De Gaulle

2020

Genre : Biopic

Avec : Lambert Wilson (Charles de Gaulle), Isabelle Carré (Yvonne de Gaulle), Olivier Gourmet (Paul Reynaud), Catherine Mouchet (Mademoiselle Potel), Pierre Hancisse (Geoffroy Chaudron de Courcel), Sophie Quinton (Suzanne Rerolle), Gilles Cohen (Georges Mandel), Laurent Stocker (Jean Laurent), Tim Hudson (Winston Churchill), Philippe Laudenbach (Maréchal Pétain), Clémence Hittin (Anne de Gaulle), Félix Back (Philippe de Gaulle), Lucie Rouxel (Élisabeth de Gaulle). 1h49.

Colombey-les-Deux-Églises, Avril 1940. Charles de Gaulle est langoureusement et tendrement allongé contre son épouse. Le repas de famille qui suit réunit leurs trois enfants : Philippe, Élisabeth, Anne, la petite dernière trisomique sur laquelle veille mademoiselle Potel, la mère de Charles et la tante d'Yvonne. Celles-ci se chamaillent inutilement sur qui, de leurs deux enfants, avait intérêt à ce mariage puisque l’amour qui unit Charles et Yvonne transparait aux yeux de tous.

Mai 1940. Le colonel De Gaulle reçoit la mission de retarder l'ennemi dans la région de Laon et de barrer ainsi la route de Paris. Il dirige la contre-attaque vers Montcornet, au nord-est de Laon. C'est l'une des seules qui parviennent à repousser momentanément les troupes allemandes. Après avoir atteint ses objectifs dont la ville de Montcornet, la 4e DCR, n'étant pas appuyée, est contrainte de se replier. De Gaulle lance à cette occasion, à Savigny-sur-Ardres, un premier appel radiodiffusé destiné à remonter le moral des Français en vantant les mérites des divisions blindées et qui se termine par la phrase : "Grâce à cela, un jour, nous vaincrons sur toute la ligne".

De Gaulle conseille à Yvonne de quitter leur demeure. L’avancée allemande plonge les civils et les militaires dans la panique. C'est l'éxode.

Le 6 juin, le général de Gaulle est convoqué d'urgence à Paris par Paul Reynaud, président du Conseil et ministre de la Guerre, pour occuper un poste ministériel dans son gouvernement, celui de sous-secrétaire d'État à la Guerre et à la Défense nationale. Charles de Gaulle sort alors de la hiérarchie militaire pour commencer une carrière politique. Il a pour mission de coordonner l'action avec le Royaume-Uni pour la poursuite du combat. Le 9 juin, il rencontre le Premier ministre du Royaume-Uni, Winston Churchill. Churchill refuse d'intervenir en France car il veut réserver l’intervention des escadrilles de chasse de la RAF pour la défense contre une attaque directe du territoire de l'Angleterre.

Charles de Gaulle quitte Paris, qui est déclarée ville ouverte, et occupée par les Allemands, le 10 juin. Yvonne et ses enfants gagnent le Loiret en voiture croisant convois de réfugiés et morts sur les routes. Ils rejoignent Suzanne, la soeur d'Yvonne.

De Gaulle réussit encore à convaincre Paul Reynaud de continuer la guerre. Le 16 juin, il est en mission à Londres et obtient la fusion des armées française et britannique dans le cadre d'un gouvernement unique franco-britannique.

De retour à Bordeaux, il apprend avec consternation, le 17 juin, la démission du président du Conseil, Paul Reynaud et son remplacement par le maréchal Pétain. Le même jour, la nomination comme ministre de la Défense nationale et de la guerre du général Weygand alors chef d'état-major de l'Armée, sonne le glas des ambitions ministérielles de De Gaulle. Le transfert des pouvoirs de chef de gouvernement au maréchal Pétain n'ayant lieu que le lendemain, de Gaulle est encore membre du gouvernement mais décide de quitter la France. Paul Reynaud lui remet 100 000 francs prélevés sur les fonds secrets pour sa logistique à Londres. Jean Laurent, son directeur de cabinet, lui donne l'adresse de son pied à terre à Londres. De Gaulle va alors jusqu’en Bretagne pour embrasser Yvonne et les enfants. Avec son aide de camp, Geoffroy Chodron de Courcel, il s'envole secrètement pour Londres le soir du 17 juin.

Le 18 juin, De Gaulle obtient de Winston Churchill, autre entêté solitaire, l’autorisation de lancer son fameux appel sur les ondes de la BBC :

Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat. Certes, nous avons été, nous sommes submergés par la force mécanique terrestre et aérienne de l'ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui. […] La France n'est pas seule […] elle a un vaste empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut comme l'Angleterre utiliser sans limite l'industrie des États-Unis. […] Moi, Général De Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.

Le 19 juin, De Gaulle apprend qu'il est déchu de sa nationalité, que ses biens sont confisqués et qu'il a ordre de rentrer en France. Heureusement, Yvonne et les enfants l'ont rejoint. Il va chaque jour appeler tous les résistants à se mettre en rapport avec lui.

De Gaulle est ici décrit moins comme un ambitieux que comme un intellectuel, qui a déjà de nombreux écrits à son actif, et qui veut faire valoir sa vision économique, historique, géographique et politique des conflits militaires. Ses analyses de la situation vont bien au-delà du sentiment de défaite étriquée des vieux généraux, tétanisés par l'audace militaire des armées allemandes.

Cette vision de De Gaulle est enracinée dans son amour pour sa famille et notamment la fragile Anne, celle qu'il nomme, avec sa femme, leur "toute petite". Anne ramène son père aux fondamentaux d'un amour immense où la protection va de pair avec une force qui ne renonce jamais. Cette force fondamentale ressource De Gaulle quand il consulte l'herbier réalisé pour lui par sa fille dans l'avion la nuit du 17 juin ; elle guide sa prière dans l'église le matin du 19 où son inquiétude est grande pour sa famille aussi bien que pour lui même qui vient d'être condamné pour trahison.

Le fameux appel du 18 juin redonne ainsi de l'espoir par son lyrisme mais il explique aussi les raisons d'espérer : la guerre sera mondiale et la victoire, qui ne consiste qu'à disposer d'une force mécanique plus grande que l'ennemi, ne saurait échapper aux démocraties, fortes de l'appui des empires coloniaux franco-britanniques et de la puissance économiques des États-Unis.

Dans Paris brûle-t-il ? (René Clément, 1966), un moment de l'histoire était fragmenté en une multitude de personnages historiques, interprétés par des acteurs célèbres qui les occultent. Dans De Gaulle, un seul homme, derrière lequel Lambert Wilson s'efface, incarne la résistance mais aussi, via les inquiétudes pour sa famille, nous fait partager l'expérience terrible de l'exode ou, via une traumatisante rencontre avec les soldats allemands, le cauchemar des sévices nazis durant l'occupation. De Gaulle, le film, incarne l'Histoire.

Jean-Luc Lacuve, le 03/07/2020