As bestas

2022

Genre : Drame social

Avec : Marina Foïs (Olga Denis), Denis Ménochet (Antoine Denis), Luis Zahera (Xan Anta), Diego Anido (Lorenzo Anta), Marie Colomb (Marie Denis). 2h17.

Antoine et Olga deux quadragénaires français ont rompu avec leur vie antérieure pour s’installer, par dans un village de Galice perdu dans les montagnes, afin d’y mener une agriculture écoresponsable. Ils restaurent aussi gratuitement les masures délabrées du voisinage dans l’espoir de faire revenir de jeunes actifs. Certains apprécient leur travail comme Pepino et sa femme. Ce n’est pas le cas de leurs plus proches voisins, Xan et Lorenzo Anta, de petits paysans locaux frustrés qui vivent encore avec leur mère et par une vie de labeur qui ne leur rapporte presque rien. Ils en veulent à Antoine qui a refusé l’installation d’un champ d’éoliennes par une multinationale.

Xan suivi par Lorenzo, devenu légèrement idiot depuis une chute de cheval, exerce auprès des hommes du village une violence verbale qu’il utilise pour humilier Antoine à chaque fois qu'il vient au café. Progressivement ils s'enhardissent et, une nuit, jettent des batteries dans la réserve d’eau d’Antoine. Quand Olga découvre les tomates pourries par le plomb c'est trop tard. Face à cette récolte perdue, la gendarmerie réagit de nouveau mollement aux doléances envers ses voisins qu’Antoine a déjà exprimées. Il décide de les filmer avec sa petite caméra pour recueillir des preuves de leurs malversations. Mais Xan le découvre ce qui exacerbe sa haine.

Antoine vient au café tenter de faire la paix avec Xan en lui expliquant qu'il a eu la révélation de cette terre plus jeune dans un voyage qu’il faisait alors et que cette terre il la considère comme la sienne au même titre que lui. Mais cette explication poétique ne fait que renforcer le sentiment d'infériorité de Xan. Un jour alors qu'Antoine se promène en forêt avec son chien, ils commettent l’irréparable et l’étouffent en le plaquant au sol sur le chemin.

Un an plus tard, Olga tient seule l’exploitation en se reconvertissant dans le maraîchage de choux et l’élevage de chèvres le matin et les recherche du corps d’Antoine l’après-midi. Sa fille, Marie, lui rend visite et tente vainement de la sortir de ce qu'elle considère comme une prison intérieure et une vaine fidélité posthume à son mari.

Un jour pourtant, Olga découvre la caméra qu'Antoine avait disposée le jour de sa mort pour filmer son agression. Les données sont effacées mais c'tes une pièce à conviction qui contraint la police une enquête poussée qui conduit à la découverte du corps ; Olga qui s'était réconciliée avec la mère de Xan pourra continuer le rêve qui fut le sien et celui de son mari.

Ode à la fidélité à ses rêves, en dépit des difficultés majeures qui peuvent surgir. Elles sont moins de nature écologiques qu'humaine. Les bobos reconvertis doivent affronter les laissés-pour-compte du pouvoir économique, ceux qui n’ont rien et qui pour une bouchée de pain sont prêts à tuer leur voisin.

Le conflit s’est enkysté a propos de  l’installation d’éoliennes sur les hauteurs du village. Antoine et Olga ont fait basculer le vote du côté du refus. Xan et Lorenzo font, quant à eux, partie de ces paysans paupérisés et aigris qui n’attendent que les dédommagements financiers de l’opération pour quitter le village. Leur animosité à l’égard de deux étrangers qui militent pour le bien commun et le repeuplement du village est une vraie lutte des classes. As bestas s'ouvre sur une scène très forte : des hommes au corps-à-corps avec des chevaux sauvages (bestas en galicien). Comme une métaphore du combat à venir entre les montagnards galiciens et ces deux Français installés sur leurs terres. Mais pour les plus frustrés, l’arme est celle de la xénophobie débridée, de la haine pure, de la volonté pure et simple de détruire. En face Antoine utilise vainement la technologie rationnelle, sa caméra, alors qu’Olga se refuse jusqu’a bout à la haine et la violence.

Le film prend pour point de départ celui des Chiens de paille (Sam Peckinpah, 1971) et son affrontement entre néo ruraux intellectuels et locaux frustrés mais il s’en éloigne fortement par sa fin lumineuse : le sourire d'Olga bstinée, rayonnante, sure d'elle-même.

Jean-Luc Lacuve, le 6 août 2022.