Mise en scène

On examinera ici successivement le rôle historique de la musique pour les films muets (partie 1) tout en soulignant combien aujourd'hui la musique est souvent utilisée contre ces films muets (partie 2).

La musique de film ne devient moyen de mise en scène qu'avec le film sonore (partie 3), trouve un plein épanouissement dans le film musical (partie 4) et reste souvent inoubliable grâce à quelques chansons ou morceaux musicaux célèbres de films (partie 5). Nous conclurons par la représentation des musiciens au cinéma (partie 6)



1- La musique pour les films muets

Les premières projections des frères Lumière, à commencer par celle du 28 décembre 1895, se firent sans aucune musique d'accompagnement. Lorsque le cinéma est projeté dans les baraques de foires, l'accompagnement musical est sans doute d'abord destiné à couvrir les bruits de la salle et à renforcer le rythme des premiers films burlesques. Aucun témoignage d'époque n'évoque la nécessité de couvrir le bruit du projecteur (raison qui relève sans doute du mythe).

Jean-François Zygel(1) rappelle qu'il faut se défaire de l'image de l'accompagnateur solitaire au piano devant un film. Dans les grandes salles, il s'agissait le plus souvent d'un groupe de musiciens, jusqu'à 70 au Gaumont Palace, place Clichy avec Paul Fosse à la baguette.

A leur disposition, les musiciens ont un répertoire de brasserie, ou des thèmes connus, Le clair de lune de Beethoven, La méditation de Thaïs de Massenet, L'ouverture de Guillaume Tell pour l'orage. Les cinémas avaient aussi en stock des partitions plus ou moins longues pour chaque situation : pour des scènes de meurtre, de voyage, de départ avec espoir de se revoir ou sans espoir. En 1909, les films Edison éditent Suggestion for Music, un catalogue dans lequel chaque action ou émotion est associée à une ou plusieurs mélodies extraites du répertoire classique. De même, Playing to Picture (W.T. George, 1912), Sam Fox Moving Picture Music Volumes (J.S. Zamacki, 1913), Motion Pictures Moods for Pianists and Organists : A Rapid-Reference Collection of Selected Pieces (Ernö Rapee, 1924) sont des ouvrages musicaux qui classent minutieusement les pièces classiques et les compositions originales.

Chaque début de semaine, les musiciens du cinéma avaient trois heures pour choisir et répéter la musique du film de la semaine.

Des musiques spécifiques ont été écrites pour le cinéma muet mais celles-ci ne sont jouées que pour la présentation de gala. Camille Saint-Saëns compose une musique spécialement pour L'Assassinat du duc de Guise, d'André Calmettes qui est jouée le 17 novembre 1908. En 1921, Marcel L'Herbier pour El Dorado fait jouer la musique de Marius-François Gaillard par 80 musiciens en utilisant un miroir dans lequel le film se reflète afin de coordonner du mieux possible le déroulement de la partition avec celui de la bande cinématographique. En 1924, Henri Rabaud écrit la musique du Miracle des loups de Raymond Bernard, souvent présenté comme le premier film français à grand spectacle, en faisant coïncider les morceaux de sa partition avec la durée exacte de chaque bobine de film. Florent Schmitt compose une partition pour Salammbo de Pierre Marodon (1925). En 1926, Jean Grémillon réalise Tour au large, un moyen-métrage consacré aux pêcheurs pour lequel il écrit la musique sur piano mécanique à rouleaux et reproduit à lui seul l'ensemble de l'orchestre En 1927, pour Félix le chat, Paul Hindemith utilise un appareil, inventé par l'ingénieur allemand Robert Blum, qui permettait les déroulements simultanés de l'image sur l'écran et d'une partition que le chef d'orchestre peut exécuter en parfait accord avec l'image. Une année plus tard, Mickey Mouse : Steamboat Willie de Walt Disney sera le premier sound cartoon (dessin animé avec musique synchronisée).


Paul Fosse au Gaumont Palace tient un journal où il énumère ses choix musicaux en face des films. D'ambiances générales avant guerre, les choix de Paul Fosse se font de plus en plus précis, de plus en plus découpés pour "s'adapter" aux thèmes et émotions du film.

En province, il était impossible de rejouer ces partitions. Pendant la projection d'un film, les musiciens sont exposés à de nombreux problèmes : fluctuations de la vitesse de déroulement, détérioration de la copie.

