Dark waters

2019

Genre : Drame social

Avec : Mark Ruffalo (Robert Bilott), Anne Hathaway (Sarah Barlage Bilott), Tim Robbins (Tom Terp), Bill Camp (Wilbur Tennant). 2h08.

1975. Des adolescents ivres se baignent la nuit dans une eau que l’on sent menaçante

1998. Robert Bilott, un avocat d'entreprise de Cincinnati (Ohio) vient d'être nommé associé du prestigieux cabinet d'avocats Taft Stettinius & Hollister. En pleine réunion, Robert est appelé pour recevoir l'agriculteur Wilbur Tennant. Celui-ci l'implore de le défendre suite à la pollution extrême qu'il subit de la part à l'une des plus grandes sociétés du monde, DuPont, dans son exploitation de Parkersburg, en Virginie-Occidentale. Robert lui explique qu'il ne peut rien pour lui car son métier est d'aider les entreprises chimiques à polluer sans enfreindre la loi. Wilbur Tennant, excédé, lui affirme que c'est sur les conseils de sa grand-mère qu'il est venu le trouver, confiante dans la droiture de son avocat de petit-fils. Robert est sensible à l'évocation de sa grand-mère et, interloqué, laisse Wilbur lui déposer un carton de bandes vidéos.

Le lendemain, Robert prend sa voiture pour se rendre à Parkersburg, à 300 kilomètres à l'est de Cincinnati où il voit d'abord sa grand-mère qui lui confirme connaitre la ferme des Tennant où elle l'amenait jouer étant enfant. A la ferme des Tennant, Wilbur lui révèle qu'au cours des deux dernières années, il a perdu plus de 190 vaches dans lesquelles il a prélevé organes gonflés, dents noires et énormes tumeurs. Robert est le témoin direct du problème lorsque Tennant est forcé d'abattre une vache couverte de tumeurs qui, affolée par la douleur, chargeait contre lui.

En très bons termes avec les cadres de DuPont, Robert aborde le sujet avec leur avocat, Phil Donnelly qui lui dit poliment qu'il n'est pas au courant des détails mais qu'il l'aidera de quelque manière que ce soit.... Sans résultat. Robert dépose une plainte formelle pour pouvoir obtenir des informations sur les produits chimiques qui ont été déversés sur le site. Il se rend compte qu'il est possible que ce qui empoisonne le bétail de Tennant puisse être une substance qui n'est même pas réglementé par l'EPA (Environmental Protection Agency), et n'est donc pas répertorié dans le rapport qu'il a reçu.

Avec l'accord prudent de son patron, Tom Terp, Robert oblige DuPont à divulguer toutes ses informations. La demande formulée dans un diner mondain fait scandale quand Phil injurie Robert. Dans une tentative pour cacher la vérité, DuPont envoie à Robert des centaines de boîtes qui semblent impossibles à trier. Mais Robert examine méticuleusement les documents et trouve de nombreuses occurences d'un produit chimique sans référence dans aucun document public : l'APFO.

Plus tard, au milieu de la nuit, l'épouse enceinte de Robert, le trouve en train de déchirer le tapis du sol et de chercher leurs casseroles dans les tiroirs. Quand il lui dit qu'elles sont empoisonnées, elle pense qu'il est devenu fou, jusqu'à ce qu'il explique ce qu'il a trouvé dans les documents de DuPont : l'acide perfluorooctanoïque (PFOA-C8) a été créé pour les chars de l'armée, mais ensuite utilisé par des entreprises dans les foyers américains principalement pour des casseroles et poêles antiadhésives dont ils tirent d'énormes bénéfices en lui donnant le nom de téflon.

DuPont effectue des tests de son effet depuis des décennies, y compris sur les animaux et sur leurs propres employés. Leurs propres études montrent qu'il a causé le cancer chez les animaux et les humais et des malformations congénitales chez les bébés des femmes travaillant sur leur ligne de production- et ils n'ont jamais rien dit. Ils ont ensuite déversé des centaines de tonnes de boues toxiques en amont de la ferme de Tennant. Pire encore, l'APFO ne se dégrade pas dans le corps et empoisonne la circulation sanguine en s'accumulent lentement avec le temps. Le téflon étant t utilisé dans toutes les casseroles antiadhésives, il est probable que tous les habitants de la planète aient du PFOA dans leur circulation sanguine.

Robert avertit l'EPA et dépose plainte au civil et propose à Tennant de quitter la ferme avec l'indemnité promise par DuPont. Mais Tennant refuse, voulant justice et ne voulant pas garder le silence. Il dit à Robert que lui et sa femme ont tous deux un cancer. Robert se sent coupable, et donc, pendant qu'il obtient le règlement de l'indemnité pour Wilbur Tennant, il écrit également un mémoire avec toutes les preuves de DuPont et l'envoie à l'EPA et au ministère de la Justice.

Tennant, quant à lui, est honni par toute la communauté locale pour avoir poursuivi son plus gros employeur. Sa maison est cambriolée et il tombe malade.
L'EPA inflige néanmoins une amende de 16,5 millions de dollars à DuPont.

