Histoires du cinéma
Naissance d'une nation (D. W. Griffith, 1915)
L'aurore (Murnau, 1927)

Avant la Première Guerre mondiale, les Européens se lancèrent dans le tournage de films plus longs, consommant plus d’une seule bobine. Bien que le système de distribution américain fût défavorable aux films longs, les réalisateurs américains rejoignirent le mouvement. Ce genre de production ne débuta réellement qu’en 1913, avec des films tels que Traffic in Souls, qui traitait de la prostitution à New York, et fut magistralement illustrée par D. W. Griffith à partir de 1914-1915.

Au fur et à mesure de la banalisation du long métrage aux États-Unis, l’écriture du scénario devint prépondérante ; les techniques du théâtre, inspirées des modèles européens, s’imposèrent au cinéma. L’un des ingrédients du succès devait être l’intrigue qui, idéalement, imposait deux obligations au héros : relever un défi et conquérir une belle. Il fallait également alterner l’action, la comédie, le drame et la romance, d’une scène à l’autre et, si possible, à l’intérieur de chaque scène. Ces recettes furent bien assimilées par des personnalités issues du théâtre telles que Griffith, Cecil B. DeMille ou Mary Pickford. Le premier essai de Griffith en la matière fut la Conscience vengeresse (The Avenging Conscience, 1914), avec son «symbolisme», ses gros plans sur des objets destinés à exprimer pensées et émotions des personnages.

Les Américains développèrent de nouveaux procédés techniques. L’un d’entre eux fut le flash-back qui permettait d’insérer un épisode du passé au milieu d’un récit. Le déplacement de la caméra pendant le tournage, le travelling, devint un procédé courant.

Après l’immense succès commercial de son film Naissance d’une nation en 1915 (825 000 entrées uniquement à New York), Griffith investit ses bénéfices pour tourner un film grandiose de quatre heures intitulé Intolérance (1916), avec quatre intrigues différentes. Chacun des récits est lui-même raconté en montage parallèle, ce qui rendit probablement le film trop complexe pour le grand public. L’accueil mitigé réservé au film obligea les cinéastes à revenir à des récits plus linéaires.

De 1915 à 1925, de jeunes et brillants réalisateurs, dont Frank Borzage, Cecil B. DeMille, Marshall Neilan et Raoul Walsh perfectionnèrent la méthode narrative. À la fin des années vingt, les bases du cinéma classique étaient déjà solidement fixées.

Les développements commerciaux

Pendant la Première Guerre mondiale, l’industrie du film américain fut totalement réorganisée. Déjà, l’exploitation avait abandonné les petits Nickel Odeons au profit des grandes salles pouvant accueillir plus de mille spectateurs. C’est à cette époque qu’Hollywood devint le plus grand centre de production cinématographique au monde, au détriment de New York. Les nouveaux et vastes studios construits aux environs de Los Angeles permettaient de mieux gérer et de mieux rentabiliser la production.

Pendant plusieurs années, les sociétés de production fondées autour d’une star ou d’un réalisateur furent les foyers les plus actifs. Cependant, après la guerre, elles furent absorbées par des sociétés comme Universal et Paramount, qui possédaient des cinémas, des agences de distribution et des studios. Les cachets accordés aux stars telles que Mary Pickford et Charlie Chaplin devenant de plus en plus exorbitants, leurs films furent loués et projetés à un prix très élevé. Ce fut le début du règne des vedettes aux États-Unis; conscients de leur valeur, Charlie Chaplin, Mary Pickford, Douglas Fairbanks et D. W. Griffith s’associèrent en 1919 pour constituer leur propre société, la United Artists (les Artistes associés).

Pendant la Première Guerre mondiale, les industries cinématographiques des pays d’Europe souffrirent des efforts de guerre réquisitionnant main-d’oeuvre et matériaux, ainsi que de la perte des marchés. Certains réalisateurs européens, comme Maurice Tourneur ou Ernst Lubitsch, se fixèrent aux États-Unis.

Les grandes sociétés de production et de distribution telles qu’on les connaît aujourd’hui étaient en place vers 1930 : Metro-Goldwyn-Mayer, Warner Brothers, Columbia, Fox, Universal, Paramount et United Artists (ainsi que la RKO, formée quelques années plus tôt). En pleine expansion, ces «majors» imposèrent des méthodes de production de plus en plus réglementées; le producteur, placé au-dessus des réalisateurs, gérait la production d’un petit nombre de films, depuis l’écriture jusqu’à l’achèvement du film. Quelques nouveaux réalisateurs purent cependant, non sans difficultés, bénéficier d’une certaine liberté.

Installé aux États-Unis depuis 1908, Erich von Stroheim mêla avec originalité un réalisme pointilleux et un grand sens de l’analyse psychologique dans des films tels que Folies de femmes (Foolish Wives, 1912) ou Les rapaces (Greed, 1924). Charlie Chaplin, Buster Keaton et Harold lloyd donnèrent au burlesque ses lettres de noblesse. Tom Mix, Douglas Fairbanks et Mary Pickford poursuivirent leurs carrières de vedettes alors que d’autres artistes, comme Norma Talmadge, Rudolph Valentino, Gloria Swanson et Colleen Moore, surent séduire un nouveau public.

Au milieu de la décennie, l’influence du cinéma allemand (et notamment de l’expressionnisme) fut importante sur la production américaine. Lubitsch, Murnau furent invités à Hollywood et y introduisirent leurs mouvements de caméra, leurs effets de surimpression et leurs montages originaux. Cette influence est particulièrement visible dans les productions de Frank Borzage datant de cette époque.

 

vers : le cinéma américain des origines
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