Les coeurs du monde

1918

(Hearts of the World). Avec : Lillian Gish (Marie Stephenson), Robert Harron (Douglas), Kate Bruce (sa mère), Jack Cosgrave (son père). 1h57.

Dans un village français, à la veille de la première guerre mondiale, deux familles vivent en bon voisinage. Douglas, de l'une des familles aime Marie , la fille de l'autre famille. Alors qu'ils préparent leur mariage, la guerre est déclarée et le jeune homme, bien qu'étant Américain, décide de servir le pays dans lequel il vit et part au combat.

Pendant les affrontements, le village est bombardé et la famille du jeune homme est tuée. Von Storm, un officier allemand, violente Marie, qui parvient à lui échapper. Sur le champ de bataille, le garçon est sérieusement blessé ; il est soigné par la Croix-Rouge. Après son rétablissement, il pénètre dans le village déguisé en officier allemand et retrouve Marie, mais tous deux doivent tuer un officier allemand qui les a découverts. Von Storm trouve le corps, puis la cachette des deux fiancés, barricadés dans une pièce de l'auberge. Les Allemands tentent de forcer la porte alors que les Français arrivent pour libérer le village.

Auréolé de la gloire de Naissance d'une nation et Intolérance, Griffith fut tout naturellement appelé à participer à l'effort de guerre hollywoodien. Dans un premier temps rappelle Shlomo Sand : "deux millionnaires anglais commandèrent au célèbre réalisateur un grand film documentaire sur les combats afin d'amener l'opinion publique américaine à soutenir la participation des Etats-Unis à la guerre".

Les Etats-Unis entrèrent en guerre avant que Griffith n'ait eu le temps de tourner la moindre image. Il fut donc proposé au réalisateur un film de fiction "aux dimensions épiques sur le sujet, en l'assurant qu'il pourrait compter sur l'aide logistique de l'armée britannique".

Griffith tourna les séquences en France, près des lignes de front puis en grande Bretagne où il reconstitua la guerre, incorporant des images "réelles" dans son montage final.

Le film sort sur les écrans en mars 1918 où il souffre de la collusion brutale entre la vision romantique de la guerre de Griffith et la cruelle réalité de la guerre moderne. Le décalage entre les images reconstituées et les images réelles est apparu trop évident aux yeux des premiers spectateurs parmi lesquels figurait le président Wilson qui vit le film en projection privée. Dans les scènes de combat héroïques et esthétisantes, la cruauté de la guerre transparaît, de même que la lassitude des soldats. Il sembla au président Wilson qu'il ne s'agissait pas d'un film de propagande prompt à rallier les foules mais au contraire d'un film trop réaliste dont l'effet serait inverse. Griffith modifia le montage et adoucit le propos. Avec une campagne de promotion chauvine et agressive insistant toutefois sur l'aspect romantique de l'histoire, le film bouleversa les Américains (en particulier les moments ou Lilian Gish erre sur le champ de bataille) et remporta un triomphe. Ce fut le film de guerre le plus populaire de son temps.

 


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