Shanghai dreams

2005

(Qing hong). Avec : Yuanyuan Gao (Qinghong), Bin Li (Xiao Gen Er). 2h03.

Dans les années 60 et 70 des centaines de milliers de Chinois furent déplacés des grandes villes, comme Shanghai ou Pékin, vers des campagnes perdues, avec les usines dans lesquelles ils travaillaient. Ils devaient former des gens là-bas puis revenir dans leur mégalopole. Le problème c'est qu'aucun n'y parvient. Il semble que les familles déracinées soient condamnées à y rester ad vitam.

Expatriés de Shanghai, perdus dans la province de Guizhou au tout début des années 80, la famille Wu. Quihong est la fille d'un ouvrier. Adolescente timide et soumise elle subit la pression du sentiment de ratage qui habite ses parents : floués, trompés, ils ne supportent plus de vivre dans cette région reculée. Par peur qu'elle ne croupisse ici comme eux, le père lui interdit toute liberté la forçant à travailler dur à l'école pour qu'elle aille à la faculté, à Shanghai.

Ne pouvant plus sortir, elle sombre peu à peu dans le désespoir et donne rendez-vous in extremis à son petit ami. Désespéré du départ de celle qu'il aime, celui-ci la viole. Le père porte plainte. Le violeur sera exécuté le jour du départ de la famille Wu pour Shanghai, un jour de pluie.

Le film fait bien ressortir la position dans laquelle se trouve la jeune fille : coincée, acculée, puis meurtrie, elle est condamnée au suicide ou à la fuite

Pour autant le metteur en scène n'accable pas le père : sa dureté excessive est le fruit de son échec personnel. Il croit protéger (et protège effectivement) sa fille d'une grossesse accidentelle qui la clouerait éternellement dans ce sinistre lieu.

Parallèlement à ces constats guère réjouissants, le film s'avère, sur quelques scènes, assez amusant : la description des ados, leur aspect vestimentaire, leurs loisirs…mais le sourire est amer, car derrière ces détails légers plane le vide, l'absence de perspective, le poids d'une dictature pas seulement politique mais aussi traditionnelle. Etouffés par l'omniprésence des traditions, pour certaines vraiment liberticides et réactionnaires, ces jeunes n'ont qu'un espace extrêmement réduit pour tenter de s'épanouir.

Jean-Sébastien Leclercq le 20/08/2006