Oppenheimer

2023

Genre : Biopic

Avec : Cillian Murphy (J. Robert Oppenheimer), Emily Blunt (Kitty Oppenheimer), Matt Damon (Leslie Groves Jr.), Robert Downey Jr. (Lewis Strauss), Florence Pugh (Jean Tatlock), Josh Hartnett (Ernest Lawrence), Casey Affleck (Boris Pash), Rami Malek (David Hill). 3h01.

Remarque : les événements du film se déroulent dans une chronologie non linéaire, alternant entre l'histoire d'Oppenheimer de Cambridge à Los Alamos, son audience de sécurité en 1954 et l'audience de confirmation de Strauss en 1959. L'histoire est ici résumée par ordre chronologique.

En 1926, J. Robert Oppenheimer, 22 ans, est aux prises avec le mal du pays et l'anxiété alors qu'il étudie au Cavendish Laboratory de Cambridge, sous la direction de l'exigeant Patrick Blackett. Après avoir terminé son doctorat en physique à l'Université de Göttingen en Allemagne où il a travaillé aux côtés du célèbre physicien Werner Heisenberg, Oppenheimer retourne aux États-Unis et espère étendre la recherche en physique quantique. Il commence à enseigner à l'Université de Californie à Berkeley et au California Institute of Technology. Il rencontre des personnalités telles qu'Ernest Lawrence qui met l'accent sur les applications pratiques ; Jean Tatlock, membre du Parti communiste américain avec qui il entretient une relation amoureuse intermittente ; et sa future épouse, Katherine Puening, biologiste et ex-communiste.

Le général de l'armée américaine Leslie Groves recrute Oppenheimer pour diriger le projet Manhattan visant à développer une bombe atomique après qu'Oppenheimer ait assuré à Groves qu'il n'avait aucune sympathie communiste. Oppenheimer, qui est juif, est particulièrement motivé par la possibilité que les nazis aient un programme d'armes nucléaires en cours, dirigé par Heisenberg. Oppenheimer rassemble une équipe scientifique à Los Alamos, au Nouveau-Mexique, pour créer secrètement la bombe, dans l'intention qu'elle sauvera le monde malgré ses répercussions mondiales potentielles. À un moment donné, lui et Albert Einstein discutent en effet de la possibilité théorique qu'une telle bombe puisse déclencher une réaction en chaîne qui pourrait détruire le monde.

Lorsque l'Allemagne capitule pendant la Seconde Guerre mondiale, certains des scientifiques du projet doutent de la pertinence de le continuer. Néanmoins, la bombe est terminée et le test Trinity est mené avec succès juste avant la conférence de Potsdam. Le président américain Harry S. Truman décide de larguer des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, forçant la reddition du Japon et propulsant Oppenheimer aux yeux du public en tant que "père de la bombe atomique". Hanté par l'immense destruction et des souffrances causées par les bombes Oppenheimer rencontre Truman pour exhorter à la retenue dans le développement d'armes encore plus puissantes. Truman est dégoûté par la détresse d'Oppenheimer, qu'il perçoit comme une faiblesse, et insiste sur le fait que lui seul, en tant que président, porte la responsabilité de l'utilisation de la bombe. Oppenheimer continue de ressentir une intense culpabilité.

Oppenheimer plaide contre la poursuite du développement nucléaire, en particulier la bombe à hydrogène, se positionnant contre son collègue scientifique du projet Manhattan, Edward Teller. Sa position devient un point de discorde au milieu de la guerre froide avec l'Union soviétique. Lewis Strauss, président de la Commission de l'énergie atomique des États-Unis, en veut à Oppenheimer pour avoir publiquement rejeté les préoccupations de Strauss concernant l'exportation d'isotopes radio-actifs et, selon sa conviction de l'avoir dénigré auprès Einstein. Lors d'une audience destinée à retirer Oppenheimer de l'influence politique, il est trahi par le témoignage de Teller et d'autres associés, et Strauss exploite les associations d'Oppenheimer avec des communistes et d'anciens communistes, tels que Tatlock et le frère d'Oppenheimer, Frank. L'habilitation de sécurité d'Oppenheimer est révoquée, son image publique détruite et son influence politique neutralisée. Plus tard, lors d'une audience de confirmation au Sénat sur la nomination de Strauss au poste de secrétaire au commerce, les motivations personnelles de Strauss dans l'ingénierie de la chute d'Oppenheimer sont révélées par le journaliste David Hill, et Strauss n'est pas confirmé.

En 1963, le président Lyndon B. Johnson remet à Oppenheimer le prix Enrico Fermi en signe de réhabilitation politique. Sa conversation antérieure avec Einstein se révèle ne pas avoir porté sur Strauss, mais plutôt sur les implications profondes des armes nucléaires. Oppenheimer se demande si le test Trinity - dans une large mesure sa création - a déclenché une "réaction en chaîne" d'événements qui pourraient conduire à un holocauste nucléaire.

Les événements du film se déroulent dans une chronologie non linéaire alternant trois récits .Le premier est l'histoire d'Oppenheimer de Cambridge à Los Alamos, puis son engagement pour la non prolifération nucléaire et sa mise à l'écart de la politique puis sa réhabilitation en 1963. Le second récit, monté en alternance, est réservé à un moment particulier de la guerre froide, celui où Oppenheimer est mis à l'écart de la politique par l'audience de sécurité en 1953-1954. Le troisième récit, en noir et blanc, qui alterne avec les deux autres, est l'audience de confirmation de Strauss en 1959 où il échoue à devenir ministre du commerce lorsqu’il  est interrogé sur Oppenheimer...qui n'apparait pas dans ce dernier récit.

Un grand récit hollywodien

le premier récit, hollywoodien en diable, est composé de la formation du jeune savant, le surgissement de cette nouvelle compréhension du monde qu'est la physique quantique, l'implication d'Oppenheimer dans le soutien aux Républicains espagnols et sa fréquentation de la gauche communiste à Berkeley dans les années 1930, la construction du village de Los Alamos dans le désert du Nouveau-Mexique, où scientifiques et militaires mettent au point la première bombe nucléaire avec l montrera l'éclair, le champignon et l'effet de souffle lors de l'essai Trinity dans le désert, et la décision de larguer les bombes. La gloire, l'orgueil et les doutes du patron du projet Manhattan, les attaques qu'il subit, les effets de la première bombe soviétique et la chasse aux sorcières qu'elle déclenche, le mécanisme inexorable de la course aux armements autour de la bombe A, puis H, sa mise à l'écart après l'audition de sécurité de 1953-54 puis sa réhabilitation en 1963.

Cette partie rend grâce aux nombreux personnages gravitant autour d’Oppenheimer, sa femme et sa maîtresse, son frère communiste, le général qui supervise le projet Manhattan, le politicien patron de l'agence atomique, l'avocat qui le défend lorsque les autorités tentent de le piéger. Et bien sûr les nombreux scientifiques assemblés par Oppenheimer qui passe progressivement du rôle de brillant esprit scientifique à celui de chef de bande, grand coordinateur d'un projet d'une extrême complexité mené dans l'urgence.

Les pointes de présent

Le second récit est celui, austère, de l'audition de sécurité en 1953-54. Moment assez étonnant où Oppenheimer fait face à un procès perdu d'avance où il se montre néanmoins courageux face à l'adversité ou, comme le suggère Kitty, comme une façon d'être plaint pour faire oublier la souffrance qu’il à causé par le bombe. L'audience de confirmation de 1963, en noir et blanc, qui raconte objectivement selon Nolan, et non plus selon ce qu'a ressenti Oppenheimer, ce qui s'est joué dans l'audition de 1954

Les deux audiences sont un combat à distance entre deux hommes et deux conceptions de la diplomatie. Ces pointes de présent minent l'épopée du grand récit, montrant la fragilité de la science vis à vis de la politique qui pourrait embraser le monde. Une fin bien pessimiste pour un film majoritairement hollywoodien.

Jean-Luc Lacuve, le 29 juillet 2023

Retour