Oppenheimer

2023

Genre : Biopic

Avec : Cillian Murphy (J. Robert Oppenheimer), Emily Blunt (Kitty Oppenheimer), Matt Damon (Leslie Groves Jr.), Robert Downey Jr. (Lewis Strauss), Florence Pugh (Jean Tatlock), Josh Hartnett (Ernest Lawrence), Casey Affleck (Boris Pash), Rami Malek (David Hill). 3h01.

Remarque : les événements du film se déroulent dans une chronologie non linéaire, alternant entre l'histoire d'Oppenheimer de Cambridge à Los Alamos, son audience de sécurité en 1954 et l'audience de confirmation de Strauss en 1959. L'histoire est ici résumée par ordre chronologique.

En 1926, J. Robert Oppenheimer, 22 ans, est aux prises avec le mal du pays et l'anxiété alors qu'il étudie au Cavendish Laboratory de Cambridge, sous la direction de l'exigeant Patrick Blackett. Après avoir terminé son doctorat en physique à l'Université de Göttingen en Allemagne où il a travaillé aux côtés du célèbre physicien Werner Heisenberg, Oppenheimer retourne aux États-Unis et espère étendre la recherche en physique quantique. Il commence à enseigner à l'Université de Californie à Berkeley et au California Institute of Technology. Il rencontre des personnalités telles qu'Ernest Lawrence qui met l'accent sur les applications pratiques ; Jean Tatlock, membre du Parti communiste américain avec qui il entretient une relation amoureuse intermittente ; et sa future épouse, Katherine Puening, biologiste et ex-communiste.

Le général de l'armée américaine Leslie Groves recrute Oppenheimer pour diriger le projet Manhattan visant à développer une bombe atomique après qu'Oppenheimer ait assuré à Groves qu'il n'avait aucune sympathie communiste. Oppenheimer, qui est juif, est particulièrement motivé par la possibilité que les nazis aient un programme d'armes nucléaires en cours, dirigé par Heisenberg. Oppenheimer rassemble une équipe scientifique à Los Alamos, au Nouveau-Mexique, pour créer secrètement la bombe, dans l'intention qu'elle sauvera le monde malgré ses répercussions mondiales potentielles. À un moment donné, lui et Albert Einstein discutent en effet de la possibilité théorique qu'une telle bombe puisse déclencher une réaction en chaîne qui pourrait détruire le monde.

Lorsque l'Allemagne capitule pendant la Seconde Guerre mondiale, certains des scientifiques du projet doutent de la pertinence de le continuer. Néanmoins, la bombe est terminée et le test Trinity est mené avec succès juste avant la conférence de Potsdam. Le président américain Harry S. Truman décide de larguer des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, forçant la reddition du Japon et propulsant Oppenheimer aux yeux du public en tant que "père de la bombe atomique". Hanté par l'immense destruction et des souffrances causées par les bombes Oppenheimer rencontre Truman pour exhorter à la retenue dans le développement d'armes encore plus puissantes. Truman est dégoûté par la détresse d'Oppenheimer, qu'il perçoit comme une faiblesse, et insiste sur le fait que lui seul, en tant que président, porte la responsabilité de l'utilisation de la bombe. Oppenheimer continue de ressentir une intense culpabilité.

Oppenheimer plaide contre la poursuite du développement nucléaire, en particulier la bombe à hydrogène, se positionnant contre son collègue scientifique du projet Manhattan, Edward Teller. Sa position devient un point de discorde au milieu de la guerre froide avec l'Union soviétique. Lewis Strauss, président de la Commission de l'énergie atomique des États-Unis, en veut à Oppenheimer pour avoir publiquement rejeté les préoccupations de Strauss concernant l'exportation d'isotopes radio-actifs et, selon sa conviction de l'avoir dénigré auprès Einstein. Lors d'une audience destinée à retirer Oppenheimer de l'influence politique, il est trahi par le témoignage de Teller et d'autres associés, et Strauss exploite les associations d'Oppenheimer avec des communistes et d'anciens communistes, tels que Tatlock et le frère d'Oppenheimer, Frank. L'habilitation de sécurité d'Oppenheimer est révoquée, son image publique détruite et son influence politique neutralisée. Plus tard, lors d'une audience de confirmation au Sénat sur la nomination de Strauss au poste de secrétaire au commerce, les motivations personnelles de Strauss dans l'ingénierie de la chute d'Oppenheimer sont révélées par le journaliste David Hill, et Strauss n'est pas confirmé.

