Dead zone

1983

Genre : Fantastique

(The dead zone). D'après le roman de Stephen King. Avec : Christopher Walken (Johnny Smith), Brooke Adams (Sarah Bracknell), Tom Skerritt (Sheriff Bannerman), Herbert Lom (Dr. Sam Weizak), Anthony Zerbe (Roger Stuart), Sheen Martin (Greg Stillson), Nicholas Campbell (Frank Dodd), Sean Sullivan (Herb Smith), Jackie Burroughs (Vera Smith). 1h43.

À Castle Rock dans l’État du Maine aux États-Unis, le professeur de collège Johnny Smith sort avec sa petite amie Sarah à une fête foraine. Le soir, il la raccompagne chez elle. Alors que très amoureuse, Sarah insiste pour qu'il passe la nuit avec elle, Johnny, confiant dans les valeurs du mariage, estime qu'il y des choses qui valent la peine d'attendre. Après un dernier baiser, il repart en voiture sous la pluie. Il est percuté sur la route par la remorque d'un poids-lourd dont le chauffeur a perdu le contrôle, et sombre dans le coma.

Émergeant du coma à l’hôpital, cinq ans après l'accident, Johnny reste quelque temps aux soins d'un neurologue, le docteur Sam Weizak, apprenant qu’entre-temps Sarah s'est mariée. Il découvre aussi qu'il possède désormais la capacité psychique d'apprendre les secrets d'une personne, par simple contact physique. Toujours alité, il a une vision de la fille de l'infirmière qui s'occupe de lui, terrorisée par l'incendie de sa maison. Il déclare à l'infirmière qu’il n'est pas trop tard. Celle-ci court chez elle et récupère sa fille, sauvée par les pompiers. Avec son don, Johnny découvre également que la mère de Weizak, longtemps soupçonnée d'être morte pendant la Seconde Guerre mondiale vit non loin de son fils sans le connaitre. Mais Weizak bouleversé par cette nouvelle, renonce à entrer en contact avec elle, estimant que c'est trop tard.

Sarah vient voir Johny dans la clinique et lui apprend que mariée, elle a aussi un enfant dix mois. Johnny lu dit espérer n'être plus que comme, Ichabod Crane, héros de la légende du cavalier sans tête qu'il lisait à ses élèves et souhaiter qu'on le laisse désormais seul. Sarah s'effondre en larme en arrivant chez elle

Johnny voudrait que cesse les rumeurs qui se rependent sur son don de voyance en ville et demande à Weizak d'organiser une conférence de presse. A la question d'un journaliste sur le résultat des prochaines élections sénatoriales, il répond qu'il n'en sait rien. La vision ne se déclenchant qu'au contact de la main de la personne concernée. Le journaliste, en quête de scoop, exige alors que Johnny lui prenne la main mais est horrifié quand Johnny lui offre de divulguer pourquoi sa sœur s'est suicidée. La mère de Johnny est consternée par cet éclat public de son fils et s'affaiblit encore jusqu'à en mourir.

La nouvelle de son "don" s'étant répandu en ville, Johnny est approché par le shérif George Bannerman afin de l'aider à résoudre une série de meurtres commis par le mystérieux "Étrangleur de Castle Rock" Mais, souhaitant rester seul, irrité par ce que tous pensent être un don du ciel alors que lui a tout perdu, Johnny refuse. Peu après, il reçoit la visite de Sarah, venue avec son fils en bas âge. Alors que celui-ci s'endort, Sarah s'offre à Johnny, estimant qu'ils ont bien assez attendu. Lorsque le père rentre, c'est comme si une vie de famille heureuse s'installait. Ce ne peut être toutefois que pour cette seule journée car Sarah doit repartir près de son mari.

Changeant d'état d'esprit avec ce bonheur entraperçu, Johnny accepte finalement d’aider Bannerman ; il découvre rapidement que le tueur est son shérif adjoint, Frank Dodd. Mais, avant qu'ils ne puissent l'arrêter chez lui, Dodd se suicide. La mère de Dodd tire alors sur Johnny avant d'être à son tour abattue par Bannerman.