Des dizaines d’expériences de synchronisation disque-film se sont succédées au début du vingtième siècle, avec en tête de file le Cameraphone, en 1908, vite rejoint par nombre d’imitateurs : les Vivaphone, Electrograph, Phoneidograph, Picturephone, Phonoscope, Chronophone (de Gaumont en 1910), Cine-phone (Grande-Bretagne), et enfin Kinetophone (Edison 1913). Ce n’est finalement qu’en 1927, avec la sortie du Chanteur de Jazz que le cinéma parlant va réellement faire sa révolution. Le film de la Warner Bros utilise un disque séparé du film lui-même et c'est L'heure suprême de la Fox (procédé Movietone) qui inaugure la lecture optique de la piste son imprimée sur le film, à côté de l’image, ce qui résout d’office tout problème de synchronisation.


(source : Xavier REMIS, Enseignant en cinéma au lycée Henri Poincaré. Nancy)

Trop souvent pourtant, les partitions vont soutenir avec emphase un discours cinématographique parfois insignifiant ce qui conduira Igor Stravinski à considérer la musique de film comme du papier peint pour enjoliver le mur des images.

2- La musique contre les films muets

Le danger de la musique est en effet bien de phagocyter la mise en scène du film par sa puissance d'émotion et d'évocation.

Maurice Jaubert en défendant une conception exigeante de la musique de film a aussi mis en lumière la tentation des musiciens ou des producteurs de faire raconter l'action par la musique, la réduisant par là à un rôle de paraphrase, de mot à mot, de pléonasme permanent :

"Un pareil procédé prouve une méconnaissance totale de l'essence même de la musique. Celle-ci se déroule de manière continue, selon un rythme organisé dans le temps. En la contraignant à suivre servilement des faits ou des gestes qui, eux, sont discontinus, n'obéissent pas à un rythme défini, mais à des réactions physiologiques psychologiques, on détruit en elle ce par quoi elle est musique pour la réduire à son élément premier inorganique, le son " (Esprit, 1er avril 1936).

Or l'accompagnement musical permanent des films muets joue souvent ce rôle de papier peint devant le mur des images ce qui est extrêmement dommageable pour les chefs d'œuvre du septième art qui passent ainsi sous les fourches caudines de la musique. Jean-François Zygel n'aimerait certainement pas que l'on réécrive A la recherche du temps perdu ou La symphonie fantastique, pourtant il ne semble pas avoir le même respect pour le cinéma lorsqu'il déclare :

"Au cinéma muet, le film n'est pas conçu une fois pour toutes comme un objet qui ne bougera plus jamais. Le cinéma muet est un art offert à l'interprétation. Un film muet n'est jamais terminé parce qu'un nouveau musicien peut en proposer une nouvelle lecture".

Jean-François Zygel énumère pourtant les quatre façons d'accompagner un film muet :

Mais, comme son prédécesseur Paul Fosse, il ne peut s'empêcher de passer du simple décor sonore à l'interprétation excessive.

Pour notre part, nous proposons toujours de regarder les films muets sans musique, ou à défaut avec un niveau sonore très bas. La musique, même si elle a été composée à l'époque et spécialement pour le film, a toujours beaucoup plus vieillie que celui-ci.

Le cas le plus typique est la musique composée pour Métropolis de Fritz Lang. Gottfried Hupperts compose la musique pendant le tournage. Sur la partition, il indique les correspondances entre les notes et les scènes. La partition comporte ainsi 1 028 points dits de synchronisation qui sont de brèves descriptions de gestes qui permettent de se repérer à tout instant. Frank Strobel qui dirige l'orchestre symphonique de la radio de Berlin à l'occasion de la projection en avant-première mondiale lors du 60e anniversaire de la Berlinale, de la version intégrale restaurée déclare :

"La musique n'illustre pas seulement le film mais le raconte, elle raconte l'histoire. Dans le film muet, il n'y a pas de dialogue et c'est la musique qui remplace les dialogues."

On retrouve chez Strobel, la même volonté impérialiste que chez Jean-François Zygel de faire raconter le film par la musique. Or, la musique de Hupperts est une musique du XIXe siècle et non du XXe qui conviendrait sans doute mieux à la modernité du film de Fritz Lang. Hupperts n'est pas Schoenberg et sa musique enrobe le film d'un sentimentalisme désuet, excessif et permanent qui en gâche la vision.