En 1963, le président Lyndon B. Johnson remet à Oppenheimer le prix Enrico Fermi en signe de réhabilitation politique. Sa conversation antérieure avec Einstein se révèle ne pas avoir porté sur Strauss, mais plutôt sur les implications profondes des armes nucléaires. Oppenheimer se demande si le test Trinity - dans une large mesure sa création - a déclenché une "réaction en chaîne" d'événements qui pourraient conduire à un holocauste nucléaire.

 

il maîtrise l'allemand, l'anglais et le français au point qu'il peut lire les ouvrages des plus grands chimistes, mathématiciens et physiciens de l'époque dans leur langue d'expression. Profitant des enseignements des meilleurs physiciens européens, il publie des articles importants en mécanique quantique, en physique des particules et en physique nucléaire. Il est également reconnu par la communauté scientifique pour la publication d'une thèse concernant la naissance des trous noirs dans l'Univers. Pendant les années 1930, ses travaux théoriques et son prestige font de l'université de Californie à Berkeley l'un des plus importants centres de recherche en physique.

De retour aux États-Unis à l'été 1929, Robert Oppenheimer poursuit un but : fonder une grande école de physique théorique sur le sol américain.C'est à cette époque qu'il rencontre Ernest Lawrence, qui utilise un cyclotron de sa conception pour sonder la matière à la recherche d'une particule hypothétique que Paul Dirac mentionne dans un article paru en 1928. En 1936, Robert Oppenheimer, « reconnu comme l'un des premiers physiciens américains », est nommé professeur titulaire à la fois à Berkeley et au Caltech. Conséquence de ses efforts, Berkeley est considéré comme le plus important centre de physique théorique américain. En septembre 1936, il rencontre Jean Tatlock, une militante communiste qui discute régulièrement avec Oppenheimer de littérature anglaise. Elle entretient des liens orageux avec le Parti communiste des États-Unis d'Amérique (PCÉUA), jamais satisfaite des actions entreprises. Sa relation avec le chercheur a un « caractère passionnel, orageux et intermittent ». Elle lui fait rencontrer des amis qui défendent la cause des républicains espagnols ou des travailleurs espagnols immigrés en Californie. Oppenheimer participe aux collectes de fonds et envoie de l'argent à différentes organisations de gauche poursuivant des visées humanitaires. Même s'il ne sera jamais membre du PCÉUA, il lit des ouvrages de Karl Marx et de Lénine. En 1936, son frère Frank épouse une Canadienne membre du PCÉUA (Frank deviendra plus tard membre du parti). Les trois échangent des idées et des projets, s'influençant mutuellement.Toujours en 1937, il se lie d'amitié avec Haakon Chevalier, un professeur de littérature française à Berkeley. Ce dernier milite pour la défense des droits civiques et syndicaux, tout comme il fréquente des écrivains progressistes californiens. À la fin de 1937, Oppenheimer joint les rangs d'un syndicat d'enseignants, auquel appartient Chevalier, qui défend le droit des enseignants à s'exprimer librement, car ils sont « victimes des options conservatrices des responsables universitaires américains ». Le syndicat intervient dans les conflits du travail, veut éveiller le sens politique chez ses membres, milite pour les républicains espagnols et soutient, à partir de juin 1941, les victimes de la guerre qui se déroule en Russie.En 1940, le FBI met sur écoute des responsables du PCÉUA, sans autorisation d'un juge ou d'un procureur (elles sont donc illégales). Par recoupements, des agents déterminent qu'Oppenheimer est en relation avec le parti. Le FBI ouvre donc un dossier à son nom en mars 1941.

Quand Otto Hahn apprend les résultats des deux savants, il entreprend d'autres expériences avec Fritz Strassmann. Le 22 décembre 1938, ils découvrent la fission nucléaire et l'annoncent dans un article qui paraît le 6 janvier 1939 (Über den Nachweis und das Verhalten…article 23). Des vérifications sont organisées dans les principaux laboratoires du monde et, à la fin février 1939, quinze articles confirment les résultatsRival 68. Dans un premier temps, Oppenheimer rejette la découverte de Hahn et Strassmann. Devant des collègues, il tente de démontrer mathématiquement qu'il y a une erreur. Le lendemain, Luis Walter Alvarez reproduit l'expérience en sa présence. En moins d'un quart d'heure, il admet que la réaction est réelle et envisage presque immédiatement que les noyaux ainsi brisés puissent libérer des neutrons qui, à leur tour, vont briser d'autres noyaux. Il fait l'hypothèse que ces fissions puissent générer de l'énergie ou servir à fabriquer des bombes.

