Il se révolte : l'amour, la hache et maintenant tu dois mourir. Toute ma vie j'ai été poursuivi par des voix, des bruits de pas, des ombres, l'ombre tu sais ce que c'est. C'est la croix, je dois mourir volontairement

Jésus, sur un âne est accueilli triomphalement à Jérusalem avec des rameaux. Il renonce à détruire le temple lorsque les soldats arrivent ; il attendait le signe de la révolte, "Laisse moi mourir maintenant : la hache pas la croix" ; il reçoit les stigmates. Le Christ demande à Judas de le livrer à Gethsemani. Dieu me donne le rôle le plus facile : me laisser crucifier. Judas doit lui trahir son maître. La dernière Cène. Gethsemanie, le baiser de Judas, la comparution devant Pilate, la flagellation, Ecce Homo, le reniement de Pierre. Le calvaire. La crucifixion, Père pardonne-leur. Père, pourquoi m'as-tu abandonné ? L'orage, le silence off.

L'ange gardien lui dit que Dieu l'a envoyé "Laisse le mourir en rêve, mais laisse le vivre sa vie normale". "-Je ne suis pas le messie ? - non tu ne l'es pas. - Où sont les disciples ? - ils ont eu peur et se sont enfuis". Jésus contemple une nature splendide. Il se marie. Marie-Madeleine a un enfant. Elle meurt. L'ange conseille à Jésus de prendre Marie, la sœur de Lazare pour nouvelle épouse. Je suis honteux quand j'y pense à toutes les fautes que j'ai commises à toutes les routes sur lesquelles j'ai cherché Dieu. Marthe invite Jésus ; il n'y a qu'une seule femme dans ce monde lui répète l'ange.

Jésus entend Paul prêcher en Grèce après sa conversion sur le chemin de Damas. Il lui dit qu'il est Jésus. Qu'importe lui répond Paul, l'important c'est ce que croient les gens. J'ai créé une vérité à partir du besoin des gens, de la foi qui les habite. Tu as lancé une idée qui ne t'appartient plus. Merci, c'est bien de t'avoir connu : mon Jésus est bien plus efficace et mille fois plus puissant.

Jésus a encore vieilli. Sur son lit de mort, il reçoit la visite de Pierre, Nathaniel et Jean. Jérusalem est en feu, l'Arche d'alliance a été volée. Judas arrive, se plient de la trahison de Jésus et montre que l'ange est Satan. Jésus rampe en dehors de la maison, s'échappe jusqu'au Golgotha et revient sur la croix : tout est accompli, tout est accompli.

Le livre de Kazantzakis : une parabole neuve pour rendre Jésus accessible.

"Je sais, par un ami prêtre, que le livre de Kazantzakis est utilisé dans les séminaires, non comme un autre Evangile, mais comme une parabole neuve et vivante sur laquelle on peut discuter. J'espérais que mon film remplirait cette fonction.

Le livre de Kazantzakis prenait les deux natures de Jésus. Paul Moore, l'évêque épiscopal de New York m'a expliqué un jour, que d'un point de vue christologique, ce débat est tout à fait acceptable : il remonte au concile de Chalcédoine, en 451, où la discussion porta sur la répartition de l'humain et du divin dans la personne de Jésus. J'ai trouvé l'idée intéressante - la nature humaine de Jésus luttait contre lui tout le temps, dans la mesure où il n'arrivait pas à s'imaginer étant Dieu. J'ai pensé que ce serait un drame magnifique et que ça forcerait les gens à prendre Jésus au sérieux - ou du moins à réévaluer son enseignement. La plupart des non-chrétiens sous-estiment également l'importance que les croyants accordent aux représentations de Jésus. Par exemple dans son merveilleux film, Hannah et ses sœurs, Woody Allen essaie de devenir catholique, mais la vision d'un Jésus en hologramme dans une vitrine, lui faisant un clin d'œil le refroidit complètement ! Ainsi, à travers le livre de Kazantzakis, je voulais rendre la vie de Jésus accessible et immédiate aux gens qui n'avaient pas pensé à Dieu depuis longtemps. Je ne croyais certes pas détruire la foi de ceux qui croient fortement.

L'accent sur le côté humain de sa nature sans nier qu'il soit Dieu. Son côté divin ne comprend pas toujours ce que son côté humain doit faire ; comment il doit se transformer et finir par se sacrifier sur la croix - Le Christ homme ne l'apprend que petit à petit. J'ai pensé que ce Jésus névropathe et même un peu psychopathe ne différait pas essentiellement des changements d'atmosphères ou de psychologie dont on a des exemples brefs dans les évangiles. Un exemple : quand le Christ maudit le figuier ou chasse les marchands du temple et qu'il dit "je ne suis pas venu porter la paix, mais le glaive, pousser le père contre le fils, la mère contre la fille", et ainsi de suite. Avec Jéroboam le Christ dit "Lucifer est en moi, il dit que je ne suis pas le fils de Marie et de Joseph, que je suis le fils de Dieu, que je suis Dieu." Alors il croit que c'est le diable en lui qui lui souffle ces choses et il se croit le pire pécheur du monde.

Je crois que Jésus est pleinement divin, mais que l'enseignement des écoles catholiques a mis un tel accent sur le côté divin que, si Jésus entrait dans cette pièce, vous sauriez qu'il est Dieu à son aura et jamais vous ne penseriez qu'il est un homme comme les autres. Mais s'il en est vraiment comme cela, ai-je pensé, il n'a pas dû avoir de difficultés à résister aux tentations puisqu'il était Dieu. Il a pu repousser la tentation du pouvoir lorsqu'il était dans le désert et il a pu supporter la souffrance sur la croix puisqu'il savait ce qui allait arriver, il savait ce qu'était la mort. "

Paul Schrader : le surnaturel doit coexister avec le naturel

Paul Schrader écrivit la première version du scénario encore sous le coup psychologique de la mort de sa mère, et c'était une œuvre bouleversante. Il pensait que le surnaturel devait coexister avec le naturel ; il ajouta donc une scène où Jésus enlevait son cœur de sa poitrine ainsi qu'une version littérale de la scène où l'on mangeait effectivement la chair et le sang du Christ. Je lui dit "Paul voyons !" mais il m'a répondu que c'était un vieux contentieux entre nous, un calviniste qui titillait un catholique, et, dans la seconde version, il enleva cette scène et en revint au texte de Kazantzakis. Mais cette vision se prolonge dans la manière dont sont traités les miracles dans ce film. C'est comme si l'on disait : était-ce de d'hypnose, était-ce un véritable miracle ou une sorte de thérapie ? Quand il guérit l'aveugle, Jésus met des herbes dans sa main, ajoute de la salive, les frotte l'une contre l'autre et les pose sur ses yeux. J'ai effectué beaucoup de recherches et découvert qu'à l'époque, beaucoup de guérisseurs utilisaient la salive comme ingrédient ; c'est pourquoi je l'ai mise là. Et au lieu de sourire à ces miracles, Jésus est terrifié. Chaque miracle l'emmène un peu plus vers quelque chose qu'il pressent difficile ; et, selon Kazantzakis, il finit par découvrir que ce sera la croix.

 

Scorsese : Mise en scène des miracles et interprétation

Flamme qui monte au ralenti ; pour les tentations dans le désert, j'ai pensé à un homme éveillé et qui a jeûné pendant dix jours et dix nuits. Puis un serpent vient à passer. Comment allait-il le percevoir ? Le serpent allait sûrement lui parler. Mais pas question de voir bouger ses lèvres, c'est une voix intérieure. Un lion passe également et ne le tue pas ; il est tellement statique. On aurait pu faire tout ça sans rien, juste avec des voix et des effets sonores, mais je voulais prendre le risque de garder le surnaturel au même niveau que le naturel.

J'ai moi-même écrit les scènes de la résurrection de Lazare avant que Jay Cocks commence à travailler le scénario. Au moment où le Christ réveille Lazare des morts, il sait qu'il est Dieu. Et comme Lazare agrippe ses mains, l'entraînant dans la tombe, on a le sentiment que la mort l'entraîne avec elle, une image de la lutte entre la vie et la mort. La mort qu'il devra- même s'il est Dieu- souffrir comme un être humain.

J'ai interprété la "dernière tentation" du livre tout à fait comme le Diable tentant le Christ au désert, l'emmenant au sommet d'un édifice pour qu'il se jette dans le vide. Pour le Christ, la dernière tentation c'est d'oublier la croix et de vivre le reste de sa vie humaine comme un être normal. Il épouse Marie-Madeleine, lui fait l'amour pour avoir des enfants et meurt dans son lit. J'ai imaginé ces scènes comme une série de tableaux que le Diable montre au christ afin que trente-six ans puisse se dérouler en quelques secondes

Quand on me demanda pourquoi je voulais faire ce film, j'ai répondu "pour mieux connaître Jésus". D'une certaine façon c'était ce que j'avais voulu faire tout au long de la vie : d'abord, je devais devenir prêtre, mais ça n'avait pas marché. L'idée d'aimer et de pardonner à ses ennemis était si évident, et Ghandi avait prouvé qu'elle pouvait être mise en pratique

J'ai toujours désiré faire un film sur la vie du Christ, depuis le jour où je l'avais vu à l'écran dans La tunique, lorsque j'avais onze ans. J'étais enfant de Chœur, à l'époque, et c'est notre curé qui m'avait emmené jusqu'au Roxy. Il avait détesté le film pour son absurdité, mais moi, je n'oublierai jamais à quel point, c'était magique de descendre l'allée centrale et d'apercevoir soudain l'immense écran du Cinémascope pour la première fois. Et quand j'ai entendu la musique en son stéréophonique, dans mon esprit, il s'est confondu avec le chant grégorien de la messe des Morts que je servais tous les samedis matins à dix heures et demie….Avec les années, je me suis éloigné de l'Eglise, je ne suis plus catholique pratiquant et j'ai remis ces choses en question.

 

Autres films et musique

Dans Taxi driver, Travis est une figure de l'Ancien Testament : pour atteindre la sainteté, sa seule réponse est d'appeler la colère de Dieu.

Le Jésus de Pasolini dans L'évangile selon saint Mathieu, est un conspirateur et révolutionnaire, presque marxiste. Guitare métallique en musique de fond pour la guérison du lépreux, il n'y a qu'un seul raccord : il regarde dans las yeux le Christ qui lui dit "va te montrer au grand prêtre.

Peter Gabriel a emprunté la plupart des rythmes à la Turquie, à la Grèce, à l'Arménie, à l'Afrique du Nord et au Sénégal, il les a mixés pour en faire une musique aussi primaire que possible.

 

Censure :

Durant l'année 1984, une coproduction avec la France grâce au sytème d'avances sur recettes de La dernière tentation du Christ est envisagée. Le ministre de la culture de Mitterand, Jack Lang, avait en effet promu une politique de soutien aux cinéastes étrangers de renommée internationale. Mais le mouvement intégriste fit campagne pour contrecarrer le projet. La controverse sur le Je vous salue Marie de Godard qui continue en 1985 et provoqua même une dénonciation papale, renforça le détermination de s'attaquer aux films "blasphémaoires" dès le stade de la conception. L'archevêque de Paris, le cardinal Lustiger, finit par faire parvenir au président Mitterand une protestation solennelle sur l'utilisation de fonds publics dans le but de subvertir la foi.