Rappelons enfin que les chefs-d'œuvre du muet savent très bien suggérer le son et la musique, et il est extrêmement dommageable de les couvrir par une musique off, remplissage que l'on trouverait par ailleurs insupportable dans un film parlant.

Quant à la prétendue incapacité d'un film à ne pas posséder de dialogues, c'est oublier le soin apporté par les metteurs en scène aux cartons descriptifs ou de dialogues où même la graphie est soignée.

On aimerait ainsi que la restauration des films muets évite de perdre son temps à des restaurations musicales immédiatement datées. Les orchestres ont sans doute bien mieux à jouer que des partitions qui seront vite oubliées.

Restent néanmoins quelques exceptions de musiques ayant été composées dans l'esprit de modernité voulu par le réalisateur, celles de Honegger et Milhaud par exemple.

 

Des images sur la musique.

Certains réalisateurs ont travaillé l'adéquation image-musique, ainsi Eisenstein avec sa célèbre théorie du contrepoint audiovisuel fondée sur la croyance en la nécessité d'une concordance rigoureuse des effets visuels et des motifs musicaux. Pour lui, le découpage-musique doit précéder le découpage-image et lui servir de schème dynamique. Au cours de la réalisation d'Alexandre Nevsky (1938), il ne fixa définitivement son montage que lorsque Prokofiev eut terminé sa partition ; il voulait que la ligne mélodique fût strictement parallèle aux lignes de forces plastiques de l'image. Ainsi, à la pente abrupte d'un rocher correspond une chute de la mélodie de l'aigu vers le grave.

Il faut bien admettre cependant que cette concordance est purement formelle, car la chute de la mélodie se produit dans le temps alors que la pente du rocher est parfaitement statique. A cette conception analytique, Poudovkine oppose la conception synthétique : "l'asynchronisme est le premier principe du film sonore" dit-il en citant à ce propos l'exemple de son film, Le déserteur (1933) pour lequel le compositeur Chaporine écrivit une partition qui essayait d'éviter toute paraphrase de l'image. Ayant ainsi à illustrer la séquence finale, où l'on voit une manifestation ouvrière d'abord brisée par la police puis finalement victorieuse et bousculant les barrages, le compositeur n'écrivit pas un accompagnement d'abord tragique puis triomphant, mais plaça tout au long de la séquence un thème exprimant le courage résolu et la certitude tranquille de la victoire. "Quel est le rôle de la musique ici ?, écrit Poudovkine. De même que l'image est une perception objective d'événements, la musique exprime l'appréciation subjective de cette objectivité. Le son rappelle au spectateur qu'à chaque défaite, l'esprit combattant ne fait que recevoir une nouvelle impulsion à la lutte pour la victoire finale (Film technique p.192-193)"

Jean Mitry dans Images pour Debussy (1952) utilise des images d'eau pour faire entendre les arabesques en Mi et en sol.

3 - Rôles de la musique de film dans les films sonores

Petit à petit, la musique d'abord utilisé pour surligner l'émotion dans les films sonores va dépasser son rôle d'illustration pour apporter une dimension supplémentaire chargée de sens. Elle devient un moyen de mise en scène qui participe au récit.

a) Musique de scène et musique en scène

On distinguera la musique de scène, lorsqu'elle remplit un rôle identique à celui de la musique de scène au 19e siècle de la musique en scène lorsqu'elle se fait entendre à l'initiative d'un des personnages du film.

C'est au XIXe siècle que la musique de scène connait son essor. Il s'agit d'une succession de pièces symphoniques (ouverture, interludes, final) destinées à s'intercaler entre les différentes scènes du drame ou jouées en même temps que la représentation par des musiciens placés sur scènes ou cachés du public (en fosse). Le songe d'une nuit d'été de Félix Mendelssohn est un exemple du genre.

La musique de scène commente la dramaturgie et souligne discrètement l'action. Il s'agit alors le plus souvent de quelques notes destinées à soutenir l'image présentée et à lui conférer tel ou tel caractère. A chaque fois, le caractère extra-diégétique de la musique permet au spectateur de comprendre clairement ce que l'écran lui donne à voir, de rendre plus percutants les caractères de l'action présentée. La musique décrypte ainsi souvent une situation avant l'image, elle lui donne une "profondeur du champ sonore". La musique peut exprimer l'importance et la densité dramatique d'un moment ou d'un acte filmé objectivement : l'ouverture d'une fenêtre accompagnée d'une musique peut ainsi facilement devenir un symbole du bonheur. Chez Bresson dans Un condamné à mort s'est échappé, une promenade dans une cour de prison sur la messe en ut de Mozart devenir le symbole d'une liberté inaliénable.