Par la suite, Oppenheimer et son étudiant Hartland Snyder réfléchissent à l'effondrement gravitationnel d'étoiles hyperdenses. Le chercheur américain écrit alors « l'une des pages majeures de l'astrophysique » en complétant la rédaction, en juillet 1939, de l'article On Continued Gravitational Contractionarticle 21 (« De la contraction gravitationnelle continue »Rival 2). Les deux, en appliquant les principes de la relativité générale à la structure stellaire, avancent qu'une étoile suffisamment massive s'effondre sur elle-même quand toutes les sources d'énergie thermonucléaire sont épuisées, ce qui provoque une contraction qui se prolonge indéfiniment dans le temps. Le rayon de l'étoile s'approchant asymptomatiquement de son rayon gravitationnel, la lumière de l'astre se décale progressivement vers le rouge et ne peut plus s'échapper que selon un nombre de plus en plus restreint d'angles. Si le rayon d'une étoile de forme sphérique et d'une certaine masse est plus petit que ce rayon gravitationnel, alors aucune lumière ne peut s'en échapper ; l'étoile est devenue un trou noir. Il a aussi rencontré Katherine Puening Harrison en juin 1939, une jeune femme intelligente et « pleine de tempérament. En novembre 1940, quelques semaines après avoir divorcé de son deuxième mari, elle épouse Oppenheimer. Selon son « bon ami » John Tileston Edsall, qui rend visite au couple en janvier 1941, Oppenheimer est « beaucoup plus solide », ses crises sont une chose du passé et il fait montre d'une « grande résolution intérieure ». Le couple mène une « vie extrêmement active » à Berkeley ; en plus de leur emploi, les deux participent à toutes sortes d'activités militantes. Leur premier enfant, Peter, naît en mai 1941.

Jason Clarke (Roger Robb) Kurt Koehler (Thomas Morgan), Tony Goldwyn (Gordon Gray), John Gowans (Ward Evans) Macon Blair Macon Blair ... Lloyd Garrison James D'Arcy James D'Arcy ... Patrick Blackett Kenneth Branagh Kenneth Branagh ... Niels Bohr Harry Groener Harry Groener ... Senator McGee Gregory Jbara Gregory Jbara ... Chairman Magnuson, Tom Conti (Albert Einstein), David Krumholtz (Isidor Rabi), Matthias Schweighöfer (Werner Heisenberg), Josh Hartnett (Ernest Lawrence), Alex Wolff (Luis Alvarez), Josh Zuckerman (Rossi Lomanitz), Rory Keane (Hartland Snyder), Michael Angarano (Robert Serber) Dylan Arnold (Frank Oppenheimer), Sadie Stratton ( Mary Washburn), Jefferson Hall (Haakon Chevalier), Britt Kyle (Barbara Chevalier), Guy Burnet (George Eltenton), Tom Jenkins (Richard Tolman), Matthew Modine (Vannevar Bush), Louise Lombard (Ruth Tolman), David Dastmalchian (William Borden), Michael Andrew Baker (Joe Volpe), James Urbaniak James Urbaniak ... Kurt Gödel Trond Fausa Trond Fausa ... George Kistiakowsky Devon Bostick Devon Bostick ... Seth Neddermeyer Danny Deferrari Danny Deferrari ... Enrico Fermi Christopher Denham Christopher Denham ... Klaus Fuchs

Après l'attaque de Pearl Harbor en décembre 1941, les États-Unis entrent officiellement en guerre. Le 3 janvier 1942, Oppenheimer suggère à Compton, membre du CCU, de rassembler dans un seul laboratoire toutes les recherches sur la bombe. Un mois plus tard, Compton opère un premier regroupement en fondant le Metallurgical Laboratory qui a pour objectif de créer un système capable d'amorcer une réaction en chaîne avec de l'uranium 235 ou du plutonium 239Rival 78. Le physicien Gregory Breit fédère les recherches sur la bombe. Cependant, il est très soucieux de sécurité et exige des scientifiques sous ses ordres de transmettre le moins d'informations possible. Compton a demandé à plusieurs reprises à Breit de lui transmettre les calculs qui donneraient une idée du potentiel destructeur d'une bombe à fission, ce que ce dernier refuse pour des raisons de sécurité. Breit se retire le 18 mai 1942 après des désaccords sur la sécurité. Compton demande à Oppenheimer d'accepter cette responsabilité, car il entretient d'« excellents rapports » avec lui et le juge « extrêmement capable ». Le physicien, se souvenant de ses difficultés au laboratoire Cavendish, demande l'assistance d'un expérimentateur ; il veut aussi poursuivre ses recherches théoriques à Berkeley. Compton accepte et engage John H. Manley, qui se montre d'abord réticent. En effet, Manley a assisté à une conférence d'Oppenheimer quelques années plus tôt et l'a trouvé plutôt abstrait ; il doute qu'ils puissent s'entendre. Pourtant, le tandem va bien fonctionner dans les mois suivants, car Oppenheimer apprécie à leur juste valeur les travaux de laboratoire et, pour lui, la mise au point de la bombe est un problème de physique appliquéeRival 79.

