Bacurau

2019

Genre : Drame social

Coréalisé avec Juliano Dornelles. Avec : Sônia Braga (Domingas), Udo Kier (Michael), Barbara Colen (Teresa), Thomas Aquino (Pacote/Acacio), Silvero Pereira (Lunga) Thardelly Lima (Tony Jr.), Rubens S. Santos (Erivaldo), Wilson Rabelo (Plinio). 2h11.

Dans un futur proche… Teresa profite du trajet d'un camion-citerne pour rentrer chez elle à Bacurau, un village du sertão semi-aride du Brésil, pour assister aux funérailles de sa grand-mère. Le camion-citerne écrase des cercueils tombés sur la route suite à un accident et les quelques voitures qui passent par là s'emparent de ceux qui ne sont pas détruits. Le camion-citerne est celui du village qui y apporte de l'eau car une compagnie privée à bloqué les vannes d'un barrage pour son seul profit. Lunga à la tête d'un petit groupe de révoltés a tenté de prendre d'assaut le barrage mais a causé des morts inutiles et est maintenant rejeté par la communauté même si personne n'est prêt à le trahir auprès du gouvernement qui a mais sa tête à prix.

Teresa arrive à temps pour l'enterrement de la matriarche Carmelita, qui s’est éteinte à 94 ans. Seule, la doctoresse Domingas, qui a soigné sa douleur en buvant trop, vient un temps perturber la fête. Les autres habitants ont avalé le psychotrope local et conduisent en grande cérémonie Carmelita à sa dernière demeure.

Teresa retrouve son amant, Pacote, et découvre que le gouvernement corrompu a complètement abandonné le village. Ainsi quand Tony Jr. vient avec quelques cadeaux dérisoires faire sa campagne électorale, personne n'est là pour l'écouter

Plinio, le père de Teresa et l'instituteur du village, découvre sur les tablettes de ses élèves que Bacurau a disparu de Google earth. Le camion-citerne revient criblé de balles et dans la nuit les chevaux de la ferme voisine déambulent dans la rue. Au matin, deux villageois décident de se rendre dans la ferme. Ils découvrent que tous les occupants ont été assassinés... 

Dans Bacurau, ce village qui porte le nom d’un oiseau de nuit, se trouve un musée qui rappelle la révolte des habitants contre l'oppression des grands propriétaires terriens un siècle plus tôt. Cette révolte menée par des bandits d'honneur, les cangaceiros, Glauber Rocha en avait donné une représentation inoubliable avec son Antonio das Mortes. Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles ont cherché une vision plus planétaire de l'oppression capitaliste contemporaine. Ce sont les fascistes du sud du Brésil (les motards), les politiques locaux (Tony Jr), les fascistes américains (Michael et sa bande) et pour finir une probable multinationale qui leur donne des ordres qui se liguent pour briser la société utopique du petit village.

Le film a été pensé huit ans avant l'arrivée de Bolsonaro au pouvoir, c'est dire combien les réalisateurs ont été attentifs à la montée de la violence et des collusions politiques qui ont abouti à son élection. Le "ce n'est qu'un début" qui clôt le film en guise d'avertissement reste néanmoins hélas prophétique

Les forces fascistes ont pour armes des médicaments périmés, des fanatiques sans cervelle et un drone de surveillance. Les habitants ont leur psychotrope magique, sorte de potion que n'aurait pas renié le druide Panoramix. Ils ont aussi leur mémoire, les Cangaceiros, dont Lunga est une incarnation possible. Il est seulement peut-être un peu dommageable que, sur la longueur, le film emprunte moins aux Sept samouraïs qu'aux films de genre qui s'amusent de la violence plus qu'ils ne la dénoncent.

Jean-Luc Lacuve, le 25 septembre 2019