Ma mère

2003

Avec : Isabelle Huppert (Hélène), Louis Garrel (Pierre), Emma de Caunes (Hansi), Joana Preiss (Réa), Jean-Baptiste Montagut (Loulou), Dominique Reymond (Marthe), Olivier Rabourdin (Robert), Philippe Duclos (Le père),Susi Egetenmeier (la femme sur la dune). 1h50.

Une île envahie par les touristes en plein été. Une maison avec piscine et vue sur la mer. Pierre, dix-sept ans, voue un amour aveugle à sa mère, laquelle n'est pas prête à assumer ce qu'il projette sur elle. Le père part pour la France, et meurt suite à un accident.

Dès lors, refusant d'être aimée pour ce qu'elle n'est pas, Hélène, la mère, décide de rompre le mystère et de révéler sa vraie nature à son fils. Celle d'une femme pour qui l'immoralité est devenue une addiction. Pierre va demander à être initié par elle à la débauche et aller jusqu'au bout de jeux de plus en plus dangereux.

Hélène lui présente son amie Réa et l'emmene au Yumbo en se jouant de lui.Exalté Pierre cahsse Marthe, l'employée de maison qui s'est occupé de lui depusi tout petit et son mari Robert. Hélène décide de partir quelques jours en voyages et laisse son fils aux bons soins de la jeune Hansi. Pierre en tombe amoureux mais la rejette attendant une révélation plus puissante ou plus démoniaque. Hélène revient fatiquée de sa vie de débauche. Pierre la regarde sachant qu'il leur reste la voie de l'inceste. Pierre se masturbe devant sa mère étendue qui s'égorge brusquement.

A la morgue, Pierre se masturbe caché derriere le cadavre d'Hélène avant d'en être empeché par un infirmier. Il crie.

Honoré, féru de littérature, s'attaque ici à Bataille qui avec Blanchot est travaillé par le thème de l'irreprésentable, ce qui n'existe pas hors de la littérature. Honoré préfère se confronter à Ma mère, roman inachevé, comportant des trous narratifs plutôt qu'aux romans plus majestueux que sont Le milieu du ciel ou L'histoire de l'œil.

L'intéresse autant que la mère incestueuse, le fils qui cherche la révélation. Bataille c'est moins la belle écriture avec ses métaphores la beauté aveuglante, l'écriture blanche, limpide, éblouissante maniant l'aveuglement et la révélation Le film est ici ensoleillé et blanc le contraire de Dix-sept fois Cécile Cassard qui travaillait la pénombre du souvenir. ici si l'on n'est pas sur de voir ce qu'on voit, c'est parce que cela nous saute au visage.

Honoré travaille aussi la confrontation des niveaux de langue, les conflits dans la langue chers à Bataille en utilisant, pour les dialogues de la mère, le texte de Bataille et écrivant lui-même ceux des autres personnages.

L'influence de Bataille est majeure mais Honoré reconnaît aussi celles du théâtre de Sarah Kane, de Brett Eston Ellis, de Teal Mans, Nam Golding et Claude Levêque

Pour les scènes de sexe, il refuse à la fois le gros plan (impossible avec des acteurs reconnus) et le plan-séquence qui jouerait la carte de la réalité et serait bienvenu dans un film pornographique. Le montage est utilisé ici pour indiquer la distance prise par l'œuvre esthétique sur la réalité.

Loulou, masochiste, était une femme chez Bataille. Le transformer en garçon est une façon pour Honoré d'introduire le désir homosexuel au même niveau que le désir hétérosexuel. Avec sa passivité terrorisante, il semble échappé d'un livre de Denis Cooper.

Honoré ne souhaite pas replacer le film dans le contexte historique du livre en 1900. Le transplanter à Las Palmas aux Canaries de nos jours, c'est indiquer que, comme chez Bataille, ce que recherche le personnage ce n'est pas le plaisir. L'extase est le moyen d'atteindre autre chose, autre chose que ces plaisirs à vendre des Canaries

La mort est liée au rire incongru alors que la chanson pop de la fin - antinomique de L'Agnus dei de Samuel Barber- apporte une légèreté qui est loin de s'opposer à l'émotion. Pierre et sa mère n'auront pas réussi à être heureux ensemble. Etant entendu qu'être heureux importe peu alors qu'il est tragique de ne pas être ensemble.

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