M. A. S. H.

1970

(MASH). Avec : Donald Sutherland ("Oeil de Lynk" Pierce), Elliott Gould (John "le piègeur" McIntyre), Tom Skerritt ("Duke" Forrest), Sally Kellerman (Maj. Margaret "Hot Lips" O'Houlihan), Robert Duvall (Maj. 'Frank' Burns). 1h56.

À l'automne 1951, on affecte au 4077e Mobile Army Surgical Hospital (MASH), un hôpital de campagne de l'armée américaine, deux nouveaux chirurgiens : les capitaines, "Oeil de Lynx" Pierce et "Duke" Forrest. Rebelles, coureurs de jupons et malicieux, ils n'hésitent pas à enfreindre les règles, sachant que l'on ne pourra se passer de leur compétence professionnelle. Ils empruntent ainsi la Jeep du chef de l'aéroport et commencent immédiatement à flirter avec le personnel infirmier dès leur arrivée.

Ils entrent immédiatement en conflit avec leur nouveau compagnon de tente, le major Frank Burns, qui est à la fois un religieux et un chirurgien médiocre, faisant porter sur les autres la responsabilité de ses échecs. Oeil de Lynx et Duke mettent la pression sur le lieutenant-colonel Henry Blake, commandant de l'unité, pour qu'il change Burns de tente. Dans le même temps, ils lui demandent d'affecter un chirurgien thoracique à la 4077e. Lorsque le nouveau chirurgien arrive, il refuse de révéler qui il est et d'où il vient, se contentant de sortir de sa poche des olives pour accompagner le martini que lui offre ses deux collègues. C'est après un match de football improvisé qu'Œil de lynx se souvient d'un match de football universitaire, dans lequel il a joué et dont le nouveau chirurgien thoracique a marqué le seul point mémorable du match. Il s'agit John "le piégeur".

Le major Margaret Houlihan l'infirmière nouvellement promue chef du camp, est accueillie par Henry Blake. Elle se révèle aussi rigide que le major Burns ne supportant pas les blagues salaces et le machisme débridé des officiers vis à vis des infirmières. Tous deux s'apprêtent à rédiger un rapport incendiaire sur l'attitude des militaires du camp. Ils cèdent à leurs propres passions refoulées et ont une relation sexuelle. Mais celle-ci est diffusée sur le système de sonorisation et tout le camp entend leurs ébats, notamment Houlihan disant à Burns « Franck, baise mes lèvres en feu ! », ce qui lui vaudra désormais le surnom de « hot lips ». Le lendemain Œil de Lynx interroge Burns sur sa femme et le comportement de Margaret au lit ce qui met le major puritain en rage. C'est ceint d'une camisole de force, qu'il quitte le camp et probablement le service militaire sous l'œil un peu envieux de ceux qui se sont moqué de lui.

Plus tard, Waldowski "Indolore", dentiste de l'unité, fait part de son envie de se suicider. Car à la suite d'un « manque de performance » avec une infirmière, il pense avoir des tendances homosexuelles. Oeil de lynx, Duke et piégeur lui suggèrent d'utiliser la « capsule noire » pour en finir et organise une parodie de dernière cène pour son suicide. La capsule noire s'avère être de banals somnifères et, Waldowski s'endort dans un cercueil sur la musique « Suicide Is Painless ». Oeil de lynx persuade sa maitresse, le lieutenant Leslie, infirmière, de prendre soin de John avant de partir le lendemain rejoindre son mari. Elle finit par accepter en gardant le sourire le matin du départ alors que Waldowski est guéri de son envie suicidaire.

Oeil de lynx et Duke décident pour un pari de vérifier si Houlihan est une vraie blonde. Ils soulèvent la toile de la tente-douche exposant ainsi "Hot Lips" nue au milieu du camp. Furieuse, elle menace de démissionner auprès du lieutenant-colonel Henry Blake. Celui-ci la rabroue.