Sans l'insistance de Robert Bacher, Oppenheimer aurait probablement démissionné au début de l'été 1943Rival 93,BS 50. Alors que la situation s'est éclaircie pour lui à la fin de juillet, il prend une initiative qui remet en question son habilitation. L'hiver précédent, son ami Haakon Chevalier a été contacté par George Eltenton, un sympathisant communiste, qui a suggéré que, puisque les États-Unis et l'URSS sont devenus alliés, il y ait partage d'informations scientifiques et que Chevalier pourrait contacter Oppenheimer pour lui suggérer de collaborer. Quelques semaines plus tard, Chevalier a rapporté cette conversation à son ami, qui a « violemment » réagi, refusant de transmettre des informations confidentielles aux Soviétiques. En juillet, Oppenheimer, se sachant toujours surveillé par le service de contre-espionnage de l'armée, réalise qu'il aurait dû rapporter l'incident. Il conseille plutôt de faire surveiller Eltenton qui, selon ses dires, aurait utilisé les services d'un intermédiaire qui aurait contacté trois collaborateurs à Los Alamos. Les gens du contre-espionnage souhaitent connaître le nom de l'intermédiaire, mais Oppenheimer ne peut évidemment leur donner de nom. Devant son mutisme, Groves conclut qu'il s'agit de son frère Frank. Lors d'un interrogatoire en septembre 1943, Oppenheimer mentionne le nom de plusieurs sympathisants communistes, mais l'officier militaire insiste pour connaître le nom de l'intermédiaireRival 94. C'est finalement en décembre que Groves ordonne à Oppenheimer de lui révéler le nom de l'intermédiaire ; le physicien lui raconte alors toute l'histoire en révélant le nom de ChevalierBS 51. L'épisode est officiellement clos, mais le chercheur, pour protéger sa réputation, est devenu délateur en mentionnant les noms de sympathisants. Son comportement peut s'expliquer par sa difficulté à reconnaître les réalités de l'existence. « [Le] plus surprenant dans toute l'affaire », c'est qu'il maintient son sang-froid malgré la pression.

Au départ, Oppenheimer estime que la conception et la fabrication des prototypes de la bombe exigent une centaine de scientifiques et quelques spécialistes de l'armée. D'après ses calculs, la communauté doit donc comprendre de 500 à 600 personnes. À la fin de la guerre, elle comptera 1 100 chercheurs et plus de 5 000 habitants. À cause de la croissance soutenue, les infrastructures peinent à répondre aux besoins de la communauté. Oppenheimer et son « cabinet » sont constamment préoccupés par ce sujet, car la venue des nouveaux chercheurs à Los Alamos dépend de la capacité à les accueillir. En attente d'un directeur adjoint, Oppenheimer est aussi responsable d'une équipe administrative qui s'occupe du classement des documents, des demandes de brevets et de fournitures de matériel, tout comme de la gestion de l'hôpital, de l'école, de la bibliothèque et de la maintenance des locaux

En septembre 1943, Oppenheimer plaide auprès de James Bryant Conant et Vannevar Bush que les travaux à Los Alamos sont en retard sur les autres programmes du Projet Manhattan et souhaite avoir recours à des experts britanniques ; sa demande est acceptée. En plus du savant danois Niels Bohr, la délégation britannique comprend James L. Tuck, James Chadwick, Geoffrey Ingram Taylor, Otto Frisch, Rudolf Peierls et Klaus Fuchs. Bohr, qu'Oppenheimer admire depuis leurs discussions à Cambridge, apporte des conseils et plaide en faveur d'une coopération internationale pour le contrôle des armements nucléaires.