Autre facette de la musique de scène, le procédé du leitmotiv si cher à Richard Wagner. Les personnages se trouvent alors souvent décrits musicalement dès leur apparition à l'écran. Un thème, une mélodie, lui est associé qui retranscrit en musique toutes ses caractéristiques humaines, livrant même parfois des indices sur la suite de son aventure dans l'action.

Enfin, la musique de scène peut être dansée lors de ballets. C'est cette fois toute une séquence qui peut être décrite musicalement. Ainsi le jazz dans les films policiers ou l'utilisation de combinaisons instrumentales inattendues qui donne une couleur absolument inimitable aux films de Fellini et aux westerns de Sergio Léone

La musique en scène peut être in ou off. Choisie par le personnage, elle définit sa psychologie ou l'action qu'il veut mettre en oeuvre. Gilles Mouëllic souligne l'importance des chansons entonnées, au début du parlant, par les personnages dans Hallelujah (King Vidor, 1929) L'ange bleu (Joseph von Sternberg, 1930) ou Parade d'amour (Ernst Lubitsch, 1929). Dans Scarface (1931) Hawks fait siffler un air d'opéra italien à son héros avant ses meurtres. Cette opposition de la douceur, de la décontraction avant la violence de la mitrailleuse semble dire que Scarface tue comme il respire. Dans M le maudit (Fritz Lang, 1931), le sifflement de Peer Gynt est une menace qui envahit l'écran mais l'accélération de la mélodie décrit aussi la montée de la crise de la folie.

Dans La chienne (1931), Renoir utilise un phonographe à l'écran ce qui lui évite la musique de scène, procédé qu'il reprendra dans La grande illusion ou La règle du jeu. La chanson des rues "Sois bonne, ma belle inconnue" d'Eugénie Buffet offre un contrepoint ironique à l'assassinat de Lulu.

b) Hollywood, de Max Steiner à Bernard Herrmann

Avec le parlant, Hollywood créée le poste de chef de compagnie et un département musical, un orchestre pour chaque compagnie, une pléiade d'arrangeurs, d'orchestrateurs. Max Steiner est la grande figure de cette époque, avec des musiques comme : "King Kong" ou "Une nuit à Casablanca". La musique reste alors une succession de thèmes en adéquation avec l'atmosphère où la mélodie écrase tout contrepoint.

En 1940, Bernard Herrmann, écrit la musique de Citizen Kane en étant responsable non seulement de l'écriture et l'orchestration, mais aussi en participant au montage. Il travaillera de nouveau avec Welles pour La splendeur des Amberson et sera le compositeur attitré d'Hitchcock ou de Truffaut pour La mariée était en noir. Herrmann va initier les collaborations privilégiées avec un metteur en scène dont il partage l'univers. Parmi ces "couples cinématographiques célèbres", on retiendra :

Signalons enfin que Charlie Chaplin ou Jean Grémillon sont souvent ou parfois les compositeurs de leur propres films (voir aussi : France , U. S. A. , originale)

4 / Le film musical (pour l'analyse plus complète du genre voir : ici)

La comédie musicale est le nouveau genre cinématographique apparu au début des années 30 et qui apporta du rêve au peuple américain secoué par la crise .La Warner, déjà à l'origine du parlant avec Le chanteur de Jazz se lance véritablement dans la comédie musicale en 1933 avec 42ème rue de Lloyd Bacon dont les chorégraphies sont réglées et réalisées par Busby Berkeley.

La RKO déniche le duo Fred Astaire Ginger Rogers. La MGM remporte des oscars pour ses comédies musicales Broadway Melody (Harry Beaumont, 1929 et Roy Del Ruth, 1935) et Great Ziegfeld (Robert Z. Léonard, 1936). Elle voit naître un nouveau département musical sous la direction du compositeur Arthur Freed. La Paramount qui produit principalement des opérettes filmées dérivant parfois vers la comédie musicale, signe avec Bing Crosby, Bob Hope, Dorothy Lamour et Mae West. La Fox de son côté mise tout sur la jeune Shirley Temple et ne changera pas d'égérie avant la fin de la guerre.