Piégeur et Oeil de lynx sont envoyés au Japon où ils mènent à bien une très brillante intervention chirurgicale sur la personne du fils d'un sénateur. Ils sont venus pour jouer au golf mais le colonel de l'hôpital essaie de les arrêter d'abord pour insubordination puis pour opérer un enfant américano japonais d'une geisha chez qui ils logent. Ils endorment le colonel et prennent de lui des photos compromettantes.

Le général Hammond a néanmoins fini par être alerté par la lettre de Margaret et Burns et rend visite au camp du 4077e. Il est reçu parc Oeil de lynx, Piégeur et Duke et suggère que les deux unités fassent un match amical de football américain, en pariant une forte somme d'argent, 5000 dollars.

Voulant gagner les 5000 dollars Oeil de lynx pense à un plan. Tout d'abord, ils obtiennent de Blake le fait de demander un neurochirurgien spécifique : Oliver Harmon "Discobole" Jones, un ancien joueur de football professionnel. Ensuite, le plan d'Oeil de lynx est de ne miser que la moitié de l'argent et garder Jones sur le côté lors de la première moitié du match. Une fois que l'autre équipe a accumulé quelques points faciles et est suffisamment en confiance pour miser le reste de l'argent, le 4077e place Jones sur le terrain. Le match finit sur la victoire du 4077e, de justesse, 18 à 16, après un dernier coup vicieux.

Peu de temps après le match de football, Oeil de lynx et Duke reçoivent leurs ordres d'évacuation et repartent dans la même Jeep "empruntée" à leur arrivée. Par le haut-parleur du camp démarre le générique parlé du film.

C'est avec ce cinquième film que Robert Altman connaît le succès international : Palme d'or du festival de Cannes 1970, meilleur film aux Golden globes 1971 et Oscar du meilleur scénario adapté en 1971. Même si le film se situe durant la guerre de Corée, il s'agit de l'un des plus importants "film métaphore" de la guerre du Vietnam. Les spectateurs ne pouvant prendre cette farce militaire que comme une charge sur l'inanité de la guerre et du commandement.

Le film est constitué d'une série de vignettes bêtes et méchantes, affreusement machistes, sans qu'aucun combat ne soit montré. Les médecins sont cyniques envers les patients qu'ils opèrent et harcellent sans cesse les infirmières. La seule qui ne se prête pas au jeu est ridiculisée et finit par accepter la domination masculine quand on lui accorde, in fine, un compliment sur sa compétence. Les quelques scènes de chirurgie sont concluent généralement par des succès mais montrent de fait une affreuse boucherie.

Altman soigne sa mis en scène. Les propos liminaires en surimpressions lors de l'arrivée d'Oeil de Lynx au camp sont des déclarations ronflantes de patriotisme de Douglas Mac Arthur et Dwight D. Eisenhower. Mais l'un déclare partir et l'autre qu'il arrivera peut-être. Quelques plans séquences virtuoses émaillent le film : l'arrivée en jeep sur le camp ou la première séquence de chirurgie. Altman va même jusqu'a reproduire La dernière Cène de Vinci lors du supposé dernier repas de Waldowski.

Altman utilise ce qui deviendra sa marque de fabrique : une forme narrative chorale où s'entrecroisent une multitude de personnages. Pour bien marquer la désorganisation du camp, son foisonnement d'initiatives incontrôlées sous les ordres d'un lieutenant-colonel dépassé, déclarant à qui veut l'entendre que même jusqu'à Pearl Harbour il avait été fier de porter l'uniforme, les paroles se chevauchent sans cesse. Pourtant cette volonté de mélanger des individus, de diffracter le récit en une série de micro-fictions qui se répondent, accuse a contrario, une absence profonde de raccords.

Film dont la portée politique fut à l'époque incontestable, MASH, machiste et réactionnaire est aujourd'hui à peine visible... sauf à le prendre pour ce qu'il a toujours été : une farce bête et méchante excellemment mise en scène et interprétée.

Jean-Luc Lacuve, le 2 octobre 2018