La déesse

1960

Genre : Drame social

(Devi). Avec : Sharmila Tagore (Doyamoyee) Soumitra Chatterjee (Umaprasad), Chhabi Biswas (Kalikinkar Roy), Karuna Bannerjee (Harasundari), Purnendu Mukherjee (Taraprasad), Arpan Chowdhury (Khoka). 1h33.

La province du Bengale au début du XDC siècle. A Chandipur, Kalikinkar Roy, riche propriétaire terrien, voue un culte profond à la déesse Kali. Ses deux fils, l'un et l'autre mariés, ont une attitude bien différente devant le sentiment religieux de leur père. L'aîné, Taraprasad, lui est entièrement soumis, peut-être par peur d'être déshérité. De son épouse Harasundari, il a eu un fils, le tout jeune Khoka. Umaprasad, le cadet, est étudiant à l'université de Calcutta et désapprouve totalement l'obscurantisme de son père. Sa femme, Doyamoyee, est la favorite du vieux dévot et la grande amie de Khoka.

Une nuit, Kalikinkar rêve que Doyamoyee n'est autre que la réincarnation de Kali. Il fait part de cette révélation à tout le public, et Doyamoyee, terrorisée par cette situation, se voit vénérée comme une divinité. Informé par son frère, Umaprasad quitte Calcutta pour Chandipur. De retour, il apprend, déconcerté, que son épouse a sauvé la vie d'un petit enfant touché par une grave maladie. Un acte qui attire des milliers de pèlerins, venus de tout le pays. Doyamoyee pourrait fuir avec son mari, comme celui-ci lui propose, mais, après son "miracle", elle se demande si elle n'est pas réellement une déesse...

A son tour Khoka tombe malade. Kalikinkar amène l'enfant à sa belle-fille, persuadé de ses pouvoirs. Malgré tout, le petit Khokar meurt dans les bras de Doyamoyee qui perd la raison. En larmes, la déesse disparaît dans le brouillard. Umaprasad la retrouve allongée sur la grève. Elle meurt.

Satyajit Ray traite ici une anecdote propice à instruire le procès de l'hindouisme, mais surtout celui de l'obscurantisme et du mauvais usage des religions, aggravés par les inégalités sociales.

L'extrême sobriété, la réserve et le recul qui caractérise son style l'amène à ne juger des comportements mentaux et idéologiques qu'en fonction des effets qu'ils provoquent. Comme si ce n'était pas lui qu, dans l'intrigue inventait aussi ces effets. Cette réserve n'est en fait qu'une ruse dramatique et stylistique qui confère un poids d'autant plus grand à la condamnation portée. Mort d'un enfant, dislocation d'un ménage, folie et désintégration psychologique de l'héroïne (elle en arrive à se demander si elle ne serait pas effectivement la déesse) sont les péripéties successives qui sanctionnent la rêverie délirante d'un vieillard trop puissant et trop écouté.

Dans sa densité expressive, le film a la force et le laconisme d'une nouvelle de Maupassant. Il nous rappelle à propos que Satyajit Ray au-delà des convictions sociales et philosophiques qu'il exprime est avant tout un conteur. Et c'est en tant que conteur qu'il a le don de susciter la réflexion du spectateur.