En janvier 1944, son ancienne maîtresse Jean Tatlock se suicide. À Los Alamos, la femme d'Oppenheimer, incapable de soutenir la tension omniprésente, boit trop et refuse de servir d'hôtesse pour les réceptions officielles. Elle mettra au monde leur deuxième enfant en décembre 1944, ce qui apaisera les tensions du couple

« Je deviens la Mort, le Destructeur des Mondes39. » — Robert Oppenheimer, mots empruntés de la Bhagavad-Gita qu'il s'est remémorés quelques instants après l'essai atomique Trinity du 16 juillet 194540 Oppenheimer au Laboratoire national d'Oak Ridge, en 1946. À Los Alamos, des savants tentent de faire entendre leur voix sur les conséquences de l'usage des armes atomiques, mais Oppenheimer s'y oppose, faisant entre autres valoir qu'ils sont isolés et tenus au secret.

Même si le Troisième Reich capitule le 8 mai 1945, les recherches se poursuivent activement à Los Alamos, car l'armée américaine rencontre une résistance de plus en plus acharnée des Japonais au fur et à mesure qu'elle se rapproche du Japon. C'est dans ce contexte de « carnage » que Harry S. Truman, qui succède à Roosevelt, apprend l'existence du Projet Manhattan. Le 2 mai 1945, il autorise la création d'un comité consultatif sur l'usage des armes atomiques qui convie des experts à exposer leur point de vueRival 111. Lors d'une rencontre du 31 mai, Oppenheimer recommande que, une fois la guerre terminée, les chercheurs retournent dans leurs universités et leurs laboratoires, où ils pourraient continuer à étudier l'énergie nucléaire. Il conseille également de partager avec les Soviétiques les informations sur l'usage des atomes. James F. Byrnes, représentant de Truman, préfère que les États-Unis maintiennent le secret sur leurs recherches pour avoir un meilleur rapport de force avec l'URSS. Ensuite, Oppenheimer prédit que 20 000 personnes seront tuées à la suite de l'explosion d'une bombe atomique (une sous-estimation évidente, a posteriori). Le comité rejette l'idée de faire une démonstration de la bombe atomique et recherche plutôt une cible japonaise constituée d'une usine militaire entourée de logements ouvriers, où la bombe devra être lâchée sans avertissementBS 55. À Chicago, des savants sont tenus au courant des derniers développements et, sous la conduite de James Franck, un comité rédige un rapport dans lequel il souligne que l'usage par surprise de la bombe atomique contre le Japon ne pourrait mener qu'à la perte du « soutien de l'opinion publique à travers le monde »Rival 112 (le rapport, saisi et classé secret-défense par l'armée américaine, ne sera jamais transmis au président TrumanBS 56). Le comité consultatif demande alors à Compton, Fermi, Lawrence et Oppenheimer de rédiger un rapport sur la possibilité de faire une démonstration. Fermi et Oppenheimer concluent les premiers que cette option n'est pas réaliste pour plusieurs raisons. Les deux modèles de bombes n'ont jamais été testés, elles risquent donc de faire long feu et la démonstration n'influencerait pas les observateurs japonais. Par ailleurs, un tir réussi dans le désert, pour éviter des pertes inutiles, ne crée aucune destruction notable. Finalement, les quatre sont conscients des pertes américaines à venir dans le conflit du Pacifique et souhaitent que la guerre se termine au plus tôt. Les quatre savants ne voient « aucune alternative acceptable à l'emploi militaire direct En prévision de sa rencontre avec Joseph Staline à Potsdam, Truman demande que l'essai atomique à Jornada del Muerto soit réalisé autour du 15 juillet. Il pourra ainsi utiliser cette information comme levier auprès du dirigeant soviétique. Même si Trinity est un « succès complet »,Oppenheimer apprend la réussite du bombardement de John H. Manley, dépêché exprès à Washington pour en informer au plus tôt Oppenheimer une fois la nouvelle communiquée aux instance gouvernementales. Trois heures plus tard, Groves l'appelle pour le féliciter : « Je suis fier de vous et de vos hommes [...] l'une des choses les plus judicieuses que j'ai jamais faites a été de sélectionner le directeur de Los Alamos »trad 12. Oppenheimer, cependant, doute du bien-fondé de cette décision. Plus tard dans la journée, la nouvelle est transmise à l'ensemble de Los Alamos