Robert, cependant, n'est pas satisfait ; il se rend compte que les résidents de Parkersburg ressentiront les effets de l'APFO de DuPont pour le reste de leur vie. Un appel d'un résident local, les Kigers, révèle que DuPont a envoyé une lettre informant les résidents de la présence de l'APFO, déclenchant ainsi le délai de prescription contre toute autre mesure, si aucun procès n'est intenté dans un délai d'un mois. Robert décide de demander un suivi médical pour tous les résidents de Parkersburg dans un seul grand recours collectif.

2008. Étant donné que l'APFO n'est pas réglementé, ils soutiennent que DuPont est responsable parce que la quantité dans l'eau était supérieure à la partie par milliard que leurs documents internes affirmaient être sûre. Au tribunal, DuPont affirme avoir fait une nouvelle étude qui dit que 150 parties par milliard sont sûres. Robert est consterné, et les habitants commencent à protester contre DuPont et l'histoire devient des nouvelles nationales. DuPont accepte de verser aux habitants des indemnités pour 70 millions de dollars. En revanche, ils ne seront tenus de faire un suivi médical que si les scientifiques prouvent que l'APFO cause des maladies identifiables. Une commission scientifique indépendante est mise en place pour étudier ces effets de l'APFO. Afin d'obtenir des données épidémiologiques, Robert fait dire aux habitants par son cabinet qu'ils obtiendront leur indemnités qu'après avoir donné du sang : 69 000 personnes font un don du sang, garantissant ainsi de quoi fournir une étude sérieuse.

2015. Plus de 7 ans passent sans résultat de l'étude. Tennant décède, la famille Kiger est harcelée localement et Robert fait face à une pression financière extrême, ayant travaillé toute l'affaire sur la promesse du règlement et continuant à y travailler tout en devant payer des experts scientifiques. Il a du accepter réduction de salaire sur réduction de salaire et les choses sont tendues avec Sarah. Quand Tom lui dit qu'il doit accepter une autre baisse de salaire, Robert s'effondre. A l'hôpital, les médecins disent à Sarah qu'il a eu un accident vasculaire cérébral mineur et qu'il doit prendre de nouveaux médicaments et cesser de faire face à tant de stress. Sarah implore à Tom d'arrêter de faire de Robert un homme de l'échec, car faire quelque chose pour des personnes qui ont besoin d'aide est suffisamment admirable en soi.

Enfin, la revue scientifique contacte Robert et lui dit que l'APFO provoque plusieurs cancers et autres maladies. Au dîner avec sa famille, Robert est informé que DuPont renie l'entente entière. Il est en colère, se rappelant les justes paroles de Tennant lui avait dit qu'il n'y aurait pas de justice à attendre des institutions. Robert décide donc de porter l'affaire de chaque accusé face à DuPont, un par un dût-il y consacrer toute sa vie.

Des cartons en guise d'épilogue expliquent que Robert a remporté ses trois premiers procès contre DuPont avec des règlements de plusieurs millions de dollars. DuPont met alors fin au recours collectif pour 671 millions de dollars. L'APFO est toujours dans le sang de 99 % de la vie sur Terre, et des milliers de produits chimiques ne sont toujours pas réglementés.

On avait tout à craindre d'un film de procès où un individu se dresse seul pour défendre une communauté face à un conglomérat industriel ayant noyauté tous les circuits de l'État : Révélations (Michael Mann, 1999) et Erin Brockovich, seule contre tous (Steven Soderbergh, 2000) n'étant pas les meilleurs films de leur auteur. Le film est bien ici aussi une histoire vraie qui déroule les 17 ans des divers procès que l'avocat Robert Bilott va mener contre DuPont. Le générique initial nous rappelle qu'il est basé sur l'article de Nathaniel Rich "The Lawyer Who Became DuPont's Worst Nightmare" paru dans The New York Times magazine. Des cartons marquent le passage du temps. Le générique de fin nous fera découvrir comme de coutume, les traits des vrais personnages ayant inspiré le film.

Dark Waters n'est néanmoins pas un film de procès ou alors de procès au pluriel car ici nulle victoire n'est définitive ni réconfortante. Les milieux restent à jamais séparés, irréconciliés. Le pouvoir prend corps dans les buildings verticaux de Cincinnati, les salons de réception où se côtoient juristes et industriels dans une atmosphère feutrée. A l'opposé, la ferme des Tenants en Virginie occidentale est nimbée de vert et de jaune ; le prologue emprunté aux films d’horreur montrait des adolescents ivres se baignant la nuit dans une eau que l’on sent menaçante ; les paysages sont ceux désolés de l'hiver, du froid et de la neige. Points culminants de ce naturalisme : Les images vidéo mal définies aux couleurs baveuses et d'autant plus horribles ou Tennant allongé dehors, malade, le fusil pointé vers l'hélicoptère qui surveille sa ferme.

Robert Bilott, avec les traits de Mark Ruffalo, semble toujours errer dans les tous-terrains de la vérité. Homme de dossiers, il accepte de s'enfermer plusieurs semaines au milieu des centaines de cartons afin de classer par dates et thèmes la multitude d'informations sous laquelle DuPont a crû l'enfouir. Chez lui, la nuit, il décolle la moquette et cherche les poêles au téflon dans les bas de placards, tel une taupe cherchant la lumière. Même écroulement au ras du sol lorsqu'il est victime d'un avc. Chez lui, il ne semble pas voir ses enfants grandir ni sa femme souffrir dune vie réduite à une obsession fut-elle juste. La vérité n'est pas belle à voir.

Jean-Luc Lacuve, le 1er mars 2020.