The phoenician scheme

1950. L'industriel et marchand d'armes Anatoly « Zsa-Zsa » Korda échappe à un attentat dans son jet personnel. une explosion déchiquette son secrétaire administratif emporté pour moitié dans le trou de la carlingue. Il passe brièvement dans l'au-delà où sa vertu est évaluée par un conseil divin. Les journaux du monde entier évoquent la disparition de "M. 5%" qui s'accapare en effet cette somme sur ses nombreux contrats à travers le monde.

Générique; ballet des infirmières

Korda, est considéré comme l'ennemi n°1 des nations. Un consortium de bureaucrates dirigé par Excalibur s'unit pour contrecarrer son grand projet en faisant grimper le prix des matériaux de base, à commencer par le rivet.

Éprouvé par ce nouvel attentat dont il n'est sorti que de justesse, Korda a convoqué son unique fille, Liesel qui s'apprête à prononcer ses vœux pour rester cloîtrée dans un couvent. Il veut qu'elle y renonce et prenne sa relève à titre d'essai. Sa rencontre avec Liesl est observée par les neuf jeunes frères de Liesel que Korda ne voit presque jamais confinés dans une nursery. Bjorn, un entomologiste norvégien engagé par Korda pour le guider dans sa nouvelle passion est aussi embauché comme assistant de direction.

Korda explique à Liesel son grand projet visant à rénover les infrastructures de Phénicie. Chaque partie du projet est résumée dans une boîte. La première concerne l'extraction des matériaux, la deuxième, leur transport terrestre, une troisième le transport maritime, une quatrième est consacrée aux coûts de main-d'œuvre. Une ultime boite est consacrée au montant du GAP,le déficit de financement de ses grands travaux.

L'augmentation des prix du à l'action du consortium a d'importantes répercussions sur le grand projet et le Gap est maintenant estimé au montant total de la fortune de Korda. Pour le réduire, Korda décide de renégocier ses contrats auprès de ses partenaires. Il se rend d'abord en Phénicie et rencontre le prince Farouk, qui l'aide à déjouer une nouvelle tentative d'assassinat, seul le chauffeur est tué.

Farouk, Korda, Liesel et Bjorn se dirigent vers une ligne de chemin de fer à moitié construite, dont les travaux sont interrompus depuis que Leland et Reagan ont suspendu les travaux pour protester contre la modification des termes de leur accord par Korda. Pour régler leur différend, Farouk et Korda affrontent Leland et Reagan dans une partie de basket-ball malgré l'ignorance des règles de Farouk. Korda jure de revenir à l'accord initial et de couvrir une plus grande partie du déficit si son équipe perd. Farouk réussit un tir sur une distance d'un demi-terrain et Leland et Reagan acceptent de couvrir 15 % du déficit.

Korda rencontre ensuite Marseille Bob qui découvre qu'il a également modifié les termes d'un accord existant, ce qui met Bob dans une colère noire et le pousse à se retirer complètement du contrat. Leur rencontre tourne court lorsque Sergio et ses forces de guérilla révolutionnaires occupent la boîte de nuit de Bob sous la menace d'une arme. Bob les exhorte à se retirer et Korda prend une balle pour son ami sous les tirs croisés. Bob jure de couvrir sa part du déficit en guise de compensation.

L'entourage se dirige vers un bateau pour rencontrer Marty, un investisseur américain au discours éloquent. Marty est également vexé par le retour en arrière de Korda sur un accord existant, mais il se précipite à son secours lorsqu'il s'évanouit des suites de sa blessure par balle. Marty propose une transfusion à Korda et ils négocient pendant un échange de sang. Korda réalise que l'accord tourne mal et menace de dégoupiller une grenade qu'il avait offerte si Marty ne cède pas, ce qu'il fait.

Ils rencontrent ensuite la cousine Hilda, une parente éloignée de Korda. Elle accepte une proposition de fiançailles, mais refuse de l'aider à combler le fossé, ce qui met Korda sous pression pour qu'il conclue un accord avec l'infâme oncle Nubar, qu'il a accusé d'être responsable de la mort de la mère de Liesl et que celle-ci veut voir arrêté.

En route pour la réunion finale, Bjorn est démasqué comme agent du consortium, mais il se range du côté de Korda et Liesl, ayant développé une véritable affection pour elle. Lors de la réunion de divers syndicats et investisseurs, Nubar refuse de couvrir The Gap et attaque Korda. Ce dernier parvient à le repousser et à le maîtriser avec une fiole de gaz toxique.

Dans un moment de révélation provoqué par la bagarre et par l'influence constante de Liesel, Korda jure de couvrir lui-même le Gap – même si cela représente désormais toute sa fortune et plus encore puisque son projet inclut désormais de payer les ouvriers, après avoir juré de recourir à des esclaves pour sa main-d'œuvre.

Le projet est vertueux pour Phoenicia, mais il ruine Korda. Il se retire dans une vie plus simple, gérant un petit bistrot avec Liesl comme principale serveuse, tandis que lui est le cuisinier, privé de ses anciennes occupations luxueuses. Tous deux ferment le restaurant et s'installent pour une partie de cartes, acceptant une existence plus modeste.

Le film a pour sujet le rapprochement d'un père et de sa fille. L'un capitaliste sans état d'âme, apatride pour échapper à toute extradition, et l'autre, à peine sortie du couvent et s'initiant à l'autorité pour convertir son père aux valeurs humanistes. Ces deux univers asséchés se rencontrent à l'occasion de la renégociation des contrats aboutissant à la réalisation du phoenician scheme, non au moindre coût mais au juste coût.

La charge contre les tycoon, puissances transnationales, prend sans doute modèle sur Citizen Kane ou, comme l'indique le réalisateur, sur Calouste Gulbenkian, diplomate et financier arménien du fait de ses parts dans la société pétrolière turque implantée dans les pays du moyen-orient dans les années 10 et glaneur de bijoux, plantes et arts dont témoigne son musée à Lisbonne. Le jeu de plateaux avec des boîtes à ouvrir vient de Fouad Malouf, le père de la femme du cinéaste, Juman, un ingénieur libanais qui dirigeait une vaste équipe au Moyen orient.

La fille nonne de Korda est inspirée de Viridiana (Luis Buñuel 1961), comme l'attaque des terroristes évoque Le charme discret de la bourgeoisie (Luis Buñuel, 1972) et la coexistence du réel et de personnages célestes le rapproche de La voie lactée (Luis Buñuel, 1969).

On notera par ailleurs, la presence de nombreux tableaux dont l'original de Enfant assis en robe bleue (Pierre-Auguste Renoir, 1889). Sont également sortis de collections privées, L'Équateur (René Magritte, 1942), Nature morte au petit-déjeuner avec un rôti (Floris van Schooten, 1650) et Les amours des Centaures (Pierre Paul Rubens, 1635)

Si formellement le film ne manque pas d'atouts, la charge sociale apparait un peu convenue, un peu comme Mickey 17 (Bong Joon-ho) et les références à Bunuel sont beaucoup plus sages que celles du cinéaste espagnol et guère subversives.

Jean-Luc Lacuve, le 31 mai 2025

Source : Les Cahiers du cinéma n°820, 8 mai 2025.