Viridiana

1961

Avec : Silvia Pinal (Viridiana), Francisco Rabal (Jorge), Fernando Rey (Don Jaime), José Calvo (Beggar), Margarita Lozano (Ramona), José Manuel Martín (mendiant), Victoria Zinny (Lucia). 1h30.

Viridiana, juste avant sa prise de voile, obéit aux ordres de la mère supérieure du couvent qui exige qu'elle aille rendre visite à son bienfaiteur et oncle Don Jaime. Le vieil homme vit seul dans son domaine depuis la mort de sa femme, survenue au cours de leur nuit de noce. Troublé par la ressemblance de Viridiana avec sa femme, Don Jaime veut la garder auprès de lui. Don Jaime, avec la complicité de sa servante Ramona, endort Viridiana et tente d'abuser d'elle pendant son sommeil.

Ebranlée par la nouvelle, Viridiana quitte les lieux. Sur le chemin du retour, elle apprend le suicide de son oncle et revient sur ses pas. Elle décide de consacrer sa vie aux pauvres et aux mendiants qu'elle héberge dans l'annexe de son domaine, ce qui provoque l'ironie de Jorge, le fils de Don jaime.

Pendant l'absence de leurs maîtres, les mendiants envahissent le château et font la fête. L'un d'eux tente de violer Viridiana. Secouée par ces événements, s'estimant peu récompensée de son dévouement, elle rejoint Jorge et Ramona, devenue sa maîtresse, en vue d'une partie de cartes.

Le film rassemble plusieurs éléments appartenant à la symbolique religieuse : le destin d'une novice, le couteau crucifix et la couronne d'épine. Ces trois éléments sont pervertis par leur réutilisation sur un plan sexuel : Viridiana est une vierge qui suscite le désir et subit deux tentatives de viol, le couteau crucifix s'ouvre dans les mains de Jorge lorsqu'il pense à Viridiana, la couronne d'épines, symbole du chemin de croix de Viridiana, est jetée dans le feu lorsqu'elle renonce à la vie religieuse pour tenter de séduire Jorge.

La religion chrétienne n'est pourtant pas la cible de Bunuel. Elle est un élément parmi d'autres du désir d'idéalisation de la réalité que Bunuel combat. La religion chrétienne fascine Bunuel tout comme la musique et la peinture qui sont aussi deux autres tentatives d'idéalisation du réel qu'il admire mais dont il se moque. La musique est la passion de Don Jaime qui vit retiré et la peinture intervient deux fois. Une première fois lorsqu'un mendiant peint Viridiana en Marie, mère de Dieu. Une seconde fois dans le célèbre plan des clochards parodiant la Cène de Vinci.

La Cène (Leonard de Vinci , 1497)
parodiée le temps d'une "photo"

Plus qu'une critique de la volonté d'idéalisation, le message du film serait plutôt d'ironiser sur la difficulté d'y échapper. Viridiana veut faire le bien mais n'aboutit qu'à dégrader un peu plus les clochards. Jorge critique cette attitude et se permet de donner des leçons d'amoralisme. Il s'aveugle pourtant en croyant sauver un chien de la marche forcée sous une calèche alors que c'est le sort commun de ces animaux comme le prouve le plan suivant. La démarche de Bunuel est plus lucide. Il reconnaît la valeur de la symbolique religieuse, de la musique et de la peinture mais il les confronte à la férocité du réel.

La valeur du film réside en effet dans le subtil équilibre entre le raffinement des scènes bourgeoises où le désir est tenu en laisse par l'idéal et les scènes carnavalesques chez les mendiants où le désir n'a plus de simulacres ("Pour rester, vous devez vous discipliner, être humble" demande Viridiana au clochard qui lui répond : "Si c'est ça, je m'en vais.")

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