Le Japon capitule le 14 août 1945. À Los Alamos, des fêtes sont organisées pour souligner la fin de la guerre. Des chercheurs sont cependant angoissés des conséquences des nouvelles armes, y compris Oppenheimer.son rôle à Los Alamos fait de lui un « héros national » et les universités du pays souhaitent s'attacher ses services. Il choisit un poste à Caltech, où se trouvent des amis, puis rejoint Berkeley en août 1946. Le 1er août 1946, le gouvernement fédéral américain, en adoptant l’Atomic Energy Act, crée, à la satisfaction de la communauté scientifique américaine, la Commission de l'énergie atomique des États-Unis, uniquement composée de civil. Rédigé au printemps 1946, le rapport Acheson-Lilienthal propose un contrôle des installations nucléaires, leur exploitation sous l'autorité d'une entité internationale, la réduction graduelle des capacités de fabrication des bombes atomiques et le partage public des connaissances accumulées. Tous les usages non militaires demeureront sous le contrôle des pays. L'idée d'avoir recours à une autorité internationale pour le contrôle de la technologie atomique émane d'Oppenheimer.Bouleversé par le refus d'une entente, Oppenheimer demande à rencontrer le président des États-Unis. Le 25 octobre 1945, il est introduit par le sous-secrétaire d'État Dean Acheson dans le Bureau ovale où il échange avec Harry S. Truman. À un certain moment, pour exprimer son désarroi de façon imagéeBS 60, le physicien déclare : « Monsieur le Président, j'ai du sang sur les mains. » Truman balaie cette remarque avec désinvolture et, une fois le physicien parti, ordonne à Acheson de ne plus jamais le ramener devant lui : « Après tout, il a simplement fabriqué la bombe, c'est moi qui ai donné l'ordre de l'utiliser

La Commission de l'énergie atomique des États-Unis (AEC) se voit confier la responsabilité d'un « gigantesque empire » : armes, laboratoires, usines de fabrication, etc. Pour mener à bien sa mission, elle a recours au General Advisory Committee (GAC, « Comité consultatif général »46) qui doit lui apporter des conseils techniques et scientifiques. Le président de la commission, David E. Lilienthal, recommande Oppenheimer comme membre du GACRival 122. D'autres personnalités soutiennent également sa candidatureBS 61. Même si le président des États-Unis Harry S. Truman n'aime pas le physicien, il accepteBS 62. Le 3 janvier 1947, Oppenheimer est nommé président du GAC, poste qui influencera notablement l'orientation nucléaire des États-Unis. En effet, si l'AEC est composé de novices en matière nucléaire, ce n'est pas le cas du GAC qui comprend des personnalités qui ont joué un rôle important dans le Projet Manhattan : James Bryant Conant, Enrico Fermi, Glenn Theodore Seaborg et Oppenheimer. L'influence du physicien aurait pu chuter sévèrement en mars 1947 lorsque Lilienthal reçoit un rapport du FBI qui indique ses liens avec Haakon Chevalier, ses activités d'« extrême gauche » d'avant la guerre, tout comme les liens de sa femme et de son frère Frank avec le Parti communiste américain. Les craintes des membres de l'AEC s'atténueront à la suite des témoignages de Vannevar Bush et James Bryant Conant, d'un entretien avec J. Edgar Hoover, ainsi que de lettres du général Groves et du secrétaire à la Guerre Robert P. Patterson. Le Sénat des États-Unis confirme la nomination d'Oppenheimer au poste de président du GAC en mars 1947Rival 123. Oppenheimer, conséquence de sa participation éminente au Projet Manhattan, joue un rôle de premier plan dans la défense des États-Unis. Il est en effet membre de différents comités qui se penchent sur les applications civiles et militaires de l'énergie nucléaire. Au GAC, il dirige les débats sans toutefois imposer son point de vue, sans censurer les membres dont l'opinion diverge de ses positions et met à contribution son esprit de synthèse. Pour ces raisons, il est régulièrement réélu président du GAC

En février 1943, malgré l'opposition des services de sécurité de l'armée américaine due aux relations passées d'Oppenheimer avec des militants de gauche, le général Leslie Richard Groves le nomme directeur scientifique du Projet Manhattan. Sous sa direction efficace, le Laboratoire national de Los Alamos met au point les trois premières bombes atomiques de l'Histoire. Même s'il juge que les États-Unis auraient dû transmettre plus d'avertissements au Japon avant de bombarder Hiroshima et Nagasaki, il reste partisan de l'usage des bombes atomiques. Après la Seconde Guerre mondiale, il est nommé président du General Advisory Committee qui conseille la Commission de l'énergie atomique des États-Unis.

Oppenheimer promeut une science du nucléaire ouverte dès 1947. Il se fait le champion du partage des informations fondamentales et de la distribution de matériaux fissiles qui ne peuvent être utilisés à des fins militaires. Cependant, Lewis Strauss, membre « influent » de l'AEC, s'y oppose à partir de 1948. En effet, les relations internationales se sont dégradées à la suite de l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie, du blocus de Berlin et des victoires militaires de Mao Zedong pendant la guerre civile chinoise.

À la suite de débats les 29 et 30 octobre 1949, le GAC publie une déclaration dans laquelle il exprime son opposition au développement d'une bombe H, qualifiée d'« arme de génocide »49. Le GAC anticipe que continuer à fournir des efforts de recherche ne pourrait mener qu'à une nouvelle course aux armements. Les membres de l'AEC partagent cette opinion, sauf Gordon Dean et Lewis Strauss qui estiment que les États-Unis doivent recouvrer leur supériorité militaire en mettant au point la bombe H. Lilienthal présente donc deux options contradictoires au président des États-Unis. Le 31 janvier 1950, Harry S. Truman réclame officiellement la mise au point de la bombe thermonucléaireRival 132. Pour Oppenheimer, c'est une catastrophe. Il envisage de démissionner de son poste au GAC, mais le sous-secrétaire d'État lui demande de ne pas démissionner, ni de faire de déclarations publiques

Le 21 décembre 1953, Lewis Strauss informe Oppenheimer des charges qui pèsent contre lui. Le scientifique peut alors démissionner ou se défendre, option qu'il choisit après avoir consulté deux avocats. Le président Eisenhower exige que soit érigé un « mur opaque » entre les recherches nucléaires secrètes et Oppenheimer. En attendant le verdict d'un comité, son contrat de conseiller est suspenduRival 139. L'audition de sécurité débute le 12 avril 1954 devant un comité de trois personnes. Le défendeur et le plaignant sont tous deux représentés par un avocat. Selon l'historien Michel Rival, l'audition « n'est qu'un procès déguisé » malgré les dénégations de son président, Gordon Gray. Le comité a consulté le dossier d'Oppenheimer une semaine avant l'audition, au contraire du défendeur. Les trois membres du comité ont été « guidés » dans leur lecture par l'avocat du demandeur, Roger Robb. L'avocat d'Oppenheimer ne peut prendre connaissance des documents classés secret-défense. Dès lors, pendant l'audition, il doit quitter la salle à chaque fois qu'un tel document est lu à voix haute, ce qui laisse l'accusé seul face à Robb. À leur insu, les conversations d'Oppenheimer et de son avocat font régulièrement l'objet d'écoute électroniqueRival 140. L'audition commence par la lecture de la lettre d'accusation, puis des réponses d'Oppenheimer. Robb le soumet ensuite à un interrogatoire qui met en relief ses activités les plus condamnables. S'ensuivent des interrogatoires et des témoignages. La plupart des témoins s'expriment favorablement envers l'accusé. Ceux qui lui sont hostiles sont en faveur du développement de l'arme thermonucléaire ou sont des militaires. L'audition se termine le 6 mai 1954. Trois semaines plus tard, le comité rend son verdict : Oppenheimer est loyal, mais il recommande de ne pas restituer son habilitation.

En 1953, pendant le maccarthysme, Oppenheimer voit son habilitation de sécurité révoquée en raison de son opposition au développement des armes thermonucléaires. En 1963, il est réhabilité politiquement lorsque le gouvernement des États-Unis lui décerne le prix Enrico-Fermi. Il termine sa carrière à l’Institute for Advanced Study qui devient, sous sa direction, un centre de recherche fondamentale de premier plan.

 

En 1942, convaincus que l’Allemagne nazie est en train de développer une arme nucléaire, les États-Unis initient, dans le plus grand secret, le "Projet Manhattan" destiné à mettre au point la première bombe atomique de l’histoire. Pour piloter ce dispositif, le gouvernement engage J. Robert Oppenheimer, brillant physicien, qui sera bientôt surnommé "le père de la bombe atomique". C’est dans le laboratoire ultra-secret de Los Alamos, au cœur du désert du Nouveau-Mexique, que le scientifique et son équipe mettent au point une arme révolutionnaire dont les conséquences, vertigineuses, continuent de peser sur le monde actuel…

Désavoué à cet égard par le président Harry Truman, suspect aux yeux des conservateurs pour ses anciennes affinités communistes, il est bientôt rattrapé par la frénésie paranoïaque de la chasse aux sorcières, qui le fait comparaître pour espionnage en 1954 devant une commission spéciale où son sort est scellé à l’avance. Finalement reconnu comme un citoyen loyal, il est néanmoins reconnu coupable de graves manquements et évincé, à ce titre, du comité consultatif de la Commission de l’énergie atomique.

le passage d’un haut fonctionnaire nommé Lewis Strauss (Robert Downey Jr.) devant une commission qui enquête sur le rôle qu’il a joué dans la mise en accusation et dans la destitution de Robert Oppenheimer quelques années auparavant. Il en ressort que ce rôle, pour des raisons tant idéologiques – Strauss est un conservateur enragé – que personnelles – Oppenheimer l’a publiquement humilié –, fut particulièrement néfaste.

a troisième poupée est, pour l’essentiel, la reconstitution de l’aventure de Los Alamos, une ville fantôme perdue dans le désert du Nouveau-Mexique. Cette partie évoque le rôle fédérateur d’Oppenheimer, ses relations avec son entourage, comme sa femme, Kitty (Emily Blunt), qui le houspille régulièrement pour sa faiblesse de caractère, ou le lieutenant général Leslie Richard Groves (Matt Damon), qui dirige la mission et lui a accordé sa confiance en dépit de ses engagements politiques passés. Mais elle tient plus essentiellement, à mesure que l’on approche de l’heure fatidique du largage des bombes sur Hiroshima et Nagasaki, à une sorte de relevé météorologique de l’irréductible solitude de Robert Oppenheimer, auquel l’acteur Cillian Murphy prête sa fragile étrangeté.

Dans ses conférences et ses lettres ouvertes, Oppenheimer met régulièrement en avant les difficultés à juguler la puissance de la science dans un monde où la recherche scientifique est conditionnée par la politique.

On verra la formation du jeune savant, le surgissement de cette nouvelle compréhension du monde qu'est la physique quantique, l'implication d'Oppenheimer dans le soutien aux Républicains espagnols et sa fréquentation de la gauche communiste à Berkeley dans les années 1930, l'engagement passionné dans le combat anti-nazi.Le film dira la construction du village de Los Alamos dans le désert du Nouveau-Mexique, où scientifiques et militaires mettent au point la première bombe nucléaire; il montrera l'éclair et le champignon lors de l'essai Trinity dans le désert, et la décision de larguer les bombes.Il contera la gloire, l'orgueil et les doutes du patron du projet Manhattan, les attaques qu'il subit, les effets de la première bombe soviétique et la chasse aux sorcières qu'elle déclenche, le mécanisme inexorable de la course aux armements autour de la bombe A, puis H.Mais cette tension se nourrit aussi de la Guerre froide avec l'Union soviétique, de la présence d'organisations de gauche aux États-Unis et de leur répression à l'époque du maccarthysme, des rivalités entre chercheurs, des manœuvres de politiciens pour des raisons d'ego autant que de projets de société…Et encore de la légitimité de tuer des centaines de milliers de civils dans un conflit qui de toute façon se termine, où le Japon va être vaincu, et après le suicide d'Hitler et la reddition de l'Allemagne –et alors qu'il n'est pas certain que la bombe A joue sur le moment un rôle ni stratégique ni psychologique aussi décisif qu'on le dira ensuite. Mais, aussi, du lancement d'une course aux armements nucléaires lourde de surenchères apocalyptiques.

Elle trouve son pendant dans la multiplicité des protagonistes qui gravitent, successivement ou simultanément, autour de Robert Oppenheimer –sa femme et sa maîtresse, son frère communiste, le général qui supervise le projet Manhattan, le politicien patron de l'agence atomique, l'avocat qui le défend lorsque les autorités tentent de le piéger. Et bien sûr les nombreux scientifiques assemblés par «Oppie», qui passe progressivement du rôle de brillant esprit scientifique à celui de chef de bande, grand coordinateur d'un projet d'une extrême complexité mené dans l'urgence.

mais avec ce goût de la conceptualité et de l’emphase qui fait que ses films n’échappent que rarement aux dangers du maniérisme.

Homme complexe, à la fois idéaliste et opportuniste, pétri de contradictions et de faiblesses, tiraillé entre le remords de sa terrible invention et la conviction d’avoir sauvé des vies en arrêtant la guerre. Davantage que ces questions politiques ou morales toutefois, on sent bien que c’est l’opérateur de l’histoire en marche qui, dans le savant qu’est Oppenheimer, passionne l’artiste qu’est Nolan.

 ce titre, Oppenheimer a toute sa place dans la galerie des héros nolaniens. Détenteur d’une force supérieure, fragilisé par un indicible secret, incertain de lui-même dans un monde d’une irréductible complexité et d’une violence opaque, non exempt de duplicité, cherchant la lumière et le bien par des voies sombres qui leur sont opposées : Batman n’est pas très loin.

Jean-Luc Lacuve le 03/08/2017

leger decalage, alccolisme d ekitty, annonce simultanée du bomabrdement par Truman

 

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