Derniers jours à Shibati

2017

Thème : Exclus

Avec : Hendrick Dusollier, Madame Xue Lian et son fils, Zhou Hong et ses parents, Monsieur Li et ses clients, les habitants du quartier de Shibati. 1h00.

Dans l'immense ville de Chongqing, devenue en dix ans la plus grande agglomération au monde, 83 000 kilomètres carrés, soit une trentaine de fois Paris et sa région, le dernier des vieux quartiers est sur le point d'être démoli.

Hendrick Dusollier, qui ne parle pas le chinois, est apostrophé par les habitants : "Pourquoi tu nous filmes ?  Tes images sont fausses, le quartier va être détruit. La Chine ce n'est pas cela ".  Entre eux, les habitants se moquent du cinéaste "Dans son pays ce doit être un paumé ; il n'a rien trouvé de mieux pour gagner sa vie que de nous filmer". Ils s'apitoient sur son obstination à filmer alors que l'on se moque de lui.

Heureusement, un enfant, le petit Zhou Hong, sept ans, s'intéresse à lui et lui propose de lui montrer ce qui le fascine : la Cité de la lumière de la Lune. Dusollier le suit durant  quelques ruelles et quelques marches. Là se déploie l'immense Time square de la ville : l'écran géant du complexe commercial illumine la ville. Zhou Hong ne franchit pas la route qui l'y mène : sa mère le lui a interdit.

Les joueurs de ma Jong continuent de se moquer d'Hendrick. Mais il trouve meilleur accueil chez Madame Xue Lian, une vieille femme que l'on surnomme le lotus blanc car le lotus sait préserver sa blancheur même au milieu des détritus. Elle collectionne les objets kitsch trouvés dans les poubelles et décharges et construit sa "maison des rêves" avec la tête et le torse d'un cheval en plastique noir, un gros champignon et une boulle en plastique gris, des animaux tutélaires en plastique rouge et jaune; des fleurs naturelles ou artificielles. Madame Xue Lian gagne quelques sous en triant des plastique ou en logeant des migrants illégaux venus des campagnes environnantes.

Monsieur Li, le coiffeur de Shibati, engage une conversation surréaliste avec lui, aidé par  le mauvais anglais de quelques clients. Il parle de Mao, des présidents américains Roosevelt  ou Nixon qu'il croit français et de Dai gaole yiyuan.  Il sait qu'il n'en a plus pour longtemps à travailler dans son échoppe.

Six mois plus tard, Dusollier arrive en avion au-dessus de Chongqing. Les trois quarts de Shibati sont détruits. Monsieur Li est pourtant toujours là. Grâce à ses relations, il a maintenu son échoppe pour encore quelques temps. Madame Xue Lian montre son jardin, désolé, à celui qu'elle nomme "professeur". Elle a amené quelques éléments du jardin chez son fils dans la cité industrielle. Dusollier  emmène Zhou Hong dans le centre commercial de La Cité de la lumière de la lune. Zhou tente de jouer aux jeux vidéo avec des gamins dont les parents sont à faire des courses. Sans grand succès. Zhou lui demande de revenir le lendemain et rendez-vous est pris chez lui. Là, il prend la planche sur le dos, va aux abords de la Cité de la lumière de la lune où il attend sa mère qui vient avec un chariot de pastèques à vendre.

Six mois plus tard. Monsieur Hong se fait engueuler par sa femme car il a fait la lessive trop tard. Ils partent pour l'attribution d'un obtenu un logement. Madame Hong ne veut pas monter dans l'ascenseur, effrayée par 'cette pièce qui vole". Monsieur Hong revient triomphant : ils seront relogés et auront un appartement au deuxième étage dans la zone industrielle.

Monsieur Li  reçoit Dusollier dans son nouveau quartier. Il a moins de clients qu'avant. Grace à l'interprète il comprend que le cinéaste n'avait pas su comprendre qu'il s'agissait du général de gaulle quand il lui avait parlé de Dai gaole yiyuan.

Dusollier accompagne madame Xue Lian qui s'en va vendre deux grands sacs de petis sacs plastiques triés pour un euro. Elle lui fait visiter le centre commercial où elle a une amie qui gagne quelques sous comme elle, en faisant les poubelles. Elle trouve un bouquet de roses à peine flétries et prend la  pose à la manière d'une star devant un panneau publicitaire. Elle aime la France et a l'impression de voyager en sachant que son image dans le film sera bientôt vue en France. Elle en est très reconnaissante à Dusollier et l'entraine jusque chez son fils. Il n'est pas très content de recevoir un étranger.  Elle l'entraine ensuite dans un bois sous les autoreoute où elle a transporté lel cheval et le champignon de plastique.

Dusollier accompagne Zhou  et son père dans leur nouvel appartement de la zone industrielle, un appartement neuf avec cuisine et salle de bain. Zhou regarde par la fenêtre son nouvel univers. A la sorte, ils ne savent plus où est la station de métro. Quand ils la trouvent, le père paie à  Zhou une bouteille de Coca-cola. Dans le métro, cela lui fait mal au cœur. A Shibati, une grue détruit le dernier immeuble.  

L’agglomération de Chongqing, la plus grande du monde avec ses 34 millions d’habitants en 2017, connait un destin protéiforme. Elle était le cadre de Fantasia (Wang Chao, 2014), qui s'intéressait aussi à sa population marginalisée. Henrick Dusollier suit sur un an, en trois étapes séparées de six mois, la destruction du dernier des vieux quartiers, Shibati, en filmant le parcours du petit Zhou Hong, de la vieille madame Xue Lian et du coiffeur, monsieur Li. Il n'a aucun mal à opposer une misère encore conviviale à la solitude moderne du fils de madame Xue, enfermé chez lui à regarder une déclinaison de The Voice à la télévision. Il met en relief le courage de Zhou Hong face aux gamins bien intégrés qui s'amusent aux jeux vidéo dans le Time square de la mégalopole.

Film modeste, Hendrick Dusollier assume ne pas connaitre la langue, ne pas comprendre ce qui se dit. Il essaie d'améliorer son chinois mais sa tentative de dialogue avec Zhou Hong lors du deuxième voyage s'avère un échec ainsi revient-il avec deux interprètes lors du troisième voyage. Beauté des ruines et générosité des pauvres gens à se livrer sans détour à la caméra.

Jean-Luc Lacuve, le 5 décembre 2018