Les amours d’Anaïs

2021

Cannes 2021, Semaine de la critique Avec : Anaïs Demoustier (Anaïs), Valeria Bruni Tedeschi (Emilie), Denis Podalydès (Daniel), Jean-Charles Clichet (Yoann), Xavier Guelfi (Balthazar), Christophe Montenez (Raoul), Anne Canovas (La mère d'Anaïs), Bruno Todeschini (François, le père d'Anaïs). 1h38.

Anaïs a trente ans et pas assez d’argent. Elle a un amoureux qu’elle n’est plus sûre d’aimer. Elle rencontre Daniel, à qui tout de suite elle plaît. Mais Daniel vit avec Émilie… qui fascine bientôt Anaïs.

Anaïs plaque tout. Elle plaque Daniel qui n'a pas de place pour une grande histoire d'amour. Elle plaque sa mère qui doit faire face à une récidive de son cancer. Elle plaque son boulot d'assistante dans un colloque à Rouen. Anaïs n'a pas assez d'argent pour être hébergée dans le château de Kerduel à Pleumeur-Bodou dans les Côtes-d'Armor pour suivre le colloque d'écrivains auquel participe Emilie. Yoann, aspirant écrivain et homme à tout faire, lui vient en aide en sollicitant son aide pour les travaux à mener durant le colloque.

Daniel est ébahi de la retrouver et après une dispute la largue à Guingamp pour qu'elle règle son problème d'incendie avec les Coréens. Mais Anaïs revient et séduit Emilie qui se laisse aimer sur la plage.

Le retour à Paris est difficile. Emilie repousse sans cesse les propositions d’Anaïs pour la rejoindre. Et lorsqu'Emilie vient à Paris, c’est pour dire à Anaïs qu'elle veut rompre. Anaïs refuse et entraîne Emilie dans une chambre dans les étages.

C’est l’histoire d’une jeune femme que le désir amoureux emporte. Anaïs n'est pas toujours sympathique tant son égocentrisme est manifeste mais Catherine Deneuve dans Le sauvage (Jean-Paul Rappeneau, 1975) avait déjà montré la force d'un tel personnage de comédie. Car cette comédie virevoltante est extrêmement bien réglée dans les moindres déplacements des personnages. Rien ne semble arrêter ou ralentir le rythme du film si ce n’est lors des moments d'émotion où la musique se déploie alors.

Bien que dans un milieu petit bourgeois, cette comédie renoue avec le genre sophistiqué tant les conséquences sociales ne sont jamais envisagées (paiement du loyer, incendie, retour de la gare). Les conséquences matérielles sont déjouées avec grâce et le film flirte parfois avec le burlesque (la propriétaire, les coréens, le lémurien, le prof de fac).

Anaïs est jeune et la réalisatrice ne s'attarde pas sur son destin : misera-t-elle sur l'amour comme elle l'a fait jusqu'ici ? S'attèlera-t-elle à une tâche plus ardue comme l'écriture ? Du moins le dernier plan suggère qu'elle sait maintenant prendre  l'ascenseur.

Face à cette jeunesse qui virevolte, les personnages des adultes semblent prêts à renoncer. Le désir n'est plus pour eux. Les parents ont jusqu'ici eu une belle vie que menace néanmoins maintenant le cancer de la mère. Daniel, menacé par l'andropause, éditeur reconnu même si en difficulté, se sentirait socialement ridicule d'entamer une relation avec une femme plus jeune de vingt ans. Emilie pour faire son autoportrait en écrivaine choisit Opening night (John Cassavetes, 1977) le dit-elle, comme un simple portrait de femme. Pourtant, comme le personnage interprété par Gena Rowland, elle s’interroge sur l'âge qu’on lui assigne et son angoisse de la mort.

Jean- Luc Lacuve, le 15 septembre 2021