Au début des années 40, le genre connaît une mutation. Fred Astaire et Hermes Pan passent à la MGM où ce dernier chorégraphiera La belle de Moscou, Can-can et My fair Lady. Chantons sous la pluie et Tous en scène posent un regard tout particulier sur le métier d'acteur empruntant des plans et chansons à des classiques du passé. Les autres studios, moins prolixes, s'en tiendront au star system. La Paramount mise tout sur le duo comique Dean Martin/Jerry Lewis. La Fox, s'étant émancipée de Shirley Temple, fait signer des actrices blondes à la plastique irréprochable (Marilyn Monroe, Betty Grable ou Alice Faye) dans des comédies musicales aux couleurs chatoyantes. La firme aura son heure de gloire en 1954 avec Une étoile est née, qui signait le retour de Judy Garland.

Dans les années 60, les nouvelles tendances musicales, l'émergence de la contre-culture et la guerre du Vietnam vont pousser la comédie musicale hollywoodienne à effectuer un virage radical qui marquera progressivement la fin du genre. Les stars de la danse sont peu à peu mises de côté, laissant la place à des acteurs "à voix" comme Julie Andrews ou des chanteurs confirmés comme Elvis Presley (sur grand écran dès 1956) ou Barbara Streisand (à partir de 1968). Les intrigues deviennent des fresques chorales mettant en avant les valeurs familiales. On retiendra notamment dans ce registre les deux films de gouvernante de Julie Andrews Mary Poppins (1964) et La Mélodie du bonheur (1965) qui en profite pour dénoncer les actes de guerre.

La décennie est également marquée par l'ébranlement des majors laissant ainsi plus de place aux productions isolées. Ce sera le cas de West Side Story (1961), première grande fresque musicale estampillée sixties. Le film joue sur tous les registres alliant scènes de groupes à l'énergie remarquable, duos sirupeux et lancinants, combats stylisés finement chorégraphiés. Sur fond de Romeo et Juliette il souligne les écueils du rêve américain.

Une émancipation dont Bob Fosse se fait le fer de lance en portant à l'écran en 1972 l'un des show cultes de Broadway, Cabaret. Le film insiste sur le sordide du Berlin des années 30, tourne en dérision le nazisme et s'attaque aux tabous de l'identité sexuelle. Il impose Liza Minnelli sur le devant de la scène et rafle la mise aux Oscars. Jouant sur cette veine et sur la vague de films de science-fiction musicaux comme Tomorrow (1970), vont naître quelques productions mélangeant musique, sexe et horreur dont notamment Le fantôme du paradis (1974) de Brian De Palma ou Le Rocky Horror Picture Show (1975) adapté de la pièce anglaise de Richard O'Brien.

A la fin des années 70, les majors en mauvaise posture ferment les portes de leurs départements musicaux, laissant chaque résurgence devenir un nouveau prototype du genre. En 1978, tablant sur le succès que John Travolta a acquis avec La fièvre du samedi soir, Randal Kleiser adapte Grease. Délicieusement rétro avec des chansons entraînantes, le film devient rapidement culte, en faisant oublier au public sa version scénique créée dix ans plus tôt. L'année suivante, c'est Milos Forman qui se lance dans la réappropriation d'un show à succès : Hair.

A partir des années 80, le genre passe quasiment aux oubliettes, voyant ça et là éclore quelques essais en marge de la production cinématographique à la mode qui privilégie les films de gros bras et d'aventure. On retiendra The Blues Brothers (1980), hommage au rhythm'n blues

Woody Allen donne un nouveau coup de pouce au genre en proposant son hommage Tout le monde dit I love you. Si le film fait un petit score au box-office américain, il bénéficie de l'aura de son réalisateur à l'international et notamment en France. Il marque également le retour en tête d'affiche de stars non spécialisées en danse ou en chant comme c'était le cas lors des débuts du genre. Il faudra cependant attendre Moulin Rouge! de Baz Luhrmann en 2001 pour que ce dernier connaisse un réel sursaut. Sélectionné à Cannes, bardé de nominations aux Oscars et à leurs équivalents australiens, le film joue sur des standards de la chanson moderne et redore par la même occasion le blason des grands mélos musicaux. L'année suivante Chicago de Rob Marshall tente de renouveler ce succès en adaptant le show de Bob Fosse et remporte, entre autres récompenses, six Oscars (sur treize nominations) dont celui du meilleur film.

