Un superbe hommage à Stanley Kubrick, l’un des grands visionnaires de notre époque, écrit par Michel Ciment, spécialiste français du cinéma et confident de trente ans du réalisateur. Stanley Kubrick, plus qu’aucun autre cinéaste contemporain, a su projeter sur les écrans l’imaginaire de notre temps. L’Ultime Razzia, Les Sentiers de la gloire, Lolita, Dr Folamour, 2001, l’Odyssée de l’espace, Orange mécanique, Barry Lyndon, Shining, Full Metal Jacket, Eyes Wide Shut, ses films ont attiré les foules, divisé la critique, stimulé ses confrères et les autres artistes.

Son cinéma se révèle unique dans sa diversité, ne se réduit à aucune formule, et Kubrick lui-même, malgré sa gloire, est resté jusqu’à sa mort un créateur secret et mystérieux.

Le livre comprend : un portrait du réalisateur et le récit de sa vie ; une étude sur ses rapports avec le fantastique et des réflexions sur sa création ; les témoignages de quatorze collaborateurs ; quatre entretiens avec l’auteur, d’autant plus précieux que le metteur en scène fut toujours réticent à commenter ses films ; 400 illustrations dont 150 en couleurs, souvent rares, voire inédites ; une importante section sur son œuvre ultime, EyesWide Shut ; une filmographie et une bibliographie complètes.

 

Sommaire, pagination et contenus reprennent à l'identique les versions de 1980 et 2004, respectivement des pages 1 à 222 et 1 à 248.

7 - Avant propos

8 - Onze films

30 - L'odyssée de Stanley Kubrick

46 - Mettre en scène

58 - Entre raison et passion, 20 réflexions sur une oeuvre

124 - Kubrick et le fantastique

148 - Entertiens avec Stanley Kubrick

198 - témoignages

226 - Full metal jacket : le douzième film

251 - Le chiffre 13 : Eyes wide shut

279 - Nouveaux témoignages

303 - In memoriam Stanley Kubrick

311 - Filmographie
317 - Bibliographie
322- Index

 

" Orange Mécanique parle des tentatives pour limiter le choix de l'homme entre le bien et le mal. (…) Une interprétation très intéressante en a été faite par Aaron Stern, président de la Motion Picture Association qui est aussi psychiatre. Selon lui, Alex, au début du film représente l'homme dans son état naturel. Lorsqu'on le "soigne" cela correspond psychologiquement au processus de la civilisation. La maladie qui s'ensuit est la névrose même de la civilisation qui est imposée à l'individu. Enfin la libération que ressent le public à la fin correspond à sa propre rupture avec la civilisation. Tout cela bien sûr opère à un niveau inconscient. Ce n'est pas ce que le film dit littéralement, mais cela fait partie de ces choses qui provoquent l'identification du spectateur avec Alex

(….) Le film joue sur deux niveaux. De la même façon que le contenu littéral d'un rêve n'est pas le sujet profond du rêve, de la même façon, le contenu littéral d'un film ne représente pas nécessairement ce à quoi vous réagissez dans le film. Au niveau conscient, Orange mécanique traite de l'immoralité qu'il y a à priver un homme de sa faculté de choisir librement entre le bien et le mal, même si cela est fait dans l'intention d'améliorer la société - disons pour réduire la vague de criminalité. D'autre part, il fait la satire de la tentative du gouvernement pour introduire des comportements psychologiques afin de restaurer l'ordre et la loi. Tout cela est relié à la volonté d'organiser scientifiquement la société. (...)

Le prêtre représente le point de vue moral du film. Vous devez faire très attention dans une satire, si l'un des personanges exprime ce que vous voulez dire. Il ne faut pas qu'on le reconnaisse comme quelqu'un de trop admirable (….)

La conclusion montre l'alliance entre le voyou et les autorités. Le gouvernement utilise désormais la violence des pires membres de la société pour ses propres fins : l'alliance avec Dim et Georgie qui sont devenus des policiers et bien sûr avec Alex. On doit voir la dernière scène dans son contexte satirique. "J'étais bel et bien guéri" ressemble ici au cri du Dr Folamour : "Mein Führer, je marche !" Et l'image d'Alex comme l'enfant nourri à la cuillère de cette société totalitaire et complètement corrompue fournit un comique au premier niveau et un excellent symbole. (…) Le ministre est de toute évidence un tory. Ce n'est pas un socialiste ( … ) Patrick Magee représente l'opposition d'extrême gauche ("radical"). Il dit que le peuple doit être mené, conduit poussé "le peuple vendra sa liberté pour uen vie plus facile" les voilà donc, les activistes d'extrême gauche. Ce n'est pas un libéral.
"

Se référant à Cocteau, Kubrick apprécie l'art moderne quand il arrive à étonner et non lorsqu'il est un simple décor bourgeois. Par ailleurs il ne peut que constater "l'échec de la culture dans le domaine mora". Les nazis écoutaient Beethoven. Certains d'entre eux étaient des gens très cultivés. Cela n'a changé en rien leur comportement moral".

Les trois premières séquences utilisent un travelling arrière qui part d'un gros plan et qui lentement découvre le décor. La scène avec les deux filles est filmée en accéléré pour montrer une rencontre sexuelle banale sans passion physique ni amour, la plupart des scènes d'action sont filmées caméra à la main (Georgie et Dim conduisant Alex dans le bois pour le rosser, la lutte avec la femem aux chats). L'essentiel du film est tourné en décor naturel sauf le Korova Milk bar, l'entrée de la salle de bain chez les Alexander et le vestiaire de la prison, construits dans une usine désaffectée

Variation par rapport au roman : Burgess a rajouté un chapitre supplémentaire à son livre (sous pression de l'éditeur ?) avec une fin optimiste. Kubrick a été scandalisé par cette fin et en est resté à la première version. Chez Burgess, l'action est davantage située dans le futur. Dans le livre, la femme aux chats est beaucoup plus âgée, ici elle remplit la même fonction, elle est très antipathique. Suppression de la séquence du meurtre dans la prison, le film étant déjà très long. Alex n'est plus un adolescent car impossible de trouver un acteur de 16 ans pour le rôle.

Stanley Kubrick, premier entretien avec Michel Ciment (p. 149-163).

 

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Kubrick
Editeur : Calmann-Levy (complète les éditions de 1980 et 2004). Février 2011. 336 pages au format 23 x 28. 43 €.
Michel Ciment