1952

Parmi les fonctionnaires de la ville de Pavie, au plus bas de l'échelle bureaucratique, il y a Carmine de Carmine, commis aux écritures, timide, zélé, pauvre jusqu'au dénuement. Ses vêtements usés, rapiécés le protègent si mal que, dans le froid des rues enneigées, il se réchauffe parfois au souffle des chevaux de trait.

Le maire rêve de siéger au sénat et, lorsqu'un archéologue de la ville découvre un morceau de marbre romain, il s'empresse de tout mettre en œuvre pour un projet pharaonique qui mettra la ville en valeur auprès des autorités du pays. Parce qu'il a séduit le maire par sa calligraphie et que l'ancien greffier est mort, Carmine se voit confier la tâche de transcrire les décisions de la journée, depuis les mots historiques prononcés sur le chantier de fouilles jusqu'aux délibérations du conseil municipal où le secrétaire générale fait passer en force les mesures que désire le maire. Carmine n'en croit pas ses oreilles de ces dépenses de 175 millions de lires qui se feront au détriment de l'hôpital et au prix d'une taxe supplémentaire auprès des habitants. Lorsque le maire lui demande de lire son compte-rendu, Carmine, dépassé, offre sa prose décousue et surréaliste. Il s'enfuit sous les huées.

Carmine est pris à parti par deux vieux solliciteurs dont l'un voudrait que l'on reconnaisse ses années de services militaires pour obtenir une pension. Depuis des années, personne ne prend le temps de lire ses requêtes. Carmine accepte lire le mémoire et regagne son appartement où les locataires lui ne veulent d'appartenir à la mairie qui va leur imposer cette nouvelle taxe de "splendeur de la ville". Ils le punissent en l'obligeant à rester dans le noir. Mais Carmine n'en a cure, il peut contempler à loisir la belle Caterina, sa voisine en déshabillé derrière la fenêtre d'en face, qu'il rêve de conquérir. Ce faisant, il taillade davantage encore le manteau qu'il s'apprêtait à rapiécer une nouvelle fois.

Carmine n'a alors plus d'autre choix que de porter son manteau chez le tailleur. Comme il est un vieux client (il n'est pas venu depuis quinze ans) il espère que le tailleur le réparera. Mais celui-ci refuse et s'emporte tant le manteau est délabré, usé, fini. Confectionner un manteau coutera 50 000 lires à Carmine, ce qui dépasse largement ses économies.

Pourtant, lorsqu'un soir il salue Caterina, celle-ci passe à côté de lui sans le voir et lui fait l'aumône. Carmine comprend alors dans quel état de délabrement il est tombé et court chez le tailleur commander son manteau.

Le secrétaire général veut le renvoyer pour faire des économies mais Carmine explique qu'il a entendu les hommes d'affaire de la ville s'entendre pour gagner de l'argent sur les contrats en cours de signature. Pour garder son avantage et contraindre Carmine au silence, le secrétaire consent à le garder encore et lui offre même une prime de productivité, 10 000 lires, qui permettent à Carmine, une fois ses économies retrouvées non sans peine dans son matelas, d'acheter le tissu de son manteau. Carmine découvre en voulant s'excuser auprès du maire que celui-ci à une maitresse mais il ignore qu'il s'agit de sa voisine, la belle Caterina. Il découvre aussi que Vittoria, la fille du maire, à un amoureux.

Le manteau de Carmine est bientôt prêt et fait l'admiration de tous. Le tailleur est tellement content de son ouvrage qu'il suit Carmine, félicité par tous pour son nouveau manteau. C'est justement le soir du réveillon et le secrétaire général convie tous ses employés chez lui pour une fête que le maire honorera de sa présence. Carmine y boit trop et, en défendant la demande du vieux militaire qui réclame sa pension, indispose le maire et le secrétaire général qui le chasse. Mais Carmine, attiré par la musique, revient pour danser avec Caterina, ce qui fait rire chacun et finit d'excéder encore davantage le maire.

En rentrant chez lui, Carmine doit emprunter le long pont Coperto mal éclairé. Il est bientôt poursuivi par un malfrat qui le frappe pour lui vole son manteau. À peine relevé carmine demande secours à un agent, un veilleur de nuit trop fatigué pour s'occuper de lui. Il erre la nuit dans le froid et ne semble pas pouvoir se faire entendre de la police.

Il tente de faire intervenir le maire et, de nombreuse fois vient remplir un formulaire. Un jour qu'il croit entendre le maire l'autoriser à entrer, il formule humblement sa demande d'une lettre de recommandation. Mais celui-ci, pour impressionner un de ses amis, rudoie et renvoie Carmine. Celui-ci, rentré seul chez lui, est assailli par des visions dues à la fièvre. Ses voisins appellent le médecin ; trop tard ; il est mort.

C'est le jour de gloire du maire. Son excellence est en visite dans Pavie toute décorée. Mais les haut-parleurs disposés par le secrétaire général font un écho pénible au discours du maire. Passe aussi un cheval titrant un corbillard, ce qui l'oblige à s'interrompre. C'est Carmine que l'on enterre. Le tailleur qui ne savait pas le sort de son pauvre client est le seul à se décider à accompagner le cercueil.

De curieux évènements se produisent ensuite en ville. Un fantôme semble arracher les boutons des costumes de tous les employés de la mairie. Le maire lui-même est sans cesse importuné par des voix, par des sonneries qu'il est le seul à entendre et doit quitter précipitamment Caterina. Sur le pont Coperto, il tombe sur le fantôme de Carmine. Effrayé, le maire promet de changer d'attitude, de lire les requêtes. Il fera bien car Carmine y veillera sans doute, du moins tant qu'il n'aura pas retrouvé son manteau qu'il continue de chercher sur tous les passants.

En déplaçant la nouvelle de Gogol, Le manteau, de Saint Pétersbourg en 1843 à Pavie en 1952, Lattuada opère aussi de subtils décalages qui font de son film un miraculeux point d'équilibre entre le néoréalisme de De Sica et la féérie magicienne de Fellini.

Akaki Akakievitch Bachmatchkine, petit fonctionnaire de Saint Pétersbourg, devient Carmine de Carmine, petit fonctionnaire de Pavie sous la neige. Pavie avait été peu montrée au cinéma et Lattuada utilise très bien le décor du pont Coperto, montré de jour comme de nuit. Chez Gogol, Akaki économise kopeck après kopeck, pour se procurer le vêtement, dont l'acquisition vire à l'obsession. Ici c'est une femme, comme bien souvent chez Lattuada, qui emporte sa décision. Le "personnage important" auquel Akaki demande secours n'intervient qu'une fois, à la fin de la nouvelle alors qu'ici le maire est la véritable tête de turc de Lattuada bien davantage que la bureaucratie.

Dans la nouvelle, le fantôme d'Akaki, après s'être vengé de ses collègues qui s'étaient moqué de lui durant la fête, attaque finalement "le personnage important" qui avait renvoyé si durement le petit fonctionnaire et lui vole son manteau. Ici encore, c'est moins le manteau et les collègues qui sont visés que l'attitude irresponsable des édiles locaux.

Le ton du film est, malgré sa fin malheureuse, bien plus burlesque, que celui de la nouvelle. Lattuada conserve la filature de Carmine par le tailleur, content de son ouvrage mais il ajoute aussi la surréaliste scène du discours du maire interrompu par l'enterrement de Carmine. Tout pareillement, la danse avec Caterina, qui est une farce chez Gogol, est ici emprunte d'étrangeté. La plantureuse Yvonne Sanson semble emporter avec elle dans les airs et avec bienveillance le petit Carmine (Renato Rascel) qui rêve d'elle. Dans ce jeu de massacre où des politiques irresponsables, des hommes d'affaire avides et des fonctionnaires incompétents spolient le peuple (Carmine regardant les solliciteurs grelotant dans la neige alors que la mairie est toute à ses agapes), les femmes semblent échapper à la corruption. Ainsi en est-il de Caterina mais aussi de Vittoria, la fille du maire.

 

Test du DVD

Editeur : Carlotta-Films. Septembre 2011. Nouveau master restauré haute définition. DVD 20 €.

Suppléments :

  • Le Manteau, au fil du temps 26’
  • Scènes alternatives 24’

 

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(Il cappotto). Avec : Renato Rascel (Carmine De Carmine), Giulio Stival (le maire), Yvonne Sanson (Caterina), Giulio Cali (le tailleur), Ettore Mattia (le secrétaire de mairie), Antonella Lualdi (Vittoria), Anna Carena (le logeur). 1h52.

Le manteau
Genre : Comédie sociale
dvd editions Montparnasse
Thème : Nicolas Gogol au cinéma