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Le compte-rendu qui suit est rédigé sous ma responsabilité après avoir assisté à la conférence sur L'image et le son, de la visualité du son, deuxième des quatre conférences pour explorer Les arts sonores, une histoire du son dans l'art contemporain, d'Alexandre Castant, essayiste et critique d'art, le lundi 25 février 2019 à l'école supérieure d'arts et médias. Les images sont aussi publiées sous la responsabilité du Ciné-club de Caen.

Deux parties dans la conférence :

  1. Photographie et phonographie
  2. Le son au cinéma
Equivalent
Alfred Stieglitz, 1925
Igor Stravinsky
Arnold Newman, 1966

1 - Photographie et phonographie

Même principe ontologique de la photographie et du son. En effet la phonographie donne une image mentale sonore (Pierre Huyghe et Christian Marclay). Le turntablism (ou Platinisme, en français) est un mot américain désignant l'art de créer de la musique grâce aux platines à vinyles et aux disques vinyles. Son utilisation des platines vinyles, commence au milieu des années 1970, mais ce développement sera indépendant de celui du hip-hop. En effet, Christian Marclay est davantage issu des cultures rock et punk des années 1970, questionnant et critiquant l'usage marchand du disque vinyle et les industries culturelles.

Si la photo naît avec Nicéphore Niepce en 1826 le phonographe de Thomas Edison en 1877 le suit de peu. Dès 1857, le phonographe permet l'enregistrement du son. Principe similaire des dispositifs machinistes, in absentia, en l'absence de la personne concernée. Est ainsi créée une poétique du manque, entre présence et absence

En 1920, Alfred Stieglitz photographie des  nuages comme une équivalence du son. En effet lorsqu'il présente ses photographies à Ernest Bloch, celui-ci s'exclame : "C'est la musique, la musique, la musique même". L'image peut ainsi être métaphore musicale. On en trouve trace dans Le violon d'Ingres de Man Ray, les photographies de musiciens d'Arnold Newman ou Sound Stories, l'exposition immersive de Christian Marclay en 2018.

Sound Stories

David Grubbs (Professeur au conservatoire de musique du Brooklyn College depuis 2005, écrivain, critique, né en 1967) dans Les disques gâchent le paysage : John Cage, les années 1960 et l'enregistrement sonore (Les Presses du réel, 2015) étudie le rôle de l'enregistrement sonore et l'évolution des pratiques d'écoute dans la représentation de la musique expérimentale depuis les années 1960. Cette enquête menée à partir d'un vaste travail d'archive, d'une expérience directe avec des artistes de différents horizons et d'une approche pluridisciplinaire de l'œuvre de John Cage et des avant-gardes montre que les artistes adeptes du minimalisme sur une longue durée, du free jazz et happenings ne pouvait trouver dans l'enregistrement un moyen adapté à leur expérience musicale. Le disque est en effet alors perçu comme la négation de l'expérience, de l'aléatoire et de l'accidentel.


Avant l'usage, avant le son, interroger  les dispositifs photographiques et phonographiques comment la succession des acteurs (fabricant, photographe) aboutit à une délégation du geste créatif.


À la recherche de Stella est une œuvre emblématique d'Alain Fleischer qui contient toutes les préoccupations littéraires et artistiques mais également peut-être les plus intimes de l’artiste.

L’œuvre est faite de ramifications, tirant son origine de l’image fixe, se présentant en une installation-projection, mouvements lumineux, et se poursuivant à travers l’écriture. Quatre livres complètent ainsi l’exposition - La nuit sans Stella, L’ascenseur, Immersion et La vision d’Avigdor, le marchand de Venise corrigé. L’installation repose sur une interactivité des plus rudimentaires. Une main, un miroir, un dispositif simple et efficace. Des centaines de visages de femmes, photographies égrenées sur les tombes des anciens cimetières juifs de Venise et de Rome, sont rassemblés en quelques diapositives. Leurs projections viennent se perdre dans les moirages d’une succession de voiles noirs suspendus. En pénétrant dans le lieu, le visiteur reçoit tout d’abord la lumière des projecteurs, puis muni d’un petit miroir, il la renvoie et éclaire les murs, la charpente, la toiture de l’ancienne bâtisse qui a gardé les stigmates du temps. Il tend alors la main vers un visage, comme pour le caresser, comme pour en recueillir son souffle. L’association du miroir avec le portrait photographique, renforce le caractère intemporel de la trace mémorielle, celle du souvenir individuel, du souvenir collectif.

