La chronique des pauvres amants

1954

Genre : Drame social

(Cronache di poveri amanti), d'après Vasco Pratolini. Avec : Gabriele Tinti (Mario Parigi), Eva Vanicek (Bianca Quagliotti), Anna-Maria Ferrero (Gesuina), Cosetta Greco (Elisa), Antonella Lualdi (Milena), Marcello Mastroianni (Ugo), Bruno Berellini (Carlino Bencini), Irene Cefaro (Clara), Adolfo Consolini (Maciste), Giuliano Montaldo (Alfredo Campolmi). 1h47.

1925 à Florence. Le fascisme achève d'imposer sa terreur. Mario, ouvrier typographe, arrive dans la grouillante Via del Corno, passage étroit et court entre le Palazzo Vecchio et le Complesso di San Firenze. Il loge chez le forgeron Corrodo, surnommé Maciste. Son amie, Bianca, habite en effet en face.

Au sein du petit monde pittoresque de la rue, Ugo, marchand des quatre-saisons, ne cache pas ses idées antifascistes. Alfredo et Milena, jeunes mariés qui veulent installer leur épicerie, sont venus demander une aide financière à une riche impotente qui se fait appeler " Madame". Le cordonnier Staderini colporte les grandes et les petites nouvelles. Nanni en liberté provisoire et Elisa, la jolie prostituée, prennent pension à l'hôtel Gervia. Carlino, comptable et fasciste, rentre souvent au petit matin.

Pour avoir refusé de l'argent à Carlino, l'épicier Alfredo est roué de coups par deux nervis. Ugo, prévenu de l'imminence d'une "nuit de l'apocalypse", réussit à rejoindre Maciste. Sillonnant les rues désertes à bord de leur side-car, ils foncent vers les demeures d'hommes politiques menacés d'assassinat. Ils sauvent l'un d'entre eux, mais arrivent trop tard chez un député qui vient d'être exécuté. Les fascistes tuent et incendient Trahis par un domestique, Ugo et Maciste sont rejoints par les tueurs. Maciste est abattu sur les marches d'une église où se sont réfugiés Mario et Milena. Ugo demande asile à "Madame", mais est chassé dès que celle-ci surprend un baiser échangé avec sa servante Gesuina.

Alfredo, sur le point de mourir, comprend l'amour qui lie désormais Milena et Mario. A l'annonce de l'arrestation de Mario et d'Ugo, le cordonnier renverse son étal. Lorsque Carlino traverse la rue, les regards se détournent de lui. On apprendra que Mario a pu s'évader et que Milena l'a rejoint en France.

En 1955, Carlo Lizzani définit le néoréalisme de "Mouvement général d'un groupe d'artistes vers la découverte humaine et spirituelle de notre pays". L'idée de découverte du pays, de cinéma miroir provient directement du marxisme. Pour le critique, le néo-réalisme ne constitue pas l'acte de naissance du cinéma italien. Il est lié à l'évolution du pays et du cinéma ; c'est une réponse au cinéma mussolinien. Les précurseurs sont deux cinéastes : Alessandro Blasetti (1900) et Mario Camerini (1895-1981) et deux revues "Il bianco et negro" et "cinema". Elles ont lancé le mot d'ordre du néo-réalisme : "il faut descendre dans la rue."

En 1950, la censure italienne fit avorter un premier projet d'adaptation cinématographique que devait réaliser Luchino Visconti. Carlo Lizzani contourne l'opposition des grands producteurs en recourant à une coopérative de spectateurs et en mettant en scène "un roman chorale où s'enchevêtrent, au hasard des jours, les histoires et les drames de la Via del Corno". Il dresse néanmoins un regard acéré sur l'histoire italienne : le fascisme s'installe, d'abord sournoisement, puis à visage découvert. Dans la nuit du 4 octobre 1925, les squadristes se déchaînent, ratissent Florence, arrêtent et assassinent. La liberté agonise dans cette Saint-Barthélémy des opposants.

Avec Cronaca dei poveri amanti, Carlo Lizzani déclarera avoir pris certaines distances avec le néo-réalisme qui lui semblait devenir un cadre trop strict. JIl affine ainsi la psychologie des personnages, leur intimité, même si elle demeure intégrée à un cadre de vie sociale. L'histoire d'amour est transcendée par les idées de révolte et de liberté qui emportent le récit dans un mouvement lyrique d'une belle ampleur.