Barton Fink

1991

Genre : Drame social
Thème : Hollywood

Avec : John Turturro (Barton Fink), John Goodman (Charlie Meadows / Karl 'Madman' Mundt), Judy Davis (Audrey Taylor), Michael Lerner (Jack Lipnick), John Mahoney (W.P. Mayhew), Tony Shalhoub (Ben Geisler), Jon Polito (Lou Breeze), Steve Buscemi (Chet). 1h56.

En cette année 1941, Barton Fink est un jeune dramaturge intello juif new-yorkais qui vient de connaître son premier succès. Sur les conseils de son agent, il accepte de se rendre à Hollywood pour écrire un scénario. A Los Angeles, Barton a réservé une chambre à l'hôtel Earle, plutôt miteux. Il fait la connaissance de Chet, son groom  étrange, et de Pete, son non moins étrange liftier. Au mur de sa petite chambre aux deux fenêtres donnant sur une façade d'immeuble, un portrait de femme regardant la mer.

Barton Fink rencontre Jack Lipnick, le producteur hollywoodien à la tête de Capitol Pictures  qui l'a engagé pour écrire une  histoire : ce sera celle d'un catcheur qu'interprétera Wallace Berry. Mais l'inspiration ne vient pas. Barton Fink se plaint du bruit chez son voisin et voit débarquer Charlie, bon gros stéréotype de l'homme de la rue, qui vient lui proposer son aide.

Barton tente aussi de trouver de l'aide auprès du grand écrivain W.P. Mayhew mais celui-ci est perpétuellement saoul. Sidéré, Barton comprend que c'est sa secrétaire très particulière, Audrey Taylor, qui écrit ses scénarios. Celle-ci vient dans sa chambre et ils font l'amour. Au réveil, Barton Fink, la retrouve assassinée à ses côtés. Il crie et Charlie Meadows vient à son secours. Il fait disparaitre le corps et lui annonce son départ tout en lui laissant une étrange boite entourée de papier kraft.

Barton Fink, sur ordre de Ben Geisler doit se rendre chez le producteur afin de lui raconté son histoire qu'il n'a pas même commencée. Jack Lipnick un temps méfiant lui fait une nouvelle fois confiance et lui baise les pieds. Baron Fink apprend des détectives Mastrionotti et Deutsch que Charlie Meadows est en réalité un dangereux assassin psychopathe, Karl 'Madman' Mundt. Désorienté, plus seul que jamais, Barton Fink parvient néanmoins a trouvé l'inspiration et rédige fiévreusement son scénario.

Les détectives Mastrionotti et Deutsch sont montés chez lui et ont découvert le matelas taché de sang et l'accusent de complicité de meurtre. Survient alors Karl 'Madman' Mundt, entouré de flammes, qui tue les détectives et disparait non sans avoir dit avoir rendu visite à l'oncle de Barton Fink.

Barton Fink s'inquiète de l'absence de réponse au téléphone de son oncle et est reçu par Jack Lipnick, devenu colonel de l'armée après l'attaque de Pearl Harbour, Jack Lipnick n'a pas aimé son scénario. Mais c'est Ben Geisler qui a été viré. Barton Fink est lui prisonnier des studios, condamné à ne pas être mis en scène tant qu'il n'aura pas changé de style. "Le ton Barton Fink peut se passer de Barton Fink" affirme Ben Geisler. Barton Fink erre sur la plage et y rencontre la femme du tableau de sa chambre. Hollywood est une grande prison à rêves stéréotypés.

 Barton Fink, intellectuel juif new yorkais aux idées progressistes écrit des pièces aux thèmes sociaux dont les protagonistes appartiennent au prolétariat. Avec un mélange de naïveté et de prétention, il espère importer son art et ses convictions politiques dans des fictions hollywoodiennes.

Le film caricature les clichés du cinéma à Hollywood : commandes absurdes (un film de catch pour un auteur aux prétentions sociales), ses scénaristes serviles (Lou) et ses producteurs hystériques (Lipstik)... Les frères Coen font directement allusion à des personnages ayant existé : Barton Fink serait Clifford Odets, le scénariste du Grand couteau ; l'écrivain démoli par l'alcool est sans doute William Faulkner ; le producteur tyrannique est un mélange de Darryl F. Zanuck et Samuel Goldwyn. Le contexte, la montée du nazisme, sert de contrepoint à cette apocalypse artistique.

Mais Hollywood fonctionne comme un piège à plus vaste échelle. Coupé de ses racines, l'écrivain n'est plus confronté qu'à une chambre vide et s'invente de quoi se distraire.

"Pour un jour ou pour la vie", telle est la devise de l'hôtel Earle dans lequel il est descendu. L’espace et le temps s’y distordent. Le premier plan voit Barton Fink filmé en plongée, tout petit ; la sonnette résonne de façon interminable ; le groom apparait par une porte s'ouvrant sur le sol et répète trois fois son nom, Chet. Le couloir du 6e est démesurément long, le papier peint qui se décolle fait apparaitre une colle étrange. Tout ce qui se passe dans sa chambre est ainsi pure invention de l'esprit de Fink qui expérimente un scénario de film noir puis de film fantastique.

Amorcé par un plan étrange, presque surréaliste, d'un rocher sur la plage sur lequel les vagues viennent s'écraser, l'aventure se clôt par le même plan suivi de la courte séquence de la femme au tableau vue sur la plage. Piégé à Hollywood, Fink est comme dans ce tableau illusoire. Il porte la mystérieuse boite de Karl 'Madman' Mundt qui a remplacé la machine à écrire avec laquelle il était venu et qui contient vraisemblablement d'imaginaires têtes coupées.

L'œuvre fait sensation à Cannes où le jury présidé par Roman Polanski, lui attribue la Palme d'or, le Prix de la mise en scène et, pour John Turturro, le Prix d'interprétation masculine. Le règlement de Cannes changera ensuite pour interdire de tels cumuls des prix. Le film obtient aussi trois citations aux Oscars, attirent l'attention du producteur Joel Silver, qui propose de financer Le grand saut.

 

Jean-Luc Lacuve le 24/05/2015