 

Trace de la photographie ou trace phonographiques travaillent absence et présence comme dans La chambre Claire. Michael Snow dans Autorisation (1969) met en scène l’acte photographique. L’œuvre consiste en un miroir encadré sur lequel Snow a posé du ruban adhésif gris, qui forme un rectangle proportionné pour contenir quatre polaroïds. L’œuvre achevée en comprend cinq, le cinquième fixé dans le coin supérieur gauche. L’emploi du procédé polaroïd n’est pas une coïncidence. Avant la photographie numérique, le polaroïd est l’appareil photo des résultats quasi instantanés. La réalisation d’Autorisation est alors fonction de la capacité de Snow à voir l’image qu’il vient tout juste de prendre et à l’intégrer immédiatement dans l’œuvre. Alors qu’il procède par étape au remplissage du rectangle, l’appareil photo et son opérateur disparaissent dans l’œuvre en cours. Le polaroïd dans le coin supérieur gauche est l’image du rectangle rempli. L’effacement de l’homme et de la machine est virtuellement complet.

Autorisation, Michael Snow, 1969 Epreuves argentiques instantanées (Polaroïd 55) et ruban adhésif sur miroir dans un cadre de métal 54,5 x 44,5 Ottawa, Musée des Beaux-arts du Canada

Michel Chion dans Guide des objets sonores distingue le son, signal physique, le son indice (ce qui renvoie à quelque chose), le son signe (établissement d'un sens) et le son perçu pour lui-même, objet sonore et non plus comme le véhicule de la compréhension d'un signe. On peut en trouver un exemple dans l'oeuvre de Bertrand Lamarche. Au sein de l'exposition Phonogrammes, présentée à la galerie Paggi en 2015, Les souffles montre dans une vidéo le plan fixe d'un disque et de sa tête de lecture dont se dégage une bande blanche. Au lieu d’émettre de la musique, il fait naître une matière blanche.

Bertrand Lamarche - Les Souffles (The Breaths), 2015
video HD 16/9, 9'45, Galerie Jérôme Poggi, Paris. Collection FRAC PACA Marseille

 

Pierre Schaeffer déclare lors des Rencontres Internationales de la photographie d'Arles en 1979. "Avec le son il n'y a jamais instantané". Le son établit ainsi une durée avec les dispositifs de Sophie Calle. Cela se traduit aussi dans le travail d'Ugo Mulas sur l’exposition romaine Vitalità del Negativo en 1970. Il y a dans cette exposition, une pièce de Yannis Kounellis dans une grande salle blanche et vide : un pianiste vient jouer, deux fois par jour pendant les deux mois de l’exposition, la même phrase musicale de la fameuse cantilène « Va, pensiero » de Nabucco de Verdi. Pour rendre compte photographiquement d’une telle œuvre, pour conjuguer l’instantanéité intrinsèque (ou supposée telle) de la photographie avec la nécessité d’inscrire la durée de cette pièce dans le médium photographique, il réalise 36 clichés, répétition de la même image.

Ugo Mulas, Il tempo fotografico, A J. Kounellis, 1969, planche contact (Verifica n°3)

 

2 - La plastique du son au cinéma

Elle peut être politique, technologique ou romanesque. Mise en abîme de l'œuvre dans l'œuvre de Eisenstein, Bresson, Welles, Antonioni, Lynch, Alonzo qui réalisent i des films qui sont aussi à écouter.

Importance du silence chez Bergman, Antonioni et Bresson, le cinéma sonore a inventé le silence. Le chanteur de jazz qui inaugure le passage du muet au parlant est une histoire de transmission

1928 Eisenstein Alexandre Nevki manifeste point de vue orchestral. Décalage, non concordance. Le visuel et le sonore ne constituent pas un tout

Godard privilégie le parasitage, la fragmente de la durée. C'est l'activité sonore qui a mené David Lynch vers le cinéma : en entendant le vent qui fait vibrer la toile qu'il peignait. Son de type nécrophonie dans Eraserhead, utilisation virtuose dans Lost Higway.

Motif du magnétophone à bande dans : La femme à abattre (Raoul Walsh, 1951), Conversation secrète (Francis Ford Coppola, 1974) ou Blow out (Brian de Palma, 191)

Jean-Luc Lacuve, le 3avril 2014

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