L'héritière

1949

Voir : photogrammes du film
Genre : Mélodrame

The Heiress). Avec : Olivia de Havilland (Catherine Sloper), Montgomery Clift (Morris Townsend), Ralph Richardson (Dr. Austin Sloper), Miriam Hopkins (Lavinia Penniman). 1h15.

A la fin du siècle dernier, Catherine Sloper, une jeune fille maladroite, timide et sans grâce, vit dans une rutilante demeure de Washington Square, le "beau quartier" de New York, en compagnie de son père, Austin, veuf et richissime. Austin vit dans le souvenir de la beauté rayonnante de sa femme disparue et méprise sa fille qui ne sait que broder, s'occuper aux taches ménagère et incapable de porter avec grâce les robes de sa mère. Il confie à sa belle-soeur, Lavina, le soin d'initier un peu sa fille au monde.

Un soir, au cours d'un bal, Catherine fait la connaissance de Morris Townsend, un jeune homme séduisant qui demande à la revoir. Accueilli de plus en plus favorablement par Catherine, Townsend devient un habitué de la riche maison des Sloper. Mais le père, d'une méfiance maladive, ne tarde pas à l'accuser d'être un coureur de dot et lui refuse catégoriquement la main de Catherine.

Pour le lui faire oublier, il emmène sa fille faire un long voyage en Europe. A son retour, Catherine, toujours éperdument amoureuse, décide d'épouser Morris contre la volonté de son père, quitte à se contenter des 10 000 dollars de rente annuelle contre les 30 000 s'il la déshérite. Mais le jeune homme ne répond pas à son appel et disparaît.

Dix ans ont passé. Le père de Catherine est mort, laissant sa fortune à sa fille unique. C'est le moment que choisit Townsend pour réapparaître. Il se fait pardonner son long silence, prétextant habilement qu'il ne voulait pas que la jeune femme risque d'être déshéritée par sa faute. Mais cette fois, Catherine, qui ne croit plus à l'amour le repousse.

Ce film obtient un oscar pour Olivia de Havilland et un oscar pour la musique de Aaron Copland. Il permit aussi à William Wyler après le succès des Plus belles années de notre vie (1946), d'obtenir un excellent accueil en Europe. La critique lança même alors ce cri "A bas Ford, vive Wyler" qui finit par se retourner contre Wyler.

Alors nullement inféodé à un studio et bénéficiant du privilège du final cut, Wyler expérimente. Il a le même chef opérateur que Welles et se préoccupe tout autant du plan-séquence, des hauteurs de plafond et de la profondeur de champ.

On remarquera ainsi la mise en valeur des accessoires de la broderie, symbole de la terne Catherine et des gants, symboles du goût du luxe de Morris. Ces deux accessoires viennent à plusieurs reprises au premier plan ou à l'arrière plan, vus distinctement dans la profondeur de champ.

On remarquera aussi deux très beaux fondus-enchainés : celui du plan sur la main de Catherine superposant ses doigts au gant de Morris disparaissant au profit du plan du père sur ces même gants symboles pour lui de la duplicité de Morris ; celui du frêle espoir du vent agitant le rideau disparaissant au profit de Catherine attachée à sa valise.

Adaptant une pièce de théâtre de Ruth et Augustus Goetz d'après le roman de Henry James, Washington square, Wyler tire les décors vers un sentiment légèrement gothique avec l'atmosphère mortifère de la maison, les verticales oppressantes et les respirations obtenues par de rares extérieurs et l'ouverture des fenêtres.

Sa mise en scène joue aussi beaucoup de la confrontation de différents types de jeu des acteurs : Ralph Richardson, acteur shakespearien dans le rôle du père possède une raideur asphyxiante, Olivia de Havilland renonce au glamour pour un jeu très expressif, Montgomery Clift apporte une nouvelle manière de jouer que reprendront bientôt Marlon Brando et James Dean. Il sous-joue et cette économie contribue à l'opacité du personnage que rien ne viendra dissiper. Un quatrième pôle enfin est fourni par l'hyper émotivité de la veille tante.

Test du DVD

Editeur : Carlotta-Films, mai 2009. Film : 1h51. Nouveau master restauré, version originale, sous-titres français. 20 euros.

Supplément :

  • Préface de Christian Viviani, Maître de conférences à l’université Paris I et critique à Positif. (0h12)