Batman

1989

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Avec : Jack Nicholson (Le Joker / Jack Napier), Michael Keaton (Batman / Bruce Wayne), Kim Basinger (Vicki Vale), Robert Wuhl (Alexander Knox), Pat Hingle (le commissaire de police), Michael Gough (Alfred). 2h06.

Depuis que ses parents ont été assassinés par deux voyous, Bruce Wayne a juré de lutter contre le crime qui ensanglante les rues de Gotham City. Excentrique milliardaire le jour, il se transforme la nuit en Batman, l'homme-chauve-souris, le justicier de l'ombre. Seul son fidèle majordome Alfred est au courant de sa double identité.

Un soir, Batman est amené à intervenir contre Jack Napier, bras droit du patron de la mafia locale, Grissom. Poussé dans une cuve de produits chimiques, Napier en ressort défiguré par un abominable rictus qui le fera désonnais surnommer " le Joker". Après avoir tué Grissom, il prend sa place à la tête du " syndicat " et auprès de son épouse Alicia, qui était depuis longtemps sa maîtresse.

Vicki Vale, belle et talentueuse photographe cherche, avec son collègue journaliste Alexander Knox, à percer le mystère de Batman, tout en tombant par ailleurs amoureuse de Bruce Wayne. Napier de son côté, continue ses méfaits : il saccage le musée de la ville, transforme Alicia en Picasso ambulant (elle finira par se suicider) et trafique des produits de maquillage dont les malheureux utilisateurs deviennent des répliques grimaçantes du Joker.

Batman a compris entre-temps que Napier était le meurtrier de ses parents et décide de mettre une fois pour toutes un terme à ses agissements. Après l'avoir empêché d'empoisonner les habitants de Gotham aux gaz hilarants, il le poursuit jusqu'à la cathédrale où Napier a entraîné sa nouvelle " fiancée", Vicki. La lutte est chaude, mais Batman triomphera de son adversaire, au grand soulagement de Vicki, laquelle sait désormais que le milliardaire et le vengeur masqué ne sont en fait qu'un seul homme.

Tim Burton n'est pas un grand fan de comics en général mais il adore les personnages ambigus et schizophrénique que sont Batman, l'homme chauve-souris et son ennemi de toujours le Joker. Les travaux de Frank Miller (Dark Knight) et Alan Moore (Souriez) sont sa principale inspiration pour un Batman très sombre et aux confins de la folie.

La production du film ne se fait pas sans difficulté. Le choix de Michael Keaton pour enfiler le costume de Batman est notamment très contesté, le comédien de Beetlejuice étant alors considéré comme un acteur comique. Les fanatiques du comics inondent le studio de lettres de protestation mais cela n'empêchera pas le film d'être un énorme succès.

Au diable, les super héros lisses à la Superman, le côté kitsch et happy de la série télévisée, le Batman de Tim Burton est sombre, profondément désenchanté et c'est en cela qu'il est intemporel. Tim Burton impose un Batman sensible, presque aussi fou que son adversaire le Joker. Les deux constituent la face d'une même pièce - le bien et le mal, l'introverti et le délirant, le sérieux et l'extravagant. Chacun a envie d'attirer le regard de l'autre sur soi et ne vit que par et pour leur affrontement. " Tu m'as fait Batman ", crie le Joker lors de la scène finale au sommet d'une cathédrale qui peut évoquer Vertigo d'Alfred Hitchcock, autre grand film sur la dualité entre le bien et le mal, " Non c'est toi qui m'a fait " réplique Batman. Frères de folie au caractères opposés, amoureux de la même femme réduite à un rôle de potiche, en un enjeu pour démontrer la supériorité de l'un sur l'autre, Batman et Le Joker sont les archétypes des personnages de Tim Burton. Des êtres solitaires qui cherchent à retrouver l'innocence de leur enfance - par le jeu et la bouffonnerie pour le Joker, en tuant l'assassin de ses parents pour Batman. Comme Le Joker, Bruce Wayne est un personnage en marge de la société, un homme-enfant chouchouté par un père de substitution, Alfred le majordome et qui ne sait pas vivre parmi les humains. Reclus dans un château isolé au delà d'une forêt inquiétante, marqué par la mort de ses parents et avide de vengeance, il n'est un justicier masqué qu'en guise de thérapie.

Bien sûr et c'est là que réside le talent de Tim Burton, cette thématique du double n'empêche pas le film d'être extrêmement divertissant. Il déploie toute la panoplie de gadgets attendus dont la célèbre Batmobile et offre un savant mélange de romance, d'humour, d'aventure et d'action. L'humour macabre est bien évidemment présent grâce à la personnalité du Joker et le film s'autorise même quelques envolées de non-sense comme la destruction d'un musée à la bombe (de peinture) sur la musique rythmée de Prince ou le faux spot de pub du Joker.

Loin des envolées gothiques du second volet, Batman Le défi, le graphisme est néanmoins très réussi, créant une ambiance bd et une ville Gotham City avec un look très marqué année 30 -période prohibition. La réalisation de Tim Burton est moins impressionnante que dans ses œuvres suivantes mais quelques séquences - le meurtre des membres de la mafia par Joker et son équipe déguisées en pantomime (hommage à Orange Mécanique ?), les scènes avec la Batmobile , sont toujours aussi jubilatoires aujourd'hui, preuve que le film a bien vieilli.

Batman est donc une authentique réussite, le film de studio-type, la grosse machine transformé en film d'auteur. Avec ce film, Tim Burton entre définitivement dans la cour des grands.