Si la comédie musicale survit aux USA comme en France dans des réussites isolées, elle est massivement présente dans le dessin animé et les productions de Bollywood.

5/ Morceaux musicaux ou chansons célèbres

a) La musique classique à l'écran

Des morceaux de musique classiques sont devenus des tubes grâce aux films qui les ont utilisés et auxquels ils ont fait partager leur atmosphère

Brève rencontre (David Lean, 1945) rend célèbre Le 1er concerto de Rachmaninov ; Un condamné à mort s'est échappé (Robert Bresson, 1954), La messe en ut de Mozart ; Lola (Jacques Demy, 1961) La 7e symphonie de Beethoven, Le Clavier bien tempéré de Bach et le Concerto pour flûte en ré majeur de Mozart ; Viridiana (Bunuel, 1961), L'alléluia du Messie de Haendel; Mort à Venise (Luchino Visconti, 1971); L'Adagietto de la Cinquième symphonie Gustav Mahler ; Apocalypse now (Francis Ford Coppola, 1979) La chevauchée des Walkyries.

Mort à Venise (Luchino Visconti, 1971) et
L'Adagietto de la Cinquième symphonie Gustav Mahler.
Apocalypse now (Francis Ford Coppola, 1979) et La chevauchée des Walkyries.

Dans, Senso (1954), Visconti, utilise la Septième symphonie d'Anton Bruckner, en contrepoint au Trouvère de Verdi lorsqu'il désire passer d'une atmosphère romantique au tragique.

Stanley Kubrick dans 2001 l'Odyssée de l'espace (1968) ouvre sur Ainsi parlait Zarathustra, de Richard Strauss avant de rendre inoubliable l'os s'élevant dans le ciel et se transformant en vaisseau sur l'air du Beau Danube bleu. Dans Orange Mécanique (1971), c'est La neuvième symphonie de Beethoven réarrangée par Walter Carlos qu'il fait redécouvrir avant de rendre archi-célèbre la Sarabande de la Suite pour clavecin n°4 de Georg Friedrich Händel avec son Barry Lyndon (1975).

Dans Orange Mécanique (1971), La neuvième symphonie de Beethoven réarrangée par Walter Carlos
Dans Barry Lyndon (1975). la Sarabande de la Suite pour clavecin n°4 de Georg Friedrich Händel.

Le prelude de Tristan et Isolde de Wagner est utilisé par Bunuel dans Les hauts de Hurlevent, par John Boorman dans Excalibur et par Lars von trier dans Melancholia.

Le rythme musical est souvent utilisé pour renforcer l'aspect dramatique d'une séquence. Nous souhaiterions recenser ici des séquences où la musique est écoutée pour elle-même sans être liée à la dramaturgie du film. Nous nous contenterons d'indiquer les films où l'on peut retrouver les atmosphères : Country Folk , Rock , Pop , Jazz , divers .


b) Quelques chansons de cinéma

Les moments de repos au sein des westerns ont été l'occasion de chansons célèbres ainsi Marilyn Monroe interprétant celle de La rivière sans retour (Otto Preminger, 1954…), ainsi celles de Johnny guitare (Nicholas Ray, 1954) ou de Rio Bravo (Howard Hawks, 1959).

Marilyn Monroe (River of no return)
Peggy Lee (Johnny guitar)
Ricky Nelson & Dean Martin (My Rifle, My Pony & Me) Rio Bravo

On retiendra aussi les chansons de L'ange bleu avec Marlène Dietrich, Put the blame on mame chanté par Rita Hayworth dans Gilda ou Kiss Me par Marilyn Monroe, Liza Minelli chantant New York, New York, Simon & Garfunkel, Mrs Robinson dans Le laureat ou Jeanette le Porque te vas de Cria Cuervos.

Rita Hayworth (Put the blame on mame)
Liza Minelli (New York, New York)
Simon & Garfunkel (Mrs Robinson)
Jeanette Porque te vas de Cria Cuervos

Thèmes musicaux obsédants : The Harry Lime Theme composé par Anton Karas pour Le Troisième homme ; le thème de Narcisso Yepes Jeux interdits pour le film de René Clément 1952 ; Le thème de Ry Cooder pour Paris-Texas .

