|  |  |  |  |  |  |  |  |  |  | 
 
 


 Alexandre Sokourov répond à des appels téléphoniques : oui,  il a terminé le tournage mais il pense que son film sur le Louvre est raté. Pour  les derniers détails musicaux, il conseille à son interlocuteur de voir  directement avec l'orchestre. Sur son écran d'ordinateur, Sokourov communique avec  son ami, le capitaine Dirk, qui est à bord d'un cargo porte-containers en  difficulté sur une mer déchainée. Dirk regrette d'avoir dans ses containers des  chefs-d'œuvre d'un grand musée. Sokourov l'approuve : l'art et la culture sont  des biens fragiles et précieux qui sont  étrangers à la violence de l'océan. Comment imaginer ici aussi, dans ce Paris bouillonnant  d'intelligence et d'activité, que l'art puisse brutalement être renversé ? Et  pourtant c'est bien ce qui failli arriver à Paris en 1940.
Alexandre Sokourov répond à des appels téléphoniques : oui,  il a terminé le tournage mais il pense que son film sur le Louvre est raté. Pour  les derniers détails musicaux, il conseille à son interlocuteur de voir  directement avec l'orchestre. Sur son écran d'ordinateur, Sokourov communique avec  son ami, le capitaine Dirk, qui est à bord d'un cargo porte-containers en  difficulté sur une mer déchainée. Dirk regrette d'avoir dans ses containers des  chefs-d'œuvre d'un grand musée. Sokourov l'approuve : l'art et la culture sont  des biens fragiles et précieux qui sont  étrangers à la violence de l'océan. Comment imaginer ici aussi, dans ce Paris bouillonnant  d'intelligence et d'activité, que l'art puisse brutalement être renversé ? Et  pourtant c'est bien ce qui failli arriver à Paris en 1940.
1940. Paris, ville occupée. Pour les protéger de possibles bombardements La Victoire de Samothrace, La Joconde, Le radeau de La Méduse et les autres trésors du Louvre sont entreposés dans des sous-sols loin de Paris. Quand Hitler arrive à Paris, il ne sait où se trouve le Louvre; il n'y découvrira que peu d'œuvres. Les collections ont presque toutes disparues ce sont les fantômes de Marianne et de Napoléon qui hantent les couloirs. Deux hommes que tout semble opposer – Jacques Jaujard, directeur du Louvre, et le Comte Franz Wolff-Metternich, nommé à la tête de la commission allemande pour la protection des œuvres d’art en France – s’allient pour préserver les trésors du Musée. Alors que sur le front Russe le siège de Leningrad fait un million de morts civils, en France un compromis semble se trouver entre gens intelligents. Jaujard et Metternich refusent de rapatrier au Louvre les œuvres d'art dispersées dans les châteaux aux alentours. Plus que l'humidité qui pourrait ronger Le radeau de La Méduse, ils craignent la rapacité de Goebbels.
   Au Louvre, Sokourov reste hanté par la représentation de la fugure  humaine. Il a tant d'empathie avec ces figures européennes des siècles passés.  L'art et la figure humaine ont partie liée depuis toujours, depuis cette représentation de  la statue de forme humaine retrouvée en 1985 et qui a 7000 ans. Sokourov remonte le passé  et raconte leur futur à Jaujard et Metternich qui ne le croient pas. Sur mer, le cargo de Dirk fait naufrage. Saint Jean Baptiste et La Joconde de Vinci sont aujourd'hui  sur leur cimaise. L'écran se pixélise puis c'est  la neige électronique en noir et rouge puis et noir et blanc. 
 


 "Tout le monde peut entrevoir le futur, mais personne  ne se souvient du passé", faisait remarquer l'un des personnages L'Arche  russe. Et c'était bien l'ambition du film que de vouloir mettre toute la  mémoire russe sur l'Arche de survie. Avec Francofonia, Sokourov exprime le même  sentiment de la fragilité de la communion avec l'œuvre d'art dans un monde  brutal. Le cargo en mer, la rapacité d'Hitler et de Goebbels, les avions qui vont jusqu'à pénétrer l'enceinte du musée, les menaces sont nombreuses pour ceux qui désirent communiquer avec les figures du passé  offertes par le musée. Sokourov magnifie cette communication en filmant les tableaux à l'oblique, la figure humaine semblant alors animée de vie par un effet d'anamorphose.
"Tout le monde peut entrevoir le futur, mais personne  ne se souvient du passé", faisait remarquer l'un des personnages L'Arche  russe. Et c'était bien l'ambition du film que de vouloir mettre toute la  mémoire russe sur l'Arche de survie. Avec Francofonia, Sokourov exprime le même  sentiment de la fragilité de la communion avec l'œuvre d'art dans un monde  brutal. Le cargo en mer, la rapacité d'Hitler et de Goebbels, les avions qui vont jusqu'à pénétrer l'enceinte du musée, les menaces sont nombreuses pour ceux qui désirent communiquer avec les figures du passé  offertes par le musée. Sokourov magnifie cette communication en filmant les tableaux à l'oblique, la figure humaine semblant alors animée de vie par un effet d'anamorphose.
Dans L'Arche Russe, le narrateur-cinéaste était conscient des limites de la Grande Russie et de son déclin inexorable, alors que le marquis de Custine était happé par l'histoire et fasciné par les fastes de la cour. Sokourov joue ici le même rôle avec Jaujard et Metternich, allant même jusqu'à les mettre cruellement devant leur destin. Mais ce sentiment tragique qui pourrait peser sur eux est certainement mieux que l'autosatisfaction imbécile de Marianne, capable seulement de répéter toujours "Liberté, Egalité, Fraternité" ou de Napoléon ne se satisfaisant que de sa propre figuration ou inquiet de voir un éventuel impudent prussien à l'arrière-plan de son Sacre par David.
Jean-Luc Lacuve le 13/11/2015