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La mort de Louis XIV

2016

Hors compétition Avec : Jean-Pierre Léaud (Louis XIV), Patrick d'Assumçao (Fagon), Marc Susini (Blouin), Irène Silvagni (Mme de Maintenon), Bernard Belin (Mareschal), Jacques Henric (Le Tellier), Olivier Cadiot (Médecin de la faculté), Vicenç Altaió i Morral (Brun). 1h55.

Août 1715. Le roi dans son fauteuil roulant est promené dans son jardin au milieu des fleurs au soleil couchant. Le soir, le roi ne peut rejoindre ses hôtes qui le prient pourtant de venir se joindre à eux. Il a la joie de voir ses deux lévriers auxquels il donne à manger et qui le lèchent. Le lendemain au lever on s'inquiète de la santé du roi. Il se nourrit pourtant de vin et de gâteaux ce qui rassure tout le monde. Mais sa nuit est agitée. Il réclame de l'eau dans un verre de cristal à son valet. Louis XIV se plaint le lendemain d’une douleur à la jambe gauche. Son médecin, Fagon, constate la fièvre et diagnostique une sciatique. En passant une collection d'yeux médicinaux sur le front du roi, il prescrit des pansements et des onguents. Georges Mareschal, premier chirurgien du roi, ne s'inquiète pas outre mesure.

Le roi travaille en dépit de ses douleurs mais ne peut prendre une décision concernant les pierres à choisir pour les fortifications d'une forteresse. Il veut assister au conseil des ministres mais la douleur est trop grande et il doit renoncer. Ses nuits sont agitées, il se nourrit de moins en moins et paraît affaibli.

M. Blouin, premier valet de chambre de Louis XIV, a peur que la maladie ne devienne très sérieuse. Il suggère à Fagon de faire venir les plus habiles médecins de la faculté de Paris. Fagon, nourri des pièces de Molière, est méfiant vis à vis des médecins de la faculté. Il accepte néanmoins la consultation collective de quatre docteurs. Ces derniers confirment son diagnostic alors même que la fièvre consume le Roi et que sa jambe présente des tâches noires. Le traitement, complété par des lavements fréquents, reste donc sans effet. Le jour même, il se confesse au père Le Tellier qui ne quittera plus son chevet.

Le 25 août, jour de la fête de Saint Louis, il est heureux d'entendre le concert de tambours, hautbois et violons donné sous ses fenêtres. Pour préparer son testament, il fait bruler les documents de son père et du coffre doré en présence de Mme de Maintenon. Le Roi demande à recevoir l’extrême-onction du Cardinal de Rohan, mais le renvoie se sentant mieux.

Louis XIV fait ses dernières recommandations son arrière-petit-fils, le Dauphin et futur Roi Louis XV en lui préconisant de ne pas imiter son goût pour les bâtiments coûteux, de soulager la misère du peuple et de vivre en paix avec ses voisins.

Un charlatan un marseillais du nom de Brun se propose de sauver la vie du Roi, avec quelques gouttes de ce qu’il présente comme un élixir "fabriqué avec le corps d’un animal". Son remède semble faire effet. Le roi mange de nouveau un biscuit avec du vin.

Mais la gangrène a de nouveau progressé et l’état du Roi empire. Fagon obtient du roi la tête de Brun. Le Roi sombre dans un semi-coma. L’enflure de la gangrène est montée jusqu’à la hanche et sa jambe gauche est complètement noire. Le père jésuite Michel Le Tellier lui administre l'extrême-onction.

Le 1er septembre, le roi meurt à huit heures et quart du matin. Son corps est autopsié par Georges Mareschal, notamment ses entrailles qui seront portées à la Cathédrale de Notre-Dame. Fagon avoue ignorer d'où est venue la gangrène du roi. "Nous essaierons de faire mieux la prochaine fois" dit-il.

La mort de Louis XIV est un huis-clos qui se déroule, excepté deux plans, exclusivement dans la chambre du Roi. L’agonie de Louis XIV commence le 10 août 1715 et dure jusqu’au 1er septembre. Ces trois semaines d’enfermement pendant lesquelles Louis XIV voit défiler courtisans, ecclésiastes et ministres devant son lit de mort sont l’objet et le temps du film. Le film est l’histoire d’un homme qui se prépare à perdre la vie, dans la douleur et le quotidien, même s’il est Roi. Serra s'appuie sur deux ouvrages à la fois littéraires et historiques : les Mémoires de Saint-Simon et les Mémoires du Marquis de Dangeau. Ces deux courtisans ont assisté aux derniers jours de Louis XIV et ont voulu décrire, consigner, collectionner presque, chacun des moments du Roi mourant.

Serra reste en grande partie fidèle à ces annotations mais ne retranscrit pas la parole la plus célèbre de Louis XIV à son petit-fils : "Je m’en vais, mais l’État demeurera toujours". De même, il n'est pas fait allusion au fait que Louis XIV refusa l'amputation. Ici rien de glorieux. La solitude se fait autour du roi. Ni le glorieux duc de Noailles ni madame de Maintenon, restée à saint Cyr, ne s'empressent de le rejoindre. Le Cardinal de Rohan et Brun, le charlatan au verbiage charmeur, font une courte apparition. Mais les scènes se resserrent autour des seuls personnages qui ne partagent qu'une seule préoccupation : la guérison du roi. Il y a là, Fagon, médecin du roi, Georges Mareschal, premier chirurgien du roi, Le père jésuite Michel Le Tellier, M. Blouin, premier valet de chambre, et le médecin de la faculté de Paris. Habillés de noir et de blanc, dans la pénombre autour du corps, petit, du roi, ils évoquent La leçon d'anatomie du docteur Nicolaes Tulp (Rembrandt, 1632). On est ainsi bien loin de Louis XIV en costume de sacre (Hyacinthe Rigaud, 1701). Fugitivement est vu le Louis XIV en 1661 (Charles Le Brun, 1662) alors que Serra semble s'être inspiré davantage de La mort de Louis XIV au château de Versailles (Thomas Jones Henry Barker, 1840) et du Portrait en buste de Louis XIV (Antoine Benoist, 1705)

Louis XIV en costume de sacre
(Hyacinthe Rigaud, 1701)
Louis XIV en 1661
(Charles Le Brun, 1662)
La mort de Louis XIV au château de Versailles
(Thomas Jones Henry Barker, 1840)
Portrait en buste de Louis XIV
(Antoine Benoist, 1705)

Louis XIV est magistralement incarné par Jean-Pierre Léaud, lui-même monarque au passé glorieux de cinéma. On guette avec inquiétude les frémissements de sa joue ou le tremblement de sa main, puis magnifique l'affirmation de son autorité lorsque Louis XIV croyant reprendre ses forces, il regarde avec intensité le spectateur sur le Kyrie eleison de la messe en si mineur de Mozart.

Fagon, tout pareillement, regarde le spectateur en espérant faire mieux la prochaine fois. Il est bien certain que c'est ici Serra qui fait mieux pour Jean-Pierre Léaud en le ressuscitant au cinéma.

Jean-Luc Lacuve le 2/11/2016.

 

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