(1927-2023)
22 films
   
   
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Kenneth Anger (Kenneth Anglemyer) est né en 1927 à Santa Monica, Californie. Il pratique la danse dès son enfance, et commence très tôt la réalisation de films.

Son initiation au cinéma va de pair avec son apprentissage de la sexualité. Equipé d’un Super-8, le cinéaste en herbe matérialise sur pellicule ses obsessions d’adolescent homosexuel et revisite le lyrisme pompier d’Hollywood sur un mode camp et poétique, sous l’influence du Chant d’Amour de Jean Genet. Il en découle Fireworks, son premier film tourné en 1947 en noir et blanc, qui met en scène la soumission d’un homme à des matelots à la fois tortionnaires et esclaves.

Séduit par cet onirisme hérité de la pantomime du cinéma muet, Jean Cocteau alors président du "Festival du film maudit" l'invite à Paris. Il lui écrit: “Votre oeuvre surgit de l’obscure nuit de l’âme.” Conquis par ces précieuses louanges, Anger s’installe à Paris et côtoie bientôt le gratin culturel de l’époque (Genet, Colette, Piaf, Langlois, Chanel) tout en poursuivant ses recherches ésotériques sur le pouvoir de la camera obscura. “La Lumière est l’Ame de la Terre”, écrit l’un de ses maîtres à penser Eliphas Levi. Lucifer en est le porteur.

Dévoyant les codes du rêve américain des années 1920, Puce Moment (1949), fragment de six minutes qui devait initialement aboutir à un projet plus long, est construit autour de la figure distinguée de la comédienne Yvonne Marquis à la recherche d’une tenue pour sortir.

Anger tourne à Paris Rabbit’s Moon (1950), qui revisite la romance de Pierrot et Colombine en 35mm, dans un décor de forêt merveilleuse à dominance bleu-nuit. Un numéro de mime expressionniste, entre Commedia dell Arte, Melies et hallucinations lysergiques. Le film ne sera achevé qu’en 1972 et connaîtra de nombreux remaniements, notamment la bande-son, passant du doo-wop fifties au glam-rock du groupe A Raincoat dans sa seconde version.

Ses films suivants s’attachent de plus en plus à la vertu fantasmagorique des éléments : Eaux d'artifice (1953) tourné dans les jardins de la Villa d’Este en Italie, est une ode baroque à l’élément aquatique sur une musique de Vivaldi. Inauguration of the Pleasure Dome (1954) prolonge Puce Moment dans sa revisitation démoniaque de l’emphase hollywoodienne.

Kenneth Anger est alors l'auteur, d'abord en France en 59, de la sulfureuse série des "Hollywood Babylon". (Paris, J.-J. Pauvert, 1959 puis "Hollywood Babylon II" New-York, E.P. Dutton, 1984). Trente ans avant l'invention de la presse People, il y raconte les frasques des stars du cinéma, du Muet à Marilyn Monroe. Partouzes, suicides, overdoses à Beverly Hills transforment l'usine à rêves américaine en cauchemar. Un monde qu'il connaît sur le bout des doigts pour avoir été dès l'âge de 8 ans un enfant prodige aux côtés de Shirley Temple.

Dans les années 1960, Kenneth Anger entre en résonance avec les mouvements qui taraudent la jeunesse américaine. Les expériences sexuelles et psychédéliques deviennent des territoires d’exploration et d’émancipation collective. Anger fréquente les nouveaux gourous du nouvel Hollywood comme Alexandro Jodorowsky qui va bientôt réaliser El Topo ou Dennis Hopper, futur auteur d'EasyRider.

En 1964, le blasphématoire Scorpio Rising met en parallèle les exactions d’un gang de Hell’s Angels homos bardés de cuir avec des inserts d’un film muet sur la vie de Jesus. Un an plus tard, Kustom Kar Kommandos, version avortée d’un film plus long, règle son compte aux grosses cylindrées. La société de consommation a les mythes qu’elle mérite, et les divinités antédiluviennes s’incarnent désormais dans des voitures de course.

