Heimat, une chronique allemande

1984

(Heimat - Eine deutsche Chronik). Avec : Marita Breuer (Maria Simon), Dieter Schaad (Paul Simon), Gertrud Bredel (Katharina Simon), Michael Lesch (Paul), Rüdiger Weigang (Eduard Simon), Eva Maria Bayerwaltes (Pauline Simon). 11 épisodes (de 52' à 146') pour la télévision allemande diffusés entre le 16 septembre et le 4 novembre 1984. 15h40.

Le 9 mai 1919, un vendredi. Paul Simon revint de la Grande Guerre. En six jours, partant de la France, il avait regagné le Hunsrück à pied.

1. Fernweh (La nostalgie du vaste monde)

A Schabbach, Paul retrouve son père, Mathias, maréchal ferrant, sa mère, Katharina, son frère Eduard, fragile des poumons et reformé, et sa sœur, Pauline. Tous les voisins accourent aux nouvelles. Wilfried Wiegand, le maire et plus gros propriétaire de la région, a une moto depuis quinze jours qui attise l'envie de ses concitoyens. Paul, fatigué, mélange rêve et réalité : voit son ami Helmut, mort sur le front russe, et Glasisch son ami attient maintenant d'eczéma. L'un fut fiancé à Apollonia alors que l'autre lui court vainement après. Mais tout le village déteste celle qu'ils nomment "fille de bohémiens".

1921. Paul est passionné par la confection de postes de radio. L'inflation galopante ne lui permet pas d'acheter ce qu'il veut

1923. La police, appelée par Glasisch qui soupçonne Apollonia d'avoir enseveli son enfant on découvre la moto de Weygand dans la fosse à purin de l'aubergiste Anton Jakob. Eduard a trouvé u système pour découvrir les stèles des monuments aux morts inaugurés en nombre dans la région avec la rancœur déversée contre l'humiliant traité de Versailles;

L'été à Baldenau, durant un pique nique, Paul réussit à capter la grand-messe de Cologne. Amoureux d'Apollonia mais ayant refusé de s'enfuir avec elle pour continuer sa passion pour sa radio. Paul accepta l'amour de Maria. Les saisons passent. Eduard s'affirme comme photographe. Avec ses amis, il entretient la haine des français et des juifs. Pauline aime l'horloger de Simmern, Kroeber

Maria est enceinte et Katharina commence à perdre la tête; obsédée par les bacilles infectant le doigt de Pauline. Un aviateur américain atterrit en panne d'essence. Il emmène Paul en avion qui exige un atterrissage car il croit voir Apollonia. Paul et Maria ont deux enfants : Anton et Ernst

1927. Gustav croit avoir trouvé de l'or. Ce n'est que de l'oxyde de cuivre

1928. Paul découvre une femme nue, morte dans la forêt. Une martre tue 0els poules. Paul dépose un piège. Un jour, il dit "Je vais boire une bière" et disparait. Les recherches de la police restent vaines.

2. Die Mitte der Welt (Le milieu du monde)

1929. Glasisch feuillète l'album photo. Pauline à épousé l'horloger de Simmern, Robert Kroeber. La martre est prise au piège. Alors qu'ils cueillent les myrtilles, les villageois retrouvent les vêtements de la morte découverte dans les bois. La police n'a pas retrouvé Paul ; il a émigré à New York. A Ellis Island, il rencontre un allemand névrosé. Cette année là, Mathias vend le pré de la rivière d'or. Avec cet argent Eduard ira à Berlin pour guérir ses poumons.

1932. Une française romantique, touriste à cheval, se perd dans la région. Eduard rente dans un sympathique bordel et y fait connaissance de patronne, Lucie, qu'il séduit immédiatement. Mais en exagérant sa fortune. La montée du nazisme semble réjouir tout le monde notamment Pauline et son mari qui profitent de la croissance économique retrouvée.

1933. Eduard et Lucie, qui se sont mariés et Pauline et Kroeber rendent visite, le même dimanche, à leurs parents à Schabbach. On fête pour la première fois l'anniversaire du Führer. Maria et Katharina, dissuadent Anton d'entrer dans les jeunesses hitlériennes. En revanche Wiegand a envoyé son fils Wilfried à Berlin faire carrière dans la SS et Lucie a poussé Eduard à entrer au parti pour qu'il réussisse; il devient maire du village. Wiegand a trois autos dans sa cour et le téléphone est arrivé au village

3.Weihnacht wie noch nie (Un Noël extraordinaire)

1934. Eduard explique que le paysan qui possède sa ferme et sa terre, aura ses dettes auprès des juifs faites sous le régime de Weimar sont annulées. Hans, le fils du vannier qui n'a plus qu'un œil, est fasciné par l'alignement des poteaux télégraphiques et apprend d'un surveillant de prisonniers que son infirmité en fait un tireur d'élite né. Gustav et Lucie sont amis du gauleiter. Lucie va faire construire une villa à 52 fenêtres, un rêve d'enfant. Eduard décide de former Hans pour devenir tireur d'élite

Décembre 1935. Lucie se sent aussi vide que sa grande maison où se fête l'extraordinaire Noël. Wilfried est revenu de Berlin et annonce la venue de hauts dignitaires nazis, Rosenberg, Frick et Ley. Lucie s'en réjouie mais ils ne passent que trois heures chez elle. Elle aimerait une catastrophe pour se mettra en avant.

4.Reichshöhenstraße (Sur les routes du Reich)

1938. Maria va au cinéma à Simmern avec Pauline. Elles sont émues par Zarah Leander. Une nouvelle route du haut Hunsrueck devant relier Coblence est menée par l'ingénieur de l'organisation Todt, Wohlleben. Il deveint amoureux de Maria qui l'aime à son tour.


5.Auf und davon und zurück - 1938/1939
6.Heimatfront - 1943


7.L'amour des soldats. (Die Liebe der Soldaten). 1944
A l'hiver 1944, Otto mobilisé comme démineur, profitte d'une mission dans le haut Hunsrueck pour retrouver Maria et faire la connaissance de son fils. Les amants apssent la nuit à se souvenir de leurs amours passées et de la façon dont Otto vait du fuir quand Maraia avit reçu une letter de Paul lui annoncant son retour. Le elndemain, Otto doit enlever le détonateur d'une bombe. Elle explose et le tue.


8.Der Amerikaner - 1945-1947

La paix revenue dans un pays en ruines, Paul qui a fait fortune aux Etats-Unis, retrouve sa région natale, où sa limousine avec chauffeur, son Steson et ses poches bourrées de dollars font forte impression. Mais les retrouvailles avec sa femme, Maria, abandonnée dix-sept ans plus tôt sont glaciales.


9.Hermännchen (Petit Hermann) 1955/56
Devenu Lycéen, le jeune Hermann tombe amoureux d'une domestique plsu âgée que lui.


10. Die stolzen Jahre (Les fières années) 1967-1969
11. Das Fest der Lebenden und der Toten (La fête des vivants et des morts) 1982

Heimat fut l'un des grands succès des années 1980. Et pas seulement en Allemagne. En France, ils furent ainsi des millions à suivre sur TF1 (alors chaîne publique) cette chronique fleuve en noir et blanc et quelques taches puis plans de couleur de Schabbach, village imaginaire du Hunsrück (Rhénanie-Palatinat), province allemande entre Rhin et Moselle, entre 1919 et 1982, à travers l'histoire d'une famille, les Simon.

L'engouement des téléspectateurs fut tel que Reitz tourna plusieurs suites et variations, au cinéma et à la télévision avant de tourner un long prologue en 2013.

En remontant à 1919 et au retour de Paul Simon, jeune prisonnier de guerre, à Schabbach, Reitz montrent que la nazisme prend sa source dans l'humiliation du traité d Versailles et la crise économique. Le film sera cependant critiqué pour n'avoir évoqué la Shoah qu'en filigrane, et sera même accusé de banaliser le nazisme. Reitz rappellera à juste titre, en mars 2006, interviewé dans Zurban, qu'"Heimat n'est pas un panorama historique, et mon but n'est pas de remplacer le travail de l'école (...). Dans Heimat, nous sommes aussi aveugles que les gens de l'époque. Après coup, nous savons toutes les horreurs qui se sont produites. Mais la guerre au quotidien ne se passe jamais comme dans les livres d'histoire. »

Financé par la WDR (la télévision de Cologne), mais conçu d'emblée par Edgar Reitz comme un film d'un seul tenant, Heimat a réclamé cinq ans et quatre mois de travail. Situé par son inventeur « à l'exact milieu de la ligne Paris-Berlin, l'axe fondamental de la création de l'Europe » Schabbach est la synthèse de cinq villages où Edgar Reitz a apssé son enfance.

Le film est présenté dans son intégralité à la Mostra de Venise, y reçoit le Prix de la critique internationale, puis sort en salles pendant l'automne 1984. « A mon grand étonnement, les quinze heures quarante de projection n'ont pas été vraiment un obstacle. Pour un forfait de 40 DM (soit un peu moins de 22 euros), le public avait droit à l'entrée et aux repas. La séance commençait le samedi à 14h et se terminait le dimanche à 7h par un petit déjeuner », raconte Reitz à Télé 7 Jours en janvier 1987.

La diffusion télé, sur ARD, n'arrive qu'après. Le succès est immédiat : dix millions d'Allemands en moyenne se rassemblent devant leurs postes deux fois par semaine pour traverser le siècle avec Paul Simon, puis, après son départ clandestin pour l'Amérique, avec son épouse Maria , née en 1900, qui devient le pivot de Heimat et ne nous quitte qu'à sa mort, dans le dernier épisode.

Le film fait la couverture du Spiegel et suscite des torrents de lettres et de témoignages. Dans cette RFA en proie au doute, qui n'ose toujours pas se retourner sur son histoire, et qui, secouée par de virulentes campagnes pacifistes et écologiques, voit se profiler l'avenir avec inquiétude, le travail de mémoire engagé par Reitz tombe à pic. « Heimat, c'est aussi cela : la reprise en compte du passé, l'occasion offerte à l'Allemagne de retrouver d'où elle vient, par où elle est passée. Très exactement, un travail psychanalytique : dire ce qui est tu, le refoulé, par honte d'abord, par habitude ensuite. Faire sauter la chape de silence qui névrose non pas un individu mais un peuple tout entier », analyse alors Jean-Michel Frodon dans Le Point.

Mais Heimat ne parle pas qu'aux Allemands. Les 24 et 25 novembre 1984, le marathon filmique est projeté au Théâtre des Amandiers de Nanterre, à l'initiative de Patrice Chéreau. Le succès critique et public aidant, TF1, qui fait encore partie du service public, propose Heimat tous les vendredis soirs, de janvier à avril 1987, en version doublée et redécoupée en quinze épisodes de 55 minutes (Arte le rediffusera en 1992 en V.O. sous-titrée et dans le découpage d'origine). La même année, BBC2 fait la même chose, mais sur onze soirées consécutives. Le film fait un tabac dans toute l'Europe. Comme si les spectateurs pressentaient que le destin de cette famille de paysans, observé de très près, loin des lieux où se prennent les grandes décisions qui changent le cours de l'histoire, n'avait rien de particulièrement exceptionnel. Et qu'ils pouvaient, eux aussi, y reconnaître celui de leurs aïeux.