Honkytonk Man

1983

Avec : Clint Eastwood (Red Stovall), Kyle Eastwood (Whit), John McIntire (Grandpa), Alexa Kenin (Marlene), Verna Bloom (Emmy), Matt Clark (Virgil), Barry Corbin (Arnspringer), Jerry Hardin (Snuffy). 2h02.

Pendant la grande dépression des années trente, Rod Stoval, un chanteur alcoolique et tuberculeux, part pour Nashville en compagnie de son neveu, Whit, et son grand-père, afin de participer à une audition auprès de professionnels du disque à la recherche de nouveaux talents.

Le jeune Whit, quatorze ans se passionne pour la vie que mène son oncle. Fasciné par sa musique, il s'imagine devenir bien plus qu'un simple ouvrier comme ses parents, il arrive à convaincre sa mère d'accompagner Red comme chauffeur déjà très fatigué par la tuberculose qui le ronge au Grand Ole Opry. Le grand-père souhaite lui retrouver sa ville natale, peu convaincu par la vie plus à l'Ouest de ses enfants.

En route, ils rencontrent Marlène, jeune fille qui, comme Whit, espère devenir chanteuse et tente de se faire accepter par Red. Ensemble, ils traversent les hauts lieux de la musique country : les bars musicaux de l'Oklahoma et de l'Arkansas, le Top Hat Club de la célèbre Beal Street de Memphis, rue des King qui a vu naître les plus grands noms du blues pour finir dans le Saint des Saints, le Grand Ole Opryde Nashville.

Mais, c'est déjà trop tard pour Rod qui meurt alors qu'il enregistre son premier disque.

Neuvième film de Clint Eastwood mais sans doute son premier film d'auteur celui où les thèmes du travail sur l'histoire de l'Amérique et de la transmission sont traités avec une accuité jusqu'alors inégalée chez lui. Après l'échec public de ce film, Eastwood devra attendre dix ans et le succès de Impitoyable pour aborder ces mêmes themes à partir de Un monde parfait.

L'incursion dans l'histoire commence ici comme un hommage aux dix premières années de la vie de Eastwood, les années 30, marquées par la grande dépression et son refuge dans le blues. Il traitera ensuite de la guerre dans Mémoires de nos pères, de l'immédiat après guerre et le be-bop dans Bird ; des années 50 dans l'évocation du tournage de African queen dans Chasseur blanc, coeur noir ; des années 60 en deux volets, l'un désenchanté sur les résonances de l'assassinat de Kennedy dans Un monde parfait, l'autre à la radiographie des valeurs beatnik et libertaires dans Sur la route de Madison, des années 70 et la conquête spatiale dans Space cowboys.

L'idée de transmission s'incarne dans un personnage apte à servir d'exemple à la fois marginal et fascinant. Qu'importe les maux de Red lorsqu'il parade en costume d'un noir impeccable, tiré à quatre épingles, ceinture à la boucle étincelante, cravate rayée, stetson gris velouté, santiags aux pieds et guitare à la main, bardé de la parfaite panoplie du country man roulant dans sa rutilante décapotable rouge.

Mais c'est la musique qui sert de vecteur de transmission à la fois historiquement et personnellement pour Whit qui prolongera la tradition de son oncle. Celui-ci a lui-même reçu de son père le mythe de la frontière celle de la grande course qu'il a menée vers l'Ouest lors de l'ouverture de l'Indian Trail. Voyant partir en poussière le rêve américain auquel il avait tant cru, ne se faisant plus aucune illusion quant au possible renouveau de la côte Ouest vers laquelle se dirigent les parents de Whit, il décide de rentrer dans son Tennessee natal, "à Cainville, au Nord de Murfreesboro".

Le choix des acteurs renforce l'idée de la transmission. C'est le propre fils de Eastwood qui incarne le jeune Whit et le père est interprété par John McIntire, figure emblématique des grands westerns des années 50. Ce Grandpa fait office de clin d'œil au genre qui a marqué le début de la carrière de Clint Eastwood.

Marlène incarne la figure du courage et de l'obstination au féminin face à une vie mal partie dont Maggie Fitzgerald dans Million dollar baby est la dernière incarnation à ce jour après la Kate Whitney traumatisée par son gangster de père dans Les pleins pouvoirs.

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