South

1919

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Avec dans leur propre rôle : Ernest Shackleton (Le chef de l'expédition), Frank Worsley (Le capitaine de L'Endurance), J. Stenhouse (Le capitaine de l'Aurora), L. Hussey (Météorologiste), Dr. McIlroy et Mr. Wordie (Co-directeurs de l'équipe scientifique), Dr. Macklin (Medecin de bord). 1h20

L'Endurance quitte Buenos Aires le 27 octobre 1914, son dernier port dans lequel l'équipage pu encore recevoir des nouvelles du monde extérieur ce qui n'aura plus lieu jusqu'au 20 mai 1916. Durant le trajet, il s'agit d'occuper les 70 chiens de traineaux qui seront nécessaires à l'expédition. Ce n'est pas une mince affaire le médecin de bord et Wordie procèdent au toilettage; Macklin donne aussi un médicament aux chiens qui ont le mal de mer (en veillant à ne pas rendre jaloux ceux qui croient que cet une sucrerie!). "Sourire" a les crocs, "Hercule" dégage une haleine de fumée tellement il fait froid. Frank Wild, le second, joue avec Sue. Shackleton s'assure de la route et sur plus de 300 kilomètres cartographie les immenses glaciers. L'étrave est conçue pour briser la glace jusqu'à 120 centimètres d'épaisseur mais la navigation est difficile : Shackleton grimpe sur le mat pour indiquer la route à Worsley par mégaphone. La banquise semble être à portée de vue.

Mais l'Endurance, alors que la température baisse brusquement, est soudainement entourée par les glaces Le 14 février 1915; il est décidé de casser et scier la glace devant l'étrave pour le libérer. En dépit des nombreuses autres tentatives de le sauver, jour après jours, le navire se brise lentement dans la glace. L'équipage se retrouve ainsi coincé à une centaine de kilomètres de la côte antarctique, prisonnier d'un hiver plus rigoureux que la moyenne, sur une plaque de glace à la dérive pendant neuf mois. Hurley filme les membres de l'expédition qui s'activent autour de l'épave, évacuant les chiens et construisant des piliers de glace comme repères dans le blizzard. Surtout, il prend quelques clichés spectaculaires du bateau, de nuit, éclairé par une vingtaine d'ampoules d'appoint faisant ressortir la surface gelée de tous les cordages et tous les mâts : un véritable vaisseau fantôme. Le 27 novembre 1915, il ne reste rien de l'Endurance qui a coulé dans son manteau de glaces. Les trente hommes d'équipage décident alors de partir vers l'ile de l'éléphant

Tandis que 22 hommes et les chiens attendent sur l'île Elephant, Shackleton décide d'une mission de sauvetage. Avec cinq de ses hommes, ils partent de l'épave en direction de la Géorgie du Sud, leur point de départ, pour y trouver de l'aide. Ce passage en canot sur une distance de plus de 1000 kilomètres est évoqué avec quelques peintures et plans filmés une fois le sauvetage accompli. De même c'est après le sauvetage qu'Hurley documente la vie des animaux sur l'île de Géorgie du Sud où Shackleton organisa la mission de sauvetage. Sur l'île, les jeunes albatros sont un met de choix, l'huile des baleines sert de matière de base aux munitions mais plus amusant le déplacement des manchots fait penser à Charles Chaplin et les éléphants de mer passent du bon temps à se gratter et se dorer au soleil, Il fallu quatre tentatives à Shackleton pour retrouve ses compagnons. Mais a final les 28 hommes de l'expédition furent tous sauvés et "these pictures were obtained with a good deal of time and effort"... Bel euphémisme.

Frank Hurley, né le 15 octobre 1885 à Glebe, quartier chic de Sydney, sous le nom de Francis James Hurley est un aventurier, photographe et cinéaste et directeur de la photographie. Il est connu pour deux films de fictions réalisés en 1926 The Hound of the Deep et Jungle Woman (1926) et comme coscenariste de  Tall Timbers (Ken G. Hall, 1937).

Il participe à de nombreuses expéditions en Antarctique dont l'expédition antarctique australasienne de Douglas Mawson en 1911 et l'expédition Endurance d'Ernest Shackleton en 1914-1916. À cette occasion il enregistre des images qui lui permettent de monter ce documentaire en 1919. Il produit de remarquables images mais dans la mesure où il procède souvent à des reconstitutions et qu'il retouche ses photographies, il sera critiqué quant à la valeur proprement documentaire de son travail.

Si relativement nombreux sont les documentaires consacrés aux territoires proches du pôle nord où vivent les Inuits dont les célbres Nanouk l'esquimau (Flaherty, 1922) ou Les noces de Palo (Rasmussen, 1934), et où mourront Frankenstein et sa créature, bien plus rares sont les documents sur la conquête du pôle Sud.

South, à travers l'objectif de l'aventurier et photographe australien Frank Hurley, raconte l'expédition britannique Endurance qui emmena 28 hommes et 70 chiens depuis la Géorgie du Sud et les Îles Sandwich du Sud en direction du Pôle Sud, à la veille de la Première Guerre mondiale. Ce fut un immense échec : pris au piège de la glace et des nombreux imprévus, la mission durera près de trois ans pour certains membres de l'équipage, de 1914 à 1917. Mais il semble bien difficile de trouver dans l'histoire des expéditions un échec aussi magnifique. Le schéma suivant, comportant les données cartographiques actuelles dont ne bénéficiait évidemment pas l'expédition à l'époque, résume le périple (cliquer sur l'image pour l'agrandir).

Tous, absolument tous les membres d'Endurance survécurent. Ils étaient largement sous-équipés, sans ravitaillement extérieur, sans GPS, sans source alternative d'énergie. Après quelques mois de traversée sur les eaux gelées, leur bateau finira bloqué pendant neuf longs mois, prisonnier de la glace, comme incrusté dans une roche glaciale, avant d'être définitivement détruit sous la pression des glaciers en formation puis abandonné. Les membres de l'expédition survécurent pendant 22 mois par des températures atteignant les -45°C.

Ernest Shackleton et son équipage ne furent cependant pas les premiers à fouler les terres antarctiques. En décembre 1911 déjà, les membres de l'expédition norvégienne conduite par Roald Amundsen atteignaient le Pôle Sud. C'était l'époque de la course à l'exploration : une équipe concurrente composées de cinq Britanniques, au sein de l'expédition Terra Nova commandée par l'officier de la Royal Navy Robert Falcon Scott, y arrivèrent un mois plus tard en janvier 1912. Mais cette expédition-là sera entièrement anéantie par la faim et le froid lors du trajet retour : voilà l'expression de la beauté des échecs britanniques par excellence.

C'est donc au cœur de cette dynamique de l'exploration qu'Ernest Shackleton conduisit une expédition avec pour objectif la traversée du continent antarctique en 1914 : 11 mois plus tard, le cauchemar britannique se reproduisit tandis que la banquise s'emparait de leur bateau quelque part dans la mer de Weddell.

Les encarts initiaux insistent sur la dimension héroïque de cette bataille pour la survie en ces terres hostiles et gelées, ainsi que sur le contexte géopolitique très particulier de l'expédition. "Le navire de l'expédition Endurance avec le commandant sir Ernest Shackleton et un équipage de 28 hommes à bord quittent l'Angleterre au cours des derniers jours de juillet 1914, après que Shackleton eut offert son navire, ses provisions et tout son équipage à la cause de son pays, seulement pour s'entendre dire que les autorités souhaitaient que l'expédition, qui bénéficiait du soutien total de son gouvernement, se poursuive". L'empire britannique déclarait la guerre à l'Allemagne en août 1914. Les membres de l'expédition, comme tous leurs compatriotes, pensaient que la guerre serait terminée rapidement, avant la fin de l'année : à leur retour en Europe en 1917, les tranchées seront toujours actives et les rapports de force auront radicalement changé.

Le Norvégien Amundsen, premier homme à avoir foulé le Pôle Sud à la barbe des Anglais, aurait déclaré "never underestimate the British habit of dying. The glory of self-sacrifice, the blessing of failure". L'épopée de l'Endurance fut en effet un magnifique échec. Mais l'histoire de ces hommes prisonniers de la glace pendant près de deux ans, présumés morts avant que les secours ne les retrouvent au cours d'une mission de la dernière chance initiée par Shackleton, force le respect. Les images que Hurley en a tirées sont d'une beauté incroyable et témoignent un état d'esprit d'aventuriers et d'explorateurs polaires qui restera gravé dans l'histoire, au passé. C'est la beauté des découvertes de terres inexplorées alliée aux dangers de ces expéditions vers le Pôle Sud virant à la survie, à une époque où le Pôle Nord commençait déjà à être balisé par des explorateurs comme Frederick Cook et Robert Peary.

Webographie : Blog Je m'attarde