Au delà des conventions narratives et picturales, le cinéma d’Anger possède une fonction rituelle : il s’agit avant tout d’un envoûtement destiné à atteindre directement la conscience du spectateur, à provoquer une épiphanie à rebours des religions dominantes - autrement dit, un éveil spirituel.

Invocation of My Demon Brother, tourné entre 66 et 69, Collage composite au rythme saccadé, entremêlant images de la guerre du Vietnam, Woodstock, concert des Rolling Stones, défonce ritualisée, messe noire et bacchanales décadentes… Surimpressions, dédoublements, accélérations et ralentissements comme un trip LSD.

Tous les films de Kenneth Anger baignent dans l'occultisme, que le réalisateur découvre au milieu des années 50 à travers les œuvres de l'Anglais Aleister Crowley, fondateur du satanisme moderne. Le cinéma en lui-même devient un outil thaumaturgique, le vecteur de forces irrationnelles, un support destiné à “donner corps au merveilleux” et à convoquer la Puissance de la Volonté. Anger a fait sien les préceptes d’Eisenstein, selon lesquels le cinéaste doit “s’emparer de l’esprit du public, le diriger l’inciter à acquérir une compréhension, une “intelligence émotionnelle”.

Aleister Crowley est aussi l'idole du guitariste de Led Zeppelin Jimmy Page, qui réalisera la BO inachevée du film d'Anger Lucifer Rising (1972), avant de truffer sa musique de références à la magie noire. La version définitive ne sera achevée qu’en 1981. Mais le pire émule de Crowley reste Charles Manson. En août 69, lorsque sa "Family" massacre Sharon Tate, Kenneth reconnaît parmi ses adeptes l'un de ses jeunes acteurs, Bobby Beausoleil, qui apparaît entre autres dans Lucifer Rising.

De sombres histoires qui n'empêchent pas Anger d'être l'un des plus proches amis d'Anton Lavey, ex-organiste de cabaret et fondateur de l'Eglise de Satan américaine. Jusqu'à sa mort en 97, celui-ci recrute dans sa secte des stars comme Jane Mansfield, Samy Davis Jr ou un jeune chanteur ordonné prêtre de la Church Of Satan : Marilyn Manson.

Filmographie :

1941 Who has been rocking my dreamboat
   
   
1942 Tinsel tree

 

 
   
1942 Prisoner of Mars
   
   
1943 The nest
   
   
1945 Drastic Demise
   
   
1947 Fireworks

(Feux d'Artifice)


Un jeune homme est torturé par une bande de marins lubriques.

   
1947 Escape episode
   
   
1949 Puce moment

 
   
1950 Rabbit's Moon

 
   
1953 Eaux d'artifice
Des jets d'eau, une princesse. Ils jaillissent, elle court. Ils se confondront.
   
1954 Inauguration of the pleasure dome
 
   
1964 Scorpio rising
 
   
1965 Kustom Kar Kommandos
 
   
1969 Invocation of my demon brother
Le film mixe les images d’un rituel luciférien et les bribes d’un concert des Rolling Stones, préfigurant la chute du Summer Of Love
   
1972 Lucifer rising

Filmé au coeur des ruines de l’Egypte antique, le film détourne cette fois les stéréotypes du peplum vers un horizon mystique pré-chrétien : les Anciens Astronautes et les Supérieurs Inconnus, Zarathoustra et les Thélémites, les Divinités Egyptiennes et les entités extra-terrestres convergent le temps d’une sarabande thaumaturgique.
   
1976 Senators in bondage
   
   
2000 Ich will!

 

 
   
2000 Don't smoke that cigarette

 

 
   
2002 The man we want to hang

film sur les tableaux de Aleister Crowley
   
2004 Mouse heaven

 

 
   
2004 Anger sees red

 

 
   
2009 My surfing Lucifer