Johnny, désillusionné et à peine capable de marcher à la suite de sa blessure, prend du recul et tente de mener une vie plus isolée. A Weizak, venu lui rendre visite, il affirme vouloir se mettre en retrait de toutes les demandes d'aide qui lui parviennent et qui remplissent un placard entier. Ses crises vont en augmentant, à chaque fois que le pouvoir psychique augmente, son corps se vide de sa substance. Il devient précepteur pour enfants, travaillant chez lui jusqu'à ce qu'un homme d'affaires, Roger Stuart, l'implore de rendre visite à son fils Chris, qui est renfermé et peu communicatif. Johnny accepte et se lie bientôt d’amitié avec Chris.

Autour de sa demeure, la campagne électorale pour Greg Stillson bat son plein. Le journaliste Brenner qui voulait dénoncer son populisme outrancier reçoit un soir la visite de Stillson et de Dardis, son homme de main, qui l'obligent à renoncer sous peine de révéler l'adultère qu'il a entretenu avec une femme payée pour le seduire.

Johnny donne à son domicile des cours à Chris quand il reçoit la visite de Walt qui fait la promotion pour Stillson. Walt se révèle être le mari de Sarah, qui l'accompagne et qui est toujours très émue de le voir. Johnny, bouleversé par cette rencontre pleure devant Chris qui tente de le consoler. En lui prenant la main, il a la vision d'un accident où l'enfant et deux autres garçons chutent à travers la glace d'un lac gelé, se noyant en raison de leur équipement lourd de hockey. Il en informe Roger Stuart, mais ce dernier reste sceptique et le renvoie. Chris, qui fait confiance à Johnny, refuse de quitter la maison pour le match, désobéissant ainsi à son père.

Le lendemain, Johnny apprend par le journal que deux garçons se sont noyés dans le lac gelé. Il téléphone à Roger Stuart qui, devenu apathique devant les conséquences tragiques de son entêtement, ne répond pas. Seul Chris comprend que Johnny, l'ayant sauvé en dépit de son père, ne le reverra plus.

Par la suite, alors qu'il assiste à un meeting électoral auquel Sarah et son mari participent comme militants, Johnny se retrouve par hasard face au candidat Greg Stillson, qui brigue un siège au Sénat des États-Unis. Il l'avait déjà vu à la télévision chez Roger Stuart, ce dernier lui ayant fait par de son mépris pour cet homme, qu'il considère comme dangereux. En serrant la main de Stillson, Johnny a une vision apocalyptique de l'avenir où celui-ci, devenu président des États-Unis, déclenche une frappe nucléaire préventive contre l'URSS, ce qui provoque un holocauste nucléaire.

Johnny appelle alors Weizak et lui raconte comment après la vision de la noyade des trois enfants, il est parvenu quand même à sauver Chris. Weizak lui affirme alors qu'il y a un « angle mort » (dead zone) dans ses visions, ce qui lui permet changer le futur. Johnny lui fait alors part de son dilemme : que peut-il faire pour changer une catastrophe à venir si pour cela il doit tuer un fou en puissance ? Laissant l'objet de sa question abstrait, Il obtient de Weizak, la réponse qu’il aurait tué Adolf Hitler s'il en avait eu l'occasion, en sachant d'avance les atrocités qu'il allait commettre.

Johnny se décide à assassiner Stillson. Il laisse une lettre à Sarah où il lui avoue ce qu'il est sur le point de faire, sachant bien que cela va lui coûter la vie. Armé d'un fusil, Johnny s'introduit de nuit dans l'immeuble où Stillson doit faire un discours le lendemain. Il est réveillé le lendemain par le début du meeting, auquel assistent Sarah, son mari et leur enfant. Caché derrière une balustrade en hauteur, Johnny se relève et vise Stillson, mais manque son tir. Paniqué, Stillson se sert de l'enfant de Sarah (présent sur le podium) comme d'un bouclier humain. Lors de l'échange de coups de feu avec le garde du corps de Stillson, Johnny, ne voulant pas tirer sur Stillson qui porte l'enfant, est mortellement blessé et chute de la balustrade. Avant de mourir, il touche Stillson et voit que celui-ci n'a plus aucun avenir : un photographe présent lors du meeting a pris un cliché de Stillson lorsque celui-ci a utilisé l'enfant de Sarah pour se protéger. Johnny a une vision de son déclin, qui se termine par son suicide. Johnny meurt alors dans les bras de Sarah, qui l'embrasse effondrée de chagrin, et lui dit qu'il l'aime.