Anton Karas, The Harry Lime Theme pour le troisième homme
Ry Cooder, Brothers pour Paris-Texas

 

6/ Les musiciens au travail

Les amants de Salzbourg, Douglas Sirk 1957
Certains l'aiment chaud ,Billy Wilder , 1959

Le chef d'orchestre est souvent une figure despotique ainsi dans Infidèlement vôtre (Preston Sturges, 1948), Prova d'orchestra (Federico Fellini, 1978), ou Tetro (Francis Ford Coppola, 2009). Exception quand il est amateur, ainsi le Cary Grant, humaniste de On murmure dans la ville (Joseph L. Mankiewicz, 1951) ou le mari torturé des Amants de Salzbourg (Douglas Sirk, 1957)

Le pianiste est souvent un ange déchu ainsi Stefan Brand dans Lettre d'une inconnue (Max Ophuls,1948), Aznavour dans Tirez sur le pianiste (François Truffaut, 1960), Ingrid Bergman dans Sonate d'automne (Ingmar Bergman, 1977) ou Isabelle Huppert dans La pianiste (Michael Haneke, 2001) ainsi que le héros juif du Pianiste (Roman Polanski, 2002).

Figures sombres des gloires du jazz : Lester Young dans Autour de minuit, Charlie Parker dans Bird (Clint Eastwood, 1988).

Musique Folk : Honkytonk Man (Clint Eastwood,1983), I'm not there (Todd Haynes, 2007), Inside Llewyn Davis (Joel Coen, 2013)

       
Il Boemo Petr Václav Tchèquie 2022
Enorme Sophie Letourneur France 2019
Eden Mia Henson-Love France 2014
Whiplash Damien Chazelle U.S.A. 2014
Inside Llewyn Davis Joel Coen U.S.A. 2013
Guy and Madeline on a park bench Damien Chazelle U.S.A. 2009
Clara Helma Sanders-Brahms Allemagne 2008
I'm not there Todd Haynes U.S.A. 2007
No direction home : Bob Dylan Martin Scorsese U.S.A. 2005
Last days Gus van Sant U.S.A. 2005
Les invisibles Thierry Jousse France 2004
Sarabande Ingmar Bergman Suède 2003
Le pianiste Roman Polanski U.S.A. 2002
La pianiste Michael Haneke Autriche 2001
Un coeur en hiver Claude Sauter France 1992
Tous les matins du monde Alain Corneau France 1991
Bird Clint Eastwood U.S.A. 1988
Autour de minuit Bertrand Tavernier France 1986
Amadeus Milos Forman U.S.A. 1984
Honkytonk Man Clint Eastwood U.S.A. 1983
Prova d'orchestra Federico Fellini Italie 1978
Sonate d'automne Ingmar Bergman Suède 1977
New York, New York Martin Scorsese U.S.A. 1976
Woodstock Michael Wadleigh U.S.A. 1970
One plus one Jean-Luc Godard France 1968
Chronique d'Anna-Magdalena Bach D. Huillet, J.-M. Straub Allemagne 1968
La ballade des sans espoirs John Cassavetes U.S.A. 1962
La vérité Henri-Georges Clouzot France 1960
Tirez sur le pianiste François Truffaut France 1960
Shadows John Cassavetes U.S.A. 1959
Certains l'aiment chaud Billy Wilder U.S.A. 1959
Les amants de Salzbourg Douglas Sirk U.S.A. 1957
On murmure dans la ville Joseph L. Mankiewicz U.S.A. 1951
Vers la joie Ingmar Bergman Suède 1949
Infidèlement vôtre Preston Sturges U.S.A. 1948
Carnegie Hall Edgar G. Ulmer U.S.A. 1947
Veillée d'amour John M. Stahl U.S.A. 1939
Accord final Douglas Sirk Allemagne 1936
La symphonie inachevée Forst et Asquith G.-B. 1934
La vie tendre et pathétique Willi Forst Autriche 1933
Charlot musicien Charles Chaplin U.S.A. 1916
       
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Sources :

  1. Jean-François Zygel, Accompagner le cinéma muet, Supplément au DVD L'Argent de Carlotta-Films
  2. Conférence de Gilles Mouëllic, Professeur à l'université de Rennes 2.
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