Une femme sous influence

1974

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(A woman under the influence). Avec : Gena Rowlands (Mabel Longhetti), Peter Falk (Nick Longhetti), Fred Draper (George Mortensen), Lady Rowlands (Martha Mortensen), Katherine Cassavetes (Margaret Longhetti), Matthew Laborteaux (Angelo Longhetti), Matthew Cassel (Tony Longhetti), Christina Grisanti (Maria Longhetti), Eddie Shaw (Zepp , le médecin de famille). 2h35.

Contremaître sur les chantiers, Nick est submergé de travail et ne peut rentrer chez lui pour la nuit. Après avoir laissé ses enfants à sa mère, Mabel, la femme de Nick est déprimée. Elle se saoule et, dans une demi conscience, ramène un homme à la maison.

Le lendemain matin, Nick débarque avec toute son équipe d'ouvriers. Mabel leur prépare des spaghettis et tente d'être gentille avec tout le monde. Mais ses efforts dégénèrent en scène de ménage avec Nick. Plus tard elle organise une petite fête pour ses enfants et leurs amis. Le goûter tourne à l'affrontement entre Nick et un voisin récalcitrant aux excentricités de Mabel.

Au terme d'une longue scène où elle perd pied face à la mère de Nick et à Zepp , le médecin de famille, Mabel est finalement internée à l'hôpital psychiatrique.

Six mois plus tard, elle revient chez elle et retrouve sa famille, père et mère y compris. Gênée, elle leur demande de partir. Restée seule avec son mari et ses enfants, elle tente de se suicider. Après un apaisement, Nick et Mabel couchent les enfants et se retrouvent enfin tous les deux.

Cassavetes ne filme pas un plan pour l'intégrer dans une histoire mais chacun d'eux, vital, explore avec le maximum d'intensité les rapports de couple perturbés entre un homme et une femme. Il exclut les questions de morale, ne cherche pas de faux-fuyants dans le social ni dans une construction savante. Par vagues successives, Cassavetes s'approche d'une vérité fuyante et changeante.

Jamais poli ou convenu, le film a pour personnage central une femme de quarante ans, impulsive et sans inhibition mais aussi fragile psychologiquement, trop aimable, trop proche des gens qu'elle gêne par la demande d'intimité qu'elle provoque. Nick l'affirme : "Mabel est fragile et sensible. Mabel n'est pas cinglée, elle est différente". Elle déprime un soir que son mari rentre trop tard du travail, n'arrive pas à se reprendre puis perd pieds. : "Tu étais gêné et tu as fait l'idiot. Tu sais qu'il s'agit de nous et tu vas avec eux dehors, alors qu'on devrait être dedans".

Le suspens repose sur l'impossibilité de prévoir ce qui va arriver aux personnages dans ce moment où une vie bascule.

Le film est constitué de neuf grandes séquences dont les six premières se déroulent en moins de vingt-quatre heures. La première séquence est un montage alterné entre Nick, qui ne peut pas rentrer, et Mabel écoutant de l'opéra qui attend son mari, de plus en plus saoule. Dès le coup de téléphone sur le chantier, la tension est palpable avec le rapprochement de la caméra sur Nick, inquiet d'entendre Mabel qui ne semble pas réagir au report de la soirée qu'ils avaient prévue ensemble. Une musique de piano introduit la séquence suivante. Mabel se sent maintenant seule, elle sort dans un bar et ramène un homme à la maison. La troisième séquence a lieu à cinq heures du matin. Mabel se réveille. L'homme s'en va. Il est sept heures dans la séquence quatre : Mabel s'est douchée et s'inquiète de ses enfants, Nick revient avec les ouvriers et Mabel leur prépare un plat de spaghetti. Le couple se dispute et se réconcilie en rangeant la maison et en se mettant au lit sur une musique d'opéra. Il est neuf heures du matin dans la séquence cinq : les enfants et la grand-mère passent à la maison. Le chemin de l'école permet dispute et réconciliation. Dans la séquence six, il est 16 heures. Mabel attend le bus et insulte les passantes, son fils aîné lui dit qu'elle est intelligente, jolie et nerveuse. Alors qu'arrivent les enfants Jensen avec leur père, Nick s'inquiète au téléphone. Le père Jensen récupère ses enfants. Nick et sa mère arrivent, surprenne la fillette nue. Nick gifle sa femme, se bat avec Jensen, appelle le docteur et dit à sa femme qu'elle va être enfermée. Mabel donne à son mari cinq arguments pour qu'il ne le fasse pas : l'amour, l'amitié, le confort, une bonne mère, "je t'appartiens mais perd pied". Il s'est passé 24 heures depuis le début du film.

Les deux séquences suivantes ont lieu après l'internement de Mabel et sans elle. Dans la séquence sept, Nick est sur son chantier en début d'après midi. Dans la séquence huit, Nick vient chercher ses enfants à l'école pour les amener à la mer. La neuvième et dernière séquence raconte le retour de Mabel après six mois de repos. L'accueil de la famille trop lourd et comme chargé de reproches est bien près de conduire au drame mais le couple reforme une intimité idyllique et centrale basée sur un amour qui n'appartient qu'à eux. Nick ferme le rideau sur leur couple retrouvé, simplement.

Jean-Luc Lacuve, 2002

Test du DVD

Editeur : Océan, décembre 2008. 7 DVD-5Films : Shadows, Faces, Une femme sous influence, Meurtre d'un bookmaker Chinois, et Opening night

Suppléments : entretiens inédits avec ses plus proches collaborateurs (Gena Rowlands, Peter Falk, Ben Gazzara, Seymour Cassel, Al Ruban, Lea Goldoni...), des interviews sonores réalisées par les critiques et historiens du cinéma Michel Ciment et Machael Henry Wilson (150 mn), le documentaire inédit "Anithing for John" réalisé par Doug Headline et Dominique Cazenave.