Pour accompagner l'exposition de la Cinémathèque Française, du 23 mars au 18 avril, le magazine Trois Couleurs consacre un numéro spécial à Stanley Kubrick. Les 130 pages explorent sept thèmes : Influences, héritiers, projets avortés, portfolios, interviews exclusives, reportages, obsessions.

 

Le magazine s'organise en trois parties. Un tour général de l'œuvre par Clémentine Gallot, Juliette Reitzer et Laura Tuillier explicitant thèmes (guerre, chaos, dérèglement, le double) et motifs (figures du labyrinthe, du travelling, du flash-back) de Kubrick/ (29 pages).

Le portfolio aborde les influences de la photographie, des arts plastiques et des arts appliqués sur Kubrick (44 pages).

Nicolas Saada rapproche des photos des films de Kubrick d'une série de photos, Chicago city of contrast, publié dans Look magazine. Le premier cliché que vendit Kubrick au magazine Look représentait un marchand de journaux effondré à l'annonce du décès de Franklin Roosevelt. La rédactrice en chef décide d'embaucher le jeune New -Yorkais en free-lance. La collaboration durera cinq ans. Dans cette série, Nicolas Saada remarque l'ironie de Kubrick capable de se détacher du sujet qu'on lui demande, de jouer sur les détails pour changer le sens général d'une scène. Ainsi mis en rapport avec une photo d'un père culturiste entrainant son bébé, la musculation de Kirk Douglas apparait-elle comme un symbole un peu grotesque de la force physique dans Spartacus. L'attention à la spontanéité de la photographie qui le fait traquer le glamour dans le quotidien se retrouve dans Lolita où le désir est désacralisé et réinscrit dans l'aventure humaine, photos de boxe ou d'enfants qui renvoient au baiser du tuer ou à Shining, l'empathie avec les minorités;

Kubrick est influencé par les tableaux de Chardin, La Tour, Gainsborough, Hogarth, Zoffany, Watteau, Chadowiecki et de sa femme Christiane.

Mr and Mrs Andrews (Thomas Gainsborough, 1749)
Redmond Barry
   
Joseph charpentier (Georges de La Tour, 1640)
Barry Lyndon

Les arts appliqués : les créations de Hardy Amies pour 2001, proches des modèles d'André Courrèges en 1965. Celui-ci casse les courbes féminines encore célébrées dans les années 50 par le New Look de Christian Dior, travaille des matières inédites et opte pour un découpage très architecturé

La troisième partie comporte une visite à Childwicbury, un article de Julien Dupuis sur Kubrick au travail, d'Anastasia Levy sur les projets avortés. Parmi ceux-ci, le refus de Kubrick de tourner La vengeance aux deux visages proposé par Brando et que celui-ci tournera seul. Avant Barry Lyndon, Kubrick a du renoncer à son monumental Napoléon. Echecs successifs d'un script autour de la Shoah laissé à l'état d'ébauche avec le titre Aryan papers. Le projet sera définitivement abandonné lorsque Spielberg développe La liste de Schindler. C'est aussi Spielberg, son ami, qui terminera le scénario et tournera A. I. Intelligence artificielle.


Le magazine développe ensuite des articles sur les musiques des films de Kubrick (Wilfried Paris), sur les génériques, les pièces d'eau, le visage et surtout sur les influences cinématographiques et l'héritage esthétique de Kubrick (Laura Pertuy et Auréliano Tonet).

Kubrick s'est nourri de Bergman, Welles et Resnais. Se voient surtout dans ses films les influences d'Ophuls pour les travellings et les récits circulaires inspirés de Schnitzler, d'Eisenstein pour une esthétique proche du ciné-poing. Kubrick s'est servi du Basic training de Wiseman pour concevoir les séquences d'entrainement des marines de Full metal jacket.

David Lynch et Christopher Nolan apparaissent comme ses héritiers potentiels mais les travellings-avant de Gus van Sant dans Elephant trouvent ceux de Kubrick dans Shining comme précurseurs avec la même sensation de désorientation produite. Michael Haneke pour la dégradation, la misanthropie et la violence, Scorsese pour le traitement de la paranoïa, Christopher Nolan pour l'ambition graphique et l'univers mental, Darren Aronofsky pour le thème de la lutte du cerveau avec le corps doivent aussi certainement quelque chose à Kubrick.

 

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Stanley Kubrick, Eyes wide open
130 pages. 10 euros. Mars 2011.
magazine Trois couleurs