Pluie noire

1989

Genre : Drame social

(Kuroi Ame). Avec : Yoshiko Tanaka (Yasuko), Kazuo Kitamura (Shigematsu Shizuma), Etsuko Ichihara (Shigeko Shizuma), Shoichi Ozawa (Shokichi), Norihei Miki (Kotaro). 2h03.

Hiroshima le 6 août 1945, Yasuko, qui vit avec son oncle Shigematsu et sa femme Shigeko à Hiroshima, déménage des biens familiaux vers la maison d'une connaissance des environs.

8h15. Shigematsu prend le train pour se rendre à son usine en périphérie de la ville. Soudain, un éclair blanc déchire le ciel. Sa lumière s'accompagne d'un souffle terrible et Shigematsu et les occupants du train sont expulsés du train en tuant ou brulant beaucoup. Yasuko observe l’explosion de loin et s’empresse de revenir à Hiroshima vers la maison de son oncle en bateau. Une pluie noire s'abat sur la mer et sur les passagers. Ceux que cette pluie a touchés, souillés, ne savent pas encore qu'ils ont été irradiés.

Shigematsu a retrouvé sa maison  aux trois quart détruite et sa femme Shigeko qui tient à emporter quelques légumes avant de rejoindre l’usine où ils seront en sécurité et où ils espèrent retrouver Yasuko. Mais Yasuko a retrouvé son oncle et sa tante chez eux et le trio se dirige vers e pour échapper aux incendies qui se propagent. Leur itinéraire est jalonné de ruines, de cadavres épars et de survivants gravement brûlés. Des fantômes mutilés errent dans les amas de ruines.

1950 Yasuko vit à la campagne, à Fukuyama, avec son oncle et sa tante. La guerre est finie, la vie a repris ses droits. Et c'est dans une ambiance de nature sereine, apaisante, que lentement la mort s'installe. Yasuko ne trouve pas à se marier. On craint sa maladie. Les victimes de la bombe sont devenues les hibakusha.

Comme elle a depuis longtemps atteint l'âge où une femme devrait se marier par tradition, Shigematsu et Shigeko tentent de lui trouver un mari. Pourtant, toutes les familles des candidats retirent leur proposition lorsqu'elles apprennent la présence de Yasuko à Hiroshima le jour du bombardement, craignant qu'elle ne tombe malade ou ne puisse donner naissance à des enfants en bonne santé. Yasuko accepte finalement sa situation et décide de rester avec la famille de son oncle, même lorsque son père, qui s'est remarié, lui propose de vivre dans sa maison.

Yasuko commence à se sentir proche de Yuichi, un jeune homme du quartier qui souffre d'un traumatisme de guerre. Lorsque la mère de Yuichi demande l'approbation de Shigematsu pour que son fils épouse Yasuko, il est d'abord indigné à cause de la maladie mentale de Yuichi, mais accepte plus tard. Peu de temps après, Yasuko, déjà atteinte d'une tumeur, commence à perdre ses cheveux et est envoyée à l'hôpital. Shigematsu regarde l'ambulance qui s'en va, espérant qu'un arc-en-ciel apparaisse, ce qui indiquerait qu'elle se rétablira. Le générique défile sans que rien de tel ne se produise.

La reconstitution du bombardement de Hiroshima intervient trois fois dans le film ; au début, puis par deux flashes-back. Le premier intervient lorsque Shigematsu recopie son journal après celui de sa nièce et se souvient de son arrivée dans l’usine, de retrouver les irradiés survivants et enfin du discours de capitulation du 15 aout. Le second prend place lors de la préparation de la cérémonie funèbre de son ami, où Shigematsu doit lire les sutras comme il le fit sur l’ordre de son patron lorsque les cadavres en masse doivent être brulés. Les flashes-back, rappels du bombardement, renforcent la menace qui pèse sur les survivants alors que tout semble d’abord aller au mieux dans la campagne idyllique de Fukuyama, cinq ans après la destruction de Hiroshima.

Les personnages portent chacun en eux un drame qui leur fait dépasser leur rôle de hibakusha (victime du bombardement atomique). L’oncle a promis à son frère, le père de Yasuko, de la marier ; la tante est perpétuellement insatisfaite de ne pas être aussi parfaite que la sœur de son mari qu'elle idolâtre ; Yasuko dit délibérément la vérité au soupirant trop empressé, et manifestement intéressé seulement par son corps, qu'elle ne supporte plus et se rapproche de Yuichi. Celui-ci, traumatisé d’avoir failli être enseveli vivant par un char,  ne supporte plus le bruit des moteurs est alors incontrôlable. La sculpture et l’amour de Yasuko aurait pu le sauver.

Avec Le tombeau des lucioles (Isao Takahata, 1988) réalisé un an plus tôt, le film le plus déchirant sur le bombardement atomique.

Jean-Luc Lacuve, le 1er septembre 2021.