Les proscrits

1918

Genre : Mélodrame

(Berg-Ejvind och hans hustru). Avec : Victor Sjöström (Kari), Edith Erastoff (Halla), John Ekman (Arnes), Nils Arehn (Le bailli). 1h30.

Vers 1850, en Islande un étranger surprend dans les montagnes du nord, Arnes, un journalier, en train de voler la laine de deux montons égarés appartenant au bailli du village. Kari, l'étranger n'a cependant pas l'intention de dénoncer Arnes. Celui-ci le conduit chez Halla, une veuve, qui tient l'autre domaine important du village. Il y fait immédiatement preuve de sa force en portant une lourde malle dans le cagibi donnant au-dessus du bureau de Halla. U regard suffit pour qu'ils tombent amoureux. Halla l'engage comme journalier ce qui n'est pas du goût du bailli, son beau-frère. Celui-ci lui propose crûment de l'épouser pour posséder à eux deux le plus grand domaine de la région. Celle-ci lui rit au nez lui rappelant qu'il la traita de servante tout juste bonne pour la bagatelle lorsque son frère voulu l'épouser.

Durant l'été, Kari gagne la confiance des gens du domaine et l'amour d'une servante mais n'a d'yeux que pour Halla qui, de son coté, va jusqu'à lui offrir une couverture pour son lit. Un dimanche à la messe alors que Kari n'est occupé qu'à apercevoir Halla, il est reconnu par un habitant du sud de l'île qui s'en vient trouver le bailli pour lui dire à l'oreille une nouvelle qui rempli d'espoir l'amant éconduit.

Arnes, qui a assisté à la scène, prévient Kari qu'il a un ennemi. Kari s'isole alors de la fête organisée par Halla. Mais celle-ci, toute pleine de son amour, annonce à toute sa maisonnée qu'elle fait de Kari le gérant de sa ferme. Les hourras ont à peine cessé que le bailli s'en vient annoncer à Halla que Kari est un voleur en fuite. Celle-ci refuse de le croire, assemble toute sa maison pour fustiger les déclarations mensongères du bailli et organise un combat à mains nues entre lui et Kari. Le bailli refuse mais devant les ricanements de la foule finit par accepter un combat qui le voit rouler à terre.

Halla voudrait croire à l'innocence de Kari. Celui-ci lui raconte alors l'histoire de son ami Ejvind. Ejvind était le fils aîné d'une nombreuse famille qui n'avait pas de quoi se nourrir. Un soir où les enfants criaient famine il alla chez le prêtre dans l'espoir de ramener un peu de nourriture contre des travaux à effectuer. Mais le riche prêtre se montra sourd à sa demande. En repartant, Ejvind aperçu les moutons dans la bergerie et, pensant que la neige effacerait ses pas, en vola un. Le lendemain, il était arrêté car il avait oublié ses gants dans la bergerie. On l'accusa de plusieurs vols et il fut condamné à dix ans de prison. Sa force lui permit de casser les barreaux de sa cellule et il s'évada pour vivre comme un proscrit dans la montagne. Halla comprend que Kari est Ejvind mais retrouve force lorsque celui-ci lui déclare son amour.

Le bailli revient accompagné des forces de l'ordre pour emprisonner Kari. Halla le cache à grand peine. Ils décident de fuir dans la montagne et de vivre comme des proscrits. Cinq ans se sont passé, ils vivent heureux et ont un enfant. Arnes arrive un jour et pendant deux ans ils vont vivre ensemble. Mais Arnes finit par désirer Halla et il est à deux doigts de laisser Kari tomber dans un ravin pour profiter de celle qu'il désire. Il finit par lui avouer son amour mais quand celle-ci lui déclare qu'elle a tout donné à son mari, il décide de s'en aller se livrer au bailli car il ne supporte pas plus le couple que la solitude.

Mais le bailli est sur les traces de Kari et Halla et il s'en vient les arrêter. De désespoir, celle-ci jette son enfant du haut de la falaise le laissant se noyer dans le torrent. Mais Kari est le plus fort et il tue le bailli. Les deux amants s'enfuient plus haut dans la montagne.

Ils sont maintenant très vieux et coincés sans nourriture dans une cabane balayée par le blizzard. Kari s'imagine devant un festin, Halla lui interdit de parler de nourriture. La faim leur fait prononcer des paroles blessantes. Halla ne voit bientôt plus qu'une mort commune pour enterrer dignement leur amour. Kari refuse au nom de la bible et s 'en va chercher du bois. A son retour, il découvre la cabane déserte. Halla s'en est allé rejoindre son enfant. Il fait quelques pas dans la neige et s'endort une dernière fois à côté d'elle. Un plan de nature apaisée et un dernier carton pour dire que la nature leur a pardonné.

Sjöström s'éloigne complètement des influences théâtrales de la pièce dont le film est tiré. Il construit une œuvre ample et lyrique, naturaliste et poétique, entièrement tournée dans les paysages âpres de la Laponie. Au milieu du XIX l'Islande est ne colonie danoise mais les exactions commises alors laisseront un très mauvais souvenir aux islandais. Rien d'islandais dans ce mélodrame donc puisqu'un premier carton indique que le caractère de Halla, décidé, ferme et enflammé est typiquement danois.

Sjostrom n'abuse pas ici des transparences qui feront la gloire surfaite de La charrette fantôme. L'enfant noyé dans le torrent appelant sa mère sur le point de mourir est l'une des images très fortes de ce film qui en comporte de nombreuses : repas dans la source d'eau chaude, baignade dans le torrent, Halla fumant la pipe près de son enfant, la famille d'Ejvind mourant de faim dans la cabane... Et pas question de happy-end dans ce sombre mélodrame.