Un aprés-midi de chien

1975

(Dog day afternoon). Avec : Al Pacino (Sonny), John Cazale (Sal), Chris Sarandon (Leon Shermer), Charles Durning (Sgt. Eugene Moretti), James Broderick (Sheldon), Susan Peretz (Angie Wortzik), Lionel Pina (le livreur de Pizza), Sully Boyar (Mulvaney). 2h05.

Le 22 août 1972, trois hommes pénètrent dans une succursale de la First Savings Bank, dans le quartier de Brooklyn, et braquent fusils et revolvers sur le directeur Mulvaney et ses employés. Le plus jeune des trois, Stevie, prend peur et s'enfuit.

Le chef, Sonny, dirige l'opération avec brio, mais il constate qu'il n'y a presque pas d'argent dans les coffres. Il met le feu aux dossiers de l'agence, la fumée s'échappe par un ventilateur. Bientôt, il reçoit un appel téléphonique : l'officier de police Moretti lui annonce que l'agence est cernée.

Le siège commence : les moments de calme succèdent aux moments de tension, la comédie au drame. Sonny parlemente avec Moretti : il échange ses prisonniers contre un avion pour l'étranger. La foule dans la rue observe et acclame Sonny. Ce dernier demande à voir sa femme... pas la véritable, mais sa "seconde femme", Leon Shermer, un travesti, qui a récemment tenté de se suicider. Une longue conversation téléphonique s'engage entre eux. Sonny a en fait tenté ce hold-up pour offrir à Leon une opération que le fera changer de sexe.

Finalement, employés et gangsters partent à bord d'un car vers Kennedy Airport où les attend un avion. Mais, à la dernière minute, le FBI agit par ruse : Sal, le compagnon de Sonny, est abattu, Sonny est capturé et les otages libérés.

 

Un après-midi de chien commence par un ancrage documentaire décrivant le quartier de Brooklyn. Le prégénérique alterne des images de pavillons coquets avec des images de plage, d'immeubles et de rues encombrées de détritus.

A partir de là, le film ne tarde pourtant pas à travailler le sentiment de déréalité qui s'est emparé de chacun. Il ne saurait être ici question d'exalter l'Amérique : le gardien descend la bannière étoilée devant la banque. Alors que dehors la foule prend parti pour les braqueurs depuis que Sonny a lancé à la police le nom de Attica (massacre dans une prison filmé en direct par la télévision) le braquage devient une sorte de happening où ce que chacun finit par souhaiter c'est de sortir du morne quotidien, lot de chacun, pour connaître son heure de gloire à la télévision.

Lumet s'en prend ici de manière moins caricaturale à la télévision que dans Network, son film suivant. Il montre son utilisation ambiguë. Le journalise coupe la communication avec Sonny lorsqu'il cesse de parler de lui pour attaquer le rôle des journalistes. La mère de Sonny vient endimanchée pour lui parler. Mais, la télévision empêche aussi le massacre violent souhaité par la police (armes sorties au moindre geste, tentative d'attaque sournoise par l'arrière, manifestant projetté violemment dans la voiture de police).

Que ce fait divers réel ait été filmé en direct par la télévision et qu'il renvoie à un autre fait divers filmé lui aussi (Attica) renforce l'intérêt de cette réflexion au troisième degré. Le film est cependant lesté par les bons sentiments : Sonny commet le hold-up pour trouver l'agent pour Leon son compagnon travesti et la séquence du testament est convenue. Le traitement "généreux" pour l'époque de l'homosexualité apparait aujourd'hui fort caricatural .

 

Jean-Luc Lacuve le 26/09/2007 (Merci à Youri Deschamps, organisateur du débat après le film au cinéma Lux). PS : seuls les anglicistes distingués remarqueront la l'amusante traduction du titre. L'expression américaine renvoie à une journée de canicule alors qu'elle évoque pour nous un temps maussade... c'est toutefois le moral déprimé qui va avec ces intempéries qui importe.