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L'inspecteur Harry

1971

Voir : photogrammes du film
Genre : Film noir
Thème : San Francisco

(Dirty Harry). Avec : Clint Eastwood (Harry Callahan), Harry Guardino (lieutenant Al Bressler), Reni Santoni (l'inspecteur Chico Gonzalez), John Vernon (Le maire), Andrew Robinson (Scorpio). 1h42.

San Francisco. Une femme est tuée dans sa piscine par un tireur perché sur un toit. La police reçoit un message émanant d'un certain Scorpio, qui menace de tuer une personne par jour, à commencer par un prêtre ou un Noir, tant qu'une rançon de 100 000 dollars ne lui aura pas été remise.

L'inspecteur Harry Callahan, auquel est confiée l'affaire, désapprouve la décision du maire de verser la rançon. Efficace, Harry est connu pour ses méthodes expéditives. En allant déjeuner dans un snack, il remarque ainsi une voiture louche en stationnement. Il alerte la police mais doit intervenir avant de terminer son sandwich, les braqueurs sortants armés de la banque. Harry abat deux gangsters et en blesse un troisième qu'il dissuade avec une cruelle ironie de se servir de son arme.

Blessé à la jambe, Harry se fait soigner dans un hôpital par un chirurgien ami, un ancien de la 33e. Son supérieur, le lieutenant Al Bressler lui impose Chico Gonzales, un jeune mexicain comme second. Les toits de la ville sont surveillés. Un hélicoptère repère Scorpio alors qu'il allait abattre un jeune noir de la communauté gay près de l'église Saint Pierre et saint Paul.

Le soir, Harry et Chico patrouillent dans le quartier chaud de la plage nord, à la recherche d'un homme avec une valise marron. Chico en repère un mais il ne s'agissait que d'un homme ramenant des habits pour sa femme. En les observant, Harry est pris à parti par les voisins qui le rouent de coups avant que n'intervienne Chico. Harry est ensuite appelé pour un cas de suicide. Il sauve l'homme en l'insultant : celui-ci du haut de l'immeuble se jette sur lui, grimpé par l'échelle de pompier. Harry n'a plus qu'à le sonner d'un coup de poing avant de le redescendre, inconscient, au sol.

Au matin, Harry et Chico sont appelés par la radio de la voiture : on a découvert le cadavre d'un jeune noir de dix ans abattu du haut d'un toit par la même arme que la jeune femme de la piscine. Le soir, la police a tendu un piège à Scorpio en laissant le quartier de la plage nord libre de surveillance. Harry et Chico surveillent l'église saint Pierre et saint Paul où un prêtre a accepté de servir d'appât. Scorpio est au rendez-vous. Harry, malgré sa carabine, un gros magnum 453 et l'assistance de Chico, ne parvient pas à toucher Scorpio qui, armé d'une mitrailleuse, les canarde joyeusement. Scorpio s'enfuit et tue le sergent Collins.

Le lendemain un nouveau message parvient à la police, dans lequel Scorpio réclame 200 000 dollars, en échange de la vie d'une jeune fille de quatorze ans, Ann Mary Deacon, dont il a fait parvenir une dent, une mèche et son soutien-gorge. Il l'a, dit-il, enterrée vivante et elle ne dispose que d'une très faible réserve d'oxygène. Si, à trois heures du matin, il n'est pas en possession de l'argent, la fille mourra.

Harry, muni d'un sac jaune, se rend au rendez-vous fixé par le tueur qui lui fait suivre, par téléphone, un itinéraire tourmenté, avant de l'agresser. Harry est sauvé par Chico, qui est à son tour blessé, mais Harry parvient à planter un couteau dans la cuisse du tueur, avant de perdre connaissance. Un médecin remet Harry sur la piste de Scorpio : il est venu se faire soigner en urgence de sa jambe blessé. Le médecin se souvient que le blessé habite dans la cabane du gardien du stade Kezar tout proche. Harry saute par-dessus le grillage et poursuit Scorpio jusque sur la pelouse du stade désert. Scorpio hurle qu'il veut un médecin et un avocat. Harry lui tire une balle dans la jambe et appuie sur ses blessures afin de lui faire avouer où se trouve Ann Mary Deacon. Tard dans la nuit, près du pont du golden gate, on découvre le corps sans vie de la jeune fille que Scorpio avait sans doute tuée avant même le début de la poursuite.

Le lendemain, le procureur annonce à Harry qu'il ne peut que relâcher Scorpio. Ses méthodes d'investigation ont rendu nulles les preuves qu'il pourrait présenter dans un procès.

Harry traque alors Scorpio sur ses heures libres. Scorpio paie un noir sadique pour le tabasser et déclare publiquement que ses blessures sont dues à Callahan. Celui-ci est déchargé de l'affaire par le chef de la police. Il rend visite à Chico à l'hôpital qui décide de renoncer au métier pour l'enseignement.

Les prévisions d'Harry quant au goût du mal inscrit dans Scorpio s'avèrent exactes. Scorpio s'attaque à un commerçant, s'empare d'un car de transport scolaire et exige une rançon et un avion à sa disposition. Harry parvient à sauter sur le toit du véhicule. La conductrice perd le contrôle en s'engageant vers le boulevard Drake. Harry poursuit Scorpio dans une usine de gravats. Le tueur prend un enfant en otage. Harry prend le risque de tirer et l'enfant s'enfuit alors que Scorpio git à terre. Harry lui propose le même jeu qu'avec le braqueur de la banque. Cette fois, son arme n'était pas vide et, alors que Scorpio se saisit de son arme qu'il avait lâchée, Harry le tue. Callahan observe une dernière fois son étoile de policier de San Francisco et la jette dans la mare où flotte le tueur.

Dans son pré-générique, le film s'annonce comme un hommage à la police de San Francisco, à tous ceux qui, au cours des différentes décennies, sont morts pour protéger les habitants. A l'étoile gravée dans le marbre au début répondra l'étoile lancée dans la mare du tueur par Callahan. Ce geste pose une question simple : la police d'aujourd'hui est-elle en phase avec la criminalité de son époque ? Que Don Siegel et Eastwood répondent par la négative n'en fait pas pour autant des partisans de l'autodéfense ou du temps jadis.

Une police inadaptée à la noirceur du mal contemporain

La police a évolué pour être sous la coupe du maire et de la justice, ce qui en réduit l'efficacité. Le maire pense avant tout à protéger ses concitoyens dans une optique de court terme. En acceptant de payer la rançon, qui évitera des meurtres dans les prochains jours, le maire encourage la criminalité. Il espère, à tort, qu'une demande de délai au travers d'un message personnel à paraitre dans le San Francisco chronicle fera patienter le tueur. Il sous-estime la jouissance du mal inscrite dans le tueur. La justice en n'acceptant pas des preuves obtenues de manière illégales remet en liberté des assassins. Le procureur refuse d'engager un demi-million de dollars, argent du contribuable, pour un procès perdu d'avance. Le juge Bannerman de la cour d'appel, confirme que la fouille chez le suspect, illégale sans mandat de perquisition, fait que le fusil découvert devient une preuve inadmissible devant un tribunal.

Les méthodes de Callahan sont moins subtiles et se donnent volontiers comme grossières. Il utilise les armes capables des plus gros dégâts, un magnum 44 comme revolver et un magnum 453 comme carabine. On lui reproche d'avoir tué dans le quartier de Philmore, il y a un an, un tueur pour une tentative de viol qui n'avait pas encore eu lieu. Mais Callahan n'a aucune illusion. Il sait que Mary Ann est probablement morte. Ses anciens coéquipiers sont, pour l'un, tué et l'autre a une balle dans le ventre. L'exemple qu'il montre conduit Chico à abandonner le métier. La femme de celui-ci reconnait avoir pesé sur la décision de son mari. Callahan convient que sa femme non plus ne s'était pas habituée à son métier. Depuis qu'elle a été accidentellement tuée par un ivrogne, un soir en voiture, il continue son métier sans trop bien savoir pourquoi.

Dirty Harry pour le dirty San Francisco

Callahan est surnommé Dirty Harry car, première explication donnée par un collègue, il déteste tout le monde, ne montre aucune préférence, ou alors, seconde hypothèse défendue par lui-même puis par Chico, parce qu'on lui laisse faire tous les sales boulots. Une troisième hypothèse, envisagée un moment par Chico, serait son goût pour des pratiques sexuelles réprouvées, notamment le voyeurisme. Mais ni l'observation du couple amateur de lingeries fines ni l'observation aux jumelles de la fille adepte de l'échangisme ne semblent l'intéresser. Au contraire, Callahan songe, ironiquement mais sans y croire, qu'il lui faudrait sans doute évoluer avec son temps.

Callahan est un personnage solitaire qui ne vie plus que par son métier, et encore assez mal. Blessé, il ne veut pas sacrifier son pantalon qui lui a couté 25 dollars. Il s'accommode d'être un inspecteur anonyme, le N° 71, et de résoudre des "804 en progrès" (suicide), d'être appelé pour un "10-29" ou "10-28" (effraction de voiture) et n'intervient qu'en cas de nécessité dans un "2-11" (cambriolage de banque).

Le montage entre Harry et Scorpio, reprenant leurs esprits après leur lutte dans le parc, est tout autant alterné (le poursuivant parviendra-t-il à tuer le poursuivi ou celui-ci s'échappera-t-il ?) que parallèle (évoquant l'idée que tout deux souffrent au-delà du raisonnable : le couteau pour l'un, la croix en contreplongée pour l'autre). Autre preuve de proximité, Callahan aime jouer avec les tueurs, risquant leur vie comme la sienne dans cette sorte de la roulette russe consistant à savoir s'il reste encore une balle dans le revolver.

Ce film, avec French connection (William Friedkin, 1971), Les flics ne dorment pas la nuit (Richard Fleischer, 1972), The offence (Sidney Lumet, 1973) et Serpico (Sidney Lumet, 1973), amorce au début des années 70 un renouveau du film noir marqué par la contamination du mal dont sont victimes les policiers dans l'exercice de leur métier

Dirty Harry sera un personnage appelé à revivre dans quatre autres films tous tournés par un metteur en scène différent. Ce sera d'abord Magnum Force (Ted Post, 1973) puis L'Inspecteur ne renonce jamais (The Enforcer, James Fargo, 1976), Le Retour de l'inspecteur Harry (Sudden Impact, Clint Eastwood, 1983) et enfin La dernière cible (Buddy Van Horn, 1988).

San Francisco quand même

Reste la beauté de San Francisco depuis le panorama du haut des toits au début ou la poursuite démarrée à la Marina green sur le quartier de la plage nord et poursuivie par la gare de métro de Forest hills, le wagon K du métro, le parc aquatique et Davidson park.

Le célèbre pont du golden gate, entraperçu dans le lointain au début, fait l'objet d'une belle séquence silencieuse et mortuaire lorsque le corps de Mary Ann est retrouvé.

Don Siegel par les deux immenses travellings-arrière (celui finissant par cadrer le tueur en haut du toit à partir de la piscine vue en gros plan et celui s'éloignant jusque dans les cieux noirs lorsque Callahan torture Scorpio) signifient ce qu'a, d'échappant à toute rationalité, la violence du monde contemporain.

Jean-Luc Lacuve le 17/08/2011.

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