Faust

1926

(Faust eine deutsche vokssage). Avec : Gösta Ekman (Faust) ; Emil Jannings (Méphisto) ; Camilla Horn (Marguerite) ; Frida Richard (La mère de Marguerite) ; William Dieterle (Valentin, le frère de Gretchen) ; Yvette Guilbert (La tante de Marguerite) ; Eric Barclay (le Duc de Parme) ; Hanna Ralph (La Duchesse de Parme) ; Werner Fuetterer (L'Archange). 1h46.

Dans les nuées célestes, l'Archange de lumière, symbole du Bien, dresse sa rayonnante stature contre Méphisto, le Mal incarné. Celui-ci se fait fort de triompher par ses maléfices de l'intelligence humaine : il choisit comme victime le Dr Faust, vieil alchimiste célèbre par ses travaux et sa piété.

Comme prélude à son œuvre funeste, Méphisto déchaîne la peste sur le monde. Impuissant à conjurer le fléau, Faust invoque le Prince des Ténèbres. Par magie, l'épidémie cesse. Puis Méphisto entraîne Faust sur un tapis volant et lui fait miroiter les merveilles et les jouissances terrestres : pressé d'y goûter, Faust demande que lui soit rendue la jeunesse. En échange, il vend son âme.

Dans une petite ville, grâce à l'entremise sournoise de Méphisto, devenu son mentor, le jeune Faust séduit Marguerite, une pure jeune fille. Mais le frère de celle-ci, Valentin, s'interpose et provoque Faust en duel. Méphisto, caché dans la coulisse, porte le coup fatal. Accusée de complicité et abandonnée par les siens, Marguerite est exposée au pilori, conspuée par la foule et finalement conduite au bûcher. Désespéré, Faust maudit le mirage dont il a été la victime. Le charme se rompt. Il redevient un vieillard et, dans un ultime sursaut de fidélité, s'en va mourir sur le bûcher auprès de sa bien-aimée, qui l'a reconnu. Un seul mot a suffi pour réduire à néant le pacte diabolique : le mot amour.

Que ce soit dans l'œuvre de Goethe ou bien dans le film de Murnau, le personnage de Faust est confronté au Divin. Cette instance est représentée, dans le film, par deux personnages : l'Archange et par Méphisto. Ces deux entités sont des puissances spirituelles qui ont une nette supériorité vis-à-vis de la race humaine. Ils ont notamment le droit de vie et de mort sur l'être humain.

L'humain et le divin

Une scène démontre bien à quel point l'humain fait face à un problème qui le surpasse et que seule une instance divine peut changer la situation. La scène ou Méphisto " pulvérise " la ville du virus de la peste traduit bien cela. L'être humain n'a donc plus qu'une seule solution : prier l'instance divine de venir les sauver. Il y a donc bien dès le début du film une séparation distincte entre le divin et l'humain. A travers le personnage de Méphisto, nous allons assister à une " fusion " du divin et de l'humain. Se sentant débordé par le mouvement du virus, Faust jette au feu tous ses livres de science, de guérison ainsi qu'un livre religieux. C'est ainsi qu'il prend conscience que lui aussi doit prier mais non pas une instance divine positive mais une instance divine plus puissante : le mal. En acceptant par la suite le pacte de Méphisto, Faust va ainsi entrer en communion avec le mal et donc avec l'instance divine. A travers ce pacte, Faust devient le pur produit d'une expérience (à l'image des siennes notamment sur la pierre philosophale).


Après avoir signé ce pacte, Faust se mêle à la foule pour sauver la population de la peste. Suite à la première guérison, Faust devient une sorte de prophète capable d'accomplir des miracles à l'image de Jésus. Ce n'est pas un hasard si Murnau a peint son personnage à l'image du christ. En effet, si Faust décide en premier lieu de signer ce pacte c'est pour sauver la population comme si le personnage se sacrifier pour sauver l'humanité à l'image de Jésus se sacrifiant pour les pêchés des Hommes.

Nous avons donc dans le film deux niveaux d'instance divine : il y a en une première au sein de l'histoire (intra-diégètique) mais également à travers des références bibliques dont la source n'est pas la base même du film (extra-diégètique).

Malgré le fait que Faust ait signé un pacte avec le diable, cela ne l'empêche de trouver le salut à la fin du film et de pénétrer ainsi dans l'instance divine " positive ". Faust est donc un personnage qui est comme un électron libre. En effet, il a, dans un premier temps, fréquentait le monde de la race Humaine et dans un second fusionnait avec les deux instances divines.

L'amour comme signe de salut de l'Humanité

En premier, Faust a choisi d'accepter le pacte avec le diable pour sauver la population de la peste. En second lieu, il décide de demander à Méphisto la jeunesse éternelle pour pouvoir profiter de toutes les jouissances possibles. Sa rencontre avec la Duchesse de Parme ne sera que la prémisse de ce que va vivre le personnage. La séquence de séduction de la Duchesse peut être interprétée comme le signe annonciateur de ce qui va arriver au personnage. Durant cette dernière, le personnage apparaît comme une sorte d'émir venant apporte mondes et merveilles à la Duchesse. Faust réussira à emporter la Duchesse avec lui grâce notamment à Méphisto qui apporte un diamant qui ébloui tous les convives et qui permet à Faust de partir avec elle. Durant cette séquence tout n'est qu'illusion. En effet, l'arrivée de Faust ainsi que l'instant de séduction ne sont que trucages et manipulations. Le personnage de Faust arrive sous la forme d'un être qui ne lui ressemble en aucun cas : il ne se présente pas sous sa vraie nature mais sous un masque protecteur. Les thèmes décrits dans cette séquence sont également valable pour l'histoire de Faust : l'histoire d'un homme qui se fait manipuler par une force supérieure à lui. Croyant finir sa vie avec la jeune Marguerite, il finira par la faire souffrir et la faire brûler sur le bûcher.

Au sein même du film, l'union des deux personnages ne peut exister à cause du monde qu'à peint Méphisto autour de Faust : un monde rempli de désillusions. Seul l'amour pur peut trouver une place dans le film. La séquence ou la tante de Marguerite fabrique des filtres d'amour et tente de séduire Méphisto décrit un amour vouait d'entrée de jeu à l'échec. Ce n'est qu'à la fin du film ou Faust rejoint Marguerite sur le bûcher que l'émancipation des deux êtres peut avoir lieu. Pour le pouvoir du feu purificateur il arrive à ne former qu'une seule et même entité et ainsi ils ont la possibilité de s'unir à jamais mais seulement dans un univers autre. Le personnage de l'Archange le souligne parfaitement a Méphisto à la fin du film : " L'amour expie les pêchés des Hommes ". A travers cette réplique nous pouvons faire également une référence à la bible et à l'épisode ou Jésus se sacrifie au nom de l'amour de ses prochains.

" Faust " : un film pictural

Pour son film, Murnau s'est inspiré de différents artistes comme les estampes d'August Von Kreling ou bien la fresque de Kaulbach (notamment pour la scène ou Faust supplie Méphisto de lu venir en aide). Avant de tourner son film, Murnau a pris le soin d'étudier de manière scrupuleuse l'iconographie de la légende de Faust. Comme a pu le souligné l'un des membres de son équipe lors du tournage du film " Murnau a transformé les représentations chrétiennes de Rembrandt en représentations diaboliques ". C'est ainsi que Murnau est arrivé à transformé les représentations religieuses en représentations diaboliques (il est important de faire référence à la scène ou Marguerite et sous la neige et ou les soldats découvre que son enfant est mort). Le film a été réalisé au moment ou l'expressionnisme allemand commence à toucher à sa fin (1930). Il y a cependant les caractéristiques propres au mouvement que nous retrouvons telle que le jeu du clair-obscur lors de la scène au début du film ou Faust tente de guérir une femme mais également un jeu sur les ombres comme pour la scène ou Méphisto étale son pouvoir sur la ville. Chaque plan qu'a filmé Murnau est certes inscrit sur la pellicule et reste a jamais gravé mais tous ses plans sont comme des représentations de ce qu'il a pu ressentir des iconographies qu'il a étudié. Son inconscient vient donc transformer la matière filmique et permet donc, certes imprimer un plan sur la pellicule, mais de peindre chaque plan. C'est une peinture que nous montre Murnau à travers son film. Chaque plan serait comme une couleur et que via l'opération du montage, la fusion de ces couleurs permettrait de faire naître l'œuvre.

Anthony Boscher le 03/11/2007

critique du DVD
Editeur : Mk2, octobre 2007. DVD 1 Le film 1h47. Format image : 1.33. Muet sous-titré
faust

 

Suppléments sur DVD 2:

  • Le chef d’œuvre : Faust 53’
  • La collection Murnau 10’