Et pour quelques dollars de plus

1965

Voir : photogrammes
Genre : Western

(Per qualche dollaro in più) Avec : Clint Eastwood (le manchot), Lee van Cleef (colonel Douglas Mortimer), Gian Maria Volonte (El Indio), Rosemarie Dexter (la soeur du colonel), Klaus Kinski (Wild, le bossu). 2h10.

Le colonel Douglas Mortimer déclanche le signal d'alarme pour arrêter le train à Tucumcari, obscure bourgade, où il abat Guy Callaway dont la tête était mise à pris. Au shérif qui lui remet les 1 000 dollars, il s'enquiert de Baby (red) Cavanagh pour qui il est offert 2 000 dollars de récompense. Mais, à White rocks, c'est Le manchot, autre chasseur de prime, qui le devance.

Dans la prison où il est retenu prisonnier, L'indien attend que ses comparses le délivre. Il massacre ensuite la garnison ne laissant qu'un seul survivant pour raconter ses exploits. Sa tête est mise à prix 10 000 dollars.

Mortimer et Le manchot pensent, à juste titre, que la prochaine étape de L'Indien sera El Paso dont la banque est réputée être la plus riche de l'ouest. Les deux hommes se repèrent et, après un duel en forme de concours de tir sur leur chapeau, décident de travailler ensemble.

L'indien se venge de celui qui l'a trahi en tuant son fils de dix-huit mois, le temps qu'il a passé en prison, et sa femme avant de la contraindre à un duel pour l'exécuter. Avec sa bande d'aventuriers, L'indien se rapproche d'El Paso. Le colonel Mortimer suggère au Manchot d'aider à s'évader de prison le meilleur ami de L'Indien ce qui lui permettra de s'introduire dans la bande.

Ceci fait, Le manchot reçoit pour mission de faire diversion en attaquant une banque voisine. Il s'en acquitte en exécutant les trois hommes de main de L'Indien puis en contraignant le télégraphiste à diffuser l'annonce de l'attaque à El Paso. Mortimer et Le manchot sont donc fin prêt pour piéger L'Indien et sa bande. Mais ceux-ci sont plus rapides et leur attaque éclair les prend au dépourvu.

Le Manchot conseille à L'Indien de partir vers le sud, sachant que le colonel Mortimer est persuadé que les bandits partiront vers le nord.

Prévoyant avec raison une trahison de son allié provisoire, le colonel ne se laisse pas prendre au piège et c'est lui qui tuera L'indien. Il révèle alors que son unique motif était de venger sa sœur assassinée par L'indien et il laisse au Manchot le soin de réclamer les primes offertes pour la mort du tueur et de ses comparses : 27 000 dollars. C'est d'ailleurs grâce au décompte précis de ce montant que Le manchot évite une ultime attaque dans le dos.

Leone cherche quelque chose de plus solide que la parodie et le sadisme de son premier western. D'où, sans doute, l'ancrage historique à peu de frais permis par la citation initiale. "Là où la vie n'avait pas de valeur, la mort parfois avait son prix. C'est ainsi que les chasseurs de prime firent leur apparition."

Léone fait aussi preuve d'un goût quasi archéologique pour les armes d'époque, hobby très répandu en Italie. Les armes complexes de Mortimer ou celle plus fantaisiste du manchot, serpent argenté sur une crosse orange, sont mises en scène avec soin lors des duels. Il faut ajouter le soin dans le choix des lieux et des costumes. Mais surtout, Leone définit mieux les personnages que dans le film précédent.

Cette fois il y a deux héros. Clint Eastwood a son métier, il est chasseur de primes. On retrouve aussi chez Anthony Mann des chasseurs de primes (L'appât, Du sang dans le désert) mais ils avaient honte de ce qu'ils faisaient. Par contre, chez Leone, le Manchot n'a aucun scrupule à se faire payer, et c'est justement le côté vénal du personnage qui plaira au public notamment le happy-end où il transporte les cadavres des hors la loi pour toucher les primes.

L'autre héros est interprété par un obscur acteur américain, spécialisé dans les rôles de composition, Lee Van Cleef (Le train sifflera trois fois, L'homme qui tua Liberty Valance..) dont Leone a fait une vedette en lui inventant un rôle qui convenait à son profil. Il joue ici le colonel Mortimer, genre "Bible et pistolet", qui cache derrière son self-control de belliqueux projets de vengeance.

Le vilain, le plus fantaisiste des trois est un mexicain cyclothymique attiré par l'autodestruction interprété par Gian Maria Volonté.

La morale des westerns américains était souvent fondée sur un compromis entre le libre-arbitre et la prédestination : les amis-ennemis sont libres de choisir entre le bien et le mal, de céder ou pas aux tentations disséminées le long de leur chemin, même s'il est facile de comprendre dès le début ce qu'ils feront. Leone choisit un manichéisme plus élémentaire, ses héros ont des visages semblables à des masques. Il suffit de voir ce qu'ils fument pour deviner leur caractère. La pipe du colonel signe un tempérament obstiné et réfléchi, le cigare commencé du Manchot lui donne un air insolent et la cigarette de marijuana explique le regard halluciné de l'Indio.

Une des nouveautés de ce film est l'exaltation sans complexe de la vengeance, selon le goût latin pour le mélodrame. Tout l'épisode de la vengeance est entouré d'une atmosphère vaguement gothique ; dans le flash-back, il y a des images de viol virées en rose, et un gros plan de la femme qui s'est suicidée qui fait penser à Edgar Poe. De plus l'épisode est décrit au moyen de flash-back espacés, comme dans le mélodrame psychanalytique (Marnie). Sa valeur traumatique est soulignée par le fait que l'Indio prend un étrange plaisir à s'en souvenir, en écoutant la musique d'un carillon, incorporé dans une montre dont Mortimer possède un exemplaire identique. C'est là, l'annonce du style opéra des films suivants.

C'est dans les duels que se manfeste le goût léonien du cérémonial. Alors que Hawks, Ford ou Mann s'efforcent de doser la fréquence des fusillades et cherchent à en justifier la présence dans le récit, Leone paraît surtout interessé à en varier chaque fois le rituel. Il y a :

S'agissant de rituels, on peut les apprécier à la fois comme des drames et comme des parodies. Cette ambiguïté a suffi à faire reconnaître Leone comme un héritier des grands peintres maniéristes, capables de reprendre des sujets traditionnels avec un regard moderne et désenchanté.