Wildlife - Une saison ardente

2018

Thème : Photographie

(Wildlife). Avec : Carey Mulligan (Jeanette Brinson), Jake Gyllenhaal (Jerry Brinson), Ed Oxenbould (Joe Brinson), Bill Camp (Warren Miller), Zoe Margaret Colletti (Ruth-Ann). 1h45.

1960, la famille Brinson s'est installée depuis peu dans une petite ville du Montana perdue au milieu de grandes étendues naturelles, où font rage d’importants feux de forêt. Joe, le fils unique du foyer, 14 ans, a du mal à trouver sa place au sein de condisciples qui se connaissent depuis leur enfance. C'est tout juste s'il accepte l'amitié d'une lycéenne de sa classe. Joe assiste, incrédule, à la désagrégation du couple que forment ses parents qui tentent de donner l'image d'une famille idéale même s'ils ne couchent plus ensemble depuis longtemps. La désagrégation s'accélère quand le père, Jerry, perd son emploi. Supportant mal son rôle subalterne dans l'entretient du golf, il lui est reproché d'être trop familier avec les clients. Cette déconvenue est le coup de grâce porté à l'estime de soi. Du coup, Jerry refuse tout travail qu'il ressentirait comme une nouvelle déchéance. Il refuse même de reprendre son ancienne place au golf quand ses anciens patrons s'aperçoivent, sans doute un peu tard, du sérieux dont il fait preuve.

Pour faire face au loyer à payer, la mère, Jeannette, trouve un travail de monitrice de natation et redécouvre un dehors à l’univers domestique où elle était jusque-là confinée, tandis que Jerry  se morfond à la maison. Un jour, il se porte volontaire pour partir plusieurs mois combattre les incendies en montagne. Joe se retrouve seul avec sa mère, qui entreprend alors de se fabriquer une nouvelle existence.

Jeannette accepte d'être la maitresse de Waren, à la tête de la concession automobile de la ville. Cette liaison, clandestine au sein de la ville mais avouée à son fils, ne permet pourtant pas à Jeannette de s'épanouir. Lorsque Jerry revient comme promis aux premiers flocons de l'hiver, il interroge son fils qui ne lui ment pas. Sous le coup de la colère, il part incendier la maison de Waren. Seul le perron prend feu et Waren, alors avec une autre femme ne porte pas plainte. C'est pourtant ce qu'avait cru Joe, parti au commissariat chercher son père. Celui-ci l'attend à la maison. C'est désormais lui qui va éduquer son fils en acceptant un métier de responsable de magasin. Jeannette est repartie dans une grande ville où elle vit seule et repris son métier d'enseignante. Lors de l'un de ses retours, Joe l'emmène ainsi que Jerry prendre une photo où le retardateur pour les prendre tous les trois. C'est l'objet de la photo lui avait dit son patron immortaliser un événement joyeux dans son caractère exceptionnel.

Adapté avec sa scénariste et compagne, Zoe Kazan, du roman Wildlife de Richard Ford (1990), le film de Paul Dano est un hommage au mélodrame hollywoodien. Il reprend ainsi les codes de Loin du paradis (Tod Haynes, 2002). Une mise en image pudique et classique scrute les déchirements d'un couple. Dans l’Amérique d’Eisenhower, Jerry et Jeannette attendaient une vie meilleure qui ne vint jamais. Les parents acceptent ainsi de se résigner à faire ce qu'ils savent faire : vendre quand on a le contact facile, éduquer lorsque l'on aime ça. Le fils, Joe, trouvera peut-être sa voie avec la compréhension fine  de la vie que lui a donnée la photographie.

L'originalité du roman, la vision par Joe, le fils unique du foyer, 14 ans, de l’effritement du couple est ici un peu outrancièrement mise ne scène. Les raccords regards à partir des yeux écarquillés de Joe agissent comme autant de d'alertes d'un nouveau drame à venir. Quelques uns sont particulièrement réussis : le renvoie du père hors champs ou l'attente de la vision du feu où sa mère, Jeannette, l'a conduit en voiture; visions du désastre.

La chronique familiale et sociale est centrée sur le portrait d’une mère en quête d’émancipation mais n'évite pas de s'attarder sur sa déchéance morale vis à vis de Waren qui ne lui propose pas une vie alternative libératrice. L'échange entre Warren et Joe au sujet de l'avion, moteur coupé, volant avec les oies sauvages, ne s'avère finalement pas une transmission de morale virile. Celle-ci conviendrait sans doute très mal au garçon. Bien plus émouvant sera le retour vers le père lorsque tombent les premiers flocons. C'est parce que Jerry met le feu au perron de Waren (alors avec une autre femme) que Jeannette se retourne vers ce qu'elle sait faire : l'éducation des enfants. De son côté, Jerry reprend pied et accepte de retravailler et d'éduquer son fils. Celui-ci immortalise une dernière fois le couple de ses parents dans une très belle dernière séquence.

Jean-Luc Lacuve, le 3 janvier 2019