  Le film est découpé en trois mouvements qui pourraient apparaitre indépendants les uns des autres : l'étrangleur de Castle Rock ; le sauvetage du jeune Chris Stuart de la chute dans l'étang glacé ; la décision de tuer ou pas le sénateur Greg Stillson. Le fil rouge de ce drame fantastique reste néanmoins le mélodrame de l'amour contrarié entre Johnny et Sarah.

Puissance de l'esprit, mort du corps

Comme habituellement chez Cronenberg, les mutations physiques et mentales vont de pair. Dès l'épisode initial de la fête foraine, Johnny est pris de maux de tête qui le prédisposent au don "très ancien ou très moderne" selon Weizak des visions de l'avenir que déclenchera son accident. Ces maux de tête vont s'accroitre avec la succession des visions. La conséquence d'une de celles-ci sera d'être atteint par une balle qui va l'obliger à marcher avec une canne après avoir échappé aux béquilles. Il devient ainsi un être aussi fragile physiquement que puissant psychiquement. Il est très conscient qu'il doit se protéger, affirmant face aux lettres qui menacent de se rependre du placard où il les a enfermées, que son cas s'aggrave et qu'il se vide de sa substance. Le décor de neige qui accompagne la plupart des plans en extérieur dit le vide et presque le linceul dans lequel se trouve Johnny. Ce décor lui convient mieux que celui de la boue de Noël et des guirlandes que son père ne peut accrocher après le décès de sa femme.

Encore professeur dans sa classe, Johnny conseille à ses élèves la lecture de La Légende de Sleepy Hollow, la nouvelle de Washington Irving. Il compare également son coma avec le long sommeil du personnage de Rip Van Winkle, autre nouvelle d'Irving. Dans le sous-titrage, ces deux références sont indifféremment remplacées par un seul et même titre, inventé pour l'occasion, La Légende du dormeur du val, en référence au poème de Rimbaud, Le dormeur du val, mais sans rapport logique avec celui-ci : le poème évoque un soldat mort au combat et non une histoire de fantôme comme La légende de Sleepy Hollow, ni un sommeil prodigieux comme dans Rip Van Winkle. Hors, c'est bien cet état de fantôme désormais à l'écart du monde auquel Johnny veut aspirer.

Un mélodrame

Croyant aux valeurs supérieures du mariage, Johnny a renoncé à passer la nuit avec Sarah. Celle-ci tente une dernière fois de le retenir avec un baiser sous la pluie. Apres le coma, elle revient voir Johnny mais l'enfant la contraint à rester avec son mari. Ils ne vivent qu'une seule journée ensemble, joyeux, avant de se quitter. Johnny pense néanmoins toujours à elle quand il demande à Chris de lui lire le passage de l'enlèvement de la belle Léonore dans Le cavalier sans tête. Enlèvement auquel il ne peut que renoncer quand, juste à ce moment, son mari vient sonner à la porte et emporte Sarah avec lui dans un geste conjugal. c'est un coup de trop pour Johnny, le faisant s'effondrer ne larmes. C'est en cherchant Sarah parmi le meeting de Stillson qu'il a la vision de l'holocauste nucléaire que pourrait provoquer celui-ci.

Le destin tragique de Johnny, dès les premiers maux de tête, ne pouvait le conduire qu'à la mort. Il finit néanmoins par trouver une rédemption avec la mise hors d'état de nuire du Greg Stillson. Celui-ci, figure prémonitoire de Donald Trump, était apparu dans l'épisode un avec une question du journaliste. Stillson prenait de plus en plus de place dans l'épisode deux avec la grande affiche devant la maison de Johnny, la rencontre puis l'extrait télévisé qu'il regarde avec Roger Stuart. Mais c'est sur le terrain, personnel et tragique, avec la soumission de Sarah, entrainée par Walt, aux idées nauséeuses du sénateur populiste, que le drame se dénoue. L'enfant est sauvé mais le chagrin de Sarah, qui n'a portant pas encore reçu la lettre explicative, dit tout l'amour enfui. L'alignement des planètes ne leur aura jamais permis d'être ensemble pour le simple bonheur de "monter des étagères" comme ils l'expriment dans leur seule journée de bonheur.

Jean-Luc Lacuve